La Convention européenne des droits de l’homme et le droit de l’Union européenne ont la primauté sur les règles de droit interne, en ce compris sur les lois

par Marianne Dony - 16 avril 2018

En réaction à un article de Guy Haarscher, « Le ‘voile intégral’ dans l’espace public à Strasbourg : la Cour européenne juge son interdiction dans l’espace public conforme à la Convention européenne des droits de l’homme » , une lectrice a posé la question suivante, particulièrement pertinente de la possibilité qu’aurait un État membre de l’espace européen de se soustraire à « une loi européenne » : « quelle raison prime, demande-t-elle : la souveraineté nationale ou la souveraineté européenne ? ».

Marianne Dony, professeur ordinaire à l’Université libre de Bruxelles (Chaire Jean Monnet de droit de l’Union européenne), répond à cette question, qui concerne la relation entre les droits nationaux et le droit européen, tel qu’il résulte respectivement de la Convention européenne des droits de l’homme et des règles de l’Union européenne.

1. Cette question sera abordée en prenant en considération de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés individuelles, souvent appelée « Convention européenne des droits de l’homme », qui était au centre de l’article auquel se rapportait ce commentaire, mais également le droit de l’Union européenne, et notamment la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

2. Tout d’abord, il est acquis que tant la Convention européenne des droits de l’homme que le droit de l’Union européenne ont « primauté » sur le droit national.

Il ne s’agit d’ailleurs pas là d’une caractéristique qui leur est spécifique : il est en effet admis, d’une manière générale, que le droit international et en particulier les traités internationaux ont une autorité supérieure par rapport aux normes de droit national. Cela signifie que les normes de droit national doivent se conformer aux normes du droit international et qu’elles ne peuvent être invoquées pour justifier le non-respect ou la non-application de celles-ci. Cette règle de primauté a été confirmée sans aucune ambiguïté tant par la Cour européenne des droits de l’homme que par la Cour de justice de l’Union européenne, y compris lorsque sont en cause des normes constitutionnelles nationales.

3. Ensuite, la Convention européenne des droits de l’homme et le droit de l’Union européenne ont une deuxième caractéristique commune, qui est ce qu’on appelle « l’effet direct ». On entend par là l’aptitude d’une norme de droit international à créer directement des droits ou des obligations dans le chef des particuliers, dont ces derniers peuvent se prévaloir devant le juge national.

De nombreuses dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme comme du droit de l’Union sont considérées comme produisant un effet direct. Il en résulte une plus grande protection pour les particuliers puisque, en cas de non-respect des droits que ces normes leur confèrent, ils peuvent s’adresser à leur juge national, qui devra en garantir l’application.

4. Mais la véritable originalité de la Convention européenne des droits de l’homme et du droit de l’Union européenne résulte de la combinaison entre le principe de la primauté et celui-ci de l’effet direct. L’impératif de primauté prend ainsi une signification différente de celle traditionnellement consacrée en droit international, où il vaut seulement dans les rapports internationaux entre les États. En effet, il s’adresse directement aux juges nationaux.
Concrètement, il signifie qu’en cas de conflit entre une norme de la Convention européenne des droits de l’homme ou du droit de l’Union et une norme de droit interne, le juge national qui a été saisi grâce à l’effet direct, doit donner tout son sens à la primauté de la norme internationale et faire respecter par priorité cette dernière. Cela vaut même à l’égard d’une loi nationale, qui doit donc s’effacer devant la règle européenne.

À cette fin, chaque juge national doit, chaque fois que c’est possible, interpréter la norme nationale de manière conforme à la norme internationale, c’est-à-dire retenir une interprétation de la norme nationale qui permettre la faire coïncider avec les exigences de la norme internationale. Lorsqu’une telle interprétation conforme est impossible, il devra écarter la norme nationale qui serait contraire à la norme internationale.

5. Cette primauté européenne ou en d’autres termes, cet abandon de souveraineté, ne sont pas usurpés par les instances européennes : les États parties à la Convention européenne des droits de l’homme (il y en a quarante-sept pour le moment) et les États membres de l’Union européenne (au nombre de vingt-huit actuellement et de vingt-sept après le départ du Royaume-Uni) ont librement accepté de conclure les traités qui les liaient ainsi… Il y a même en Belgique une disposition constitutionnelle qui l’autorisé : l’article 34.

6. En conclusion, un État européen ne peut donc pas se soustraire aux normes de la Convention européenne des droits de l’homme et du droit de l’Union européenne. Ils doivent aussi respecter les décisions de justice rendues respectivement par la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne.

Votre point de vue

  • Blanc Margeray
    Blanc Margeray Le 17 juin 2018 à 18:05

    Quand on écrit à Bruxelles au service de la Justice, sur un sujet précis, sur un ou des, manque dans un pays membre de l’UE : ce n’est pas cette réponse que l’on reçoit !!!

    Qui plaisante ?

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