Quand légiférer et opportunité riment, mais sous le contrôle de la Cour constitutionnelle : un mandat d’arrêt doit être motivé et signé par un juge d’instruction

par David Ribant - 20 décembre 2018

Le 5 juillet 2018, la Cour constitutionnelle a annulé l’article 7, 4° et 5°, de la loi du 21 novembre 2016, aux termes desquels l’absence de motivation ou de signature d’un mandat d’arrêt n’entraînait plus la mise en liberté automatique de la personne arrêtée.

La Cour a suivi l’argumentation développée par l’Ordre des barreaux francophones et germanophone dénonçant une violation des droits fondamentaux.

1. Cette loi du 21 novembre 2016 avait été votée afin d’éviter des situations comme celle vécue dans l’affaire du député Van Eyken (cette affaire avait été évoquée sur Justice-en-ligne par Joëlle Troeder « Le député Van Eyken est remis en liberté deux jours après avoir été placé en détention préventive : le mandat d’arrêt n’était pas signé comme la loi l’exige » ).

Ce dernier avait, à la fin du mois janvier 2016, été inculpé et privé préventivement de sa liberté. Il avait été néanmoins libéré deux jours après ce placement sous mandat d’arrêt et ce au motif que le juge d’instruction n’avait pas signé le mandat qu’il avait délivré.

2. Le législateur, soucieux de ne plus voir ce cas de figure se reproduire, avait décidé de légiférer en annulant la sanction prévue en cas d’absence de signature du mandat d’arrêt, à savoir la libération automatique de l’inculpé.

Ce législateur, par l’article 7, 4° et 5°, de la loi du 21 novembre 2016 ‘relative à certains droits des personnes soumises à un interrogatoire’ (abrogeant deux phrases dans l’article 16, §§ 5, alinéa 2, et 6, de la loi du 20 juillet 1990 ‘relative à la détention préventive’), avait même été plus loin en supprimant cette même sanction dans l’hypothèse d’un défaut de motivation du mandat d’arrêt.

3. La Cour constitutionnelle a logiquement annulé cette modification législative de pure opportunité. Notre haute juridiction a estimé que cette dernière violait les articles 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et 12 de notre Constitution, garantissant le droit à la liberté individuelle.

4. Comme dans chaque démocratie, la privation de liberté doit rester l’exception.

Un mandat d’arrêt ne peut être décerné que par un juge d’instruction, gardien des libertés fondamentales dans la phase préliminaire du dossier pénal. Dès lors, seule la signature du juge d’instruction garantit que le mandat d’arrêt émane de ce magistrat.

Comme la juridiction constitutionnelle l’a précisé, l’omission d’une telle formalité, même en cas de force majeure, constitue une irrégularité grave et irréparable.

Il n’apparaît pas plus concevable de priver la liberté d’un individu sans lui exposer les raisons de sa détention.

5. Nous ne pouvons dès lors évidemment qu’abonder dans le sens de l’arrêt prononcé par la Cour constitutionnelle et… nous inquiéter d’une telle réforme législative.

Elle a, non seulement, été menée par rapport à un cas particulier mais elle est revenue, sans aucune véritable discussion parlementaire, sur des garanties fondamentales.

Ce manière de faire s’est malheureusement répétée à de nombreuses reprises ces dernières années, nécessitant les interventions répétées de la Cour constitutionnelle qui, saisies par les organisations défendant les droits fondamentaux, veille au respect de ces derniers.

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David Ribant


Auteur

Avocat au barreau de Bruxelles

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