Conditions ordinaires de détention

par Delphine Paci - 15 décembre 2008

Certaines personnes pensent que la prison protège efficacement notre société en la mettant à l’abris d’individus dangereux. Limiter la vision de l’incarcération à cet aspect est cependant trop simpliste : un jour, la personne incarcérée va sortir de prison et, si sa sortie n’a pas été préparée, si cette personne a été traitée comme un sous être humain, comment pourra-t-elle respecter les règles sociales et ne pas récidiver ?
Comme une récente séquence au Journal télévisé de la RTBF l’a montré, la majorité des lieux de détention ne sont pas conformes aux règles d’hygiène et de sécurité les plus élémentaires.

Ainsi, dans certains établissements, l’on constate de manière non exhaustive la présence d’animaux nuisibles (souris, rats, cafards, etc.), de moisissures sur les murs, de cuisines déclarées impropres, de chauffages ou de systèmes électriques défectueux, … L’infrastructure sanitaire est, quant à elle, particulièrement préoccupante. De nombreuses cellules demeurent dénuées de toilettes, contraignant les détenus à assouvir leurs besoins dans des seaux hygiéniques exposés au regard de leur(s) co-détenu(s). Le papier toilette est tantôt vendu tantôt fourni gratuitement en quantité rationnée.

Il existe également des insuffisances au niveau du nombre de douches disponibles, de leur état et de leur entretien. Des limitations quant à leur utilisation sont instaurées de manière arbitraire et aléatoire (par exemple, une douche tous les trois jours, même s’il fait 35 degrés en cellule pendant l’été ).

La situation dans les cachots se caractérise pas une absence encore plus criante d’hygiène élémentaire : manque d’éclairage, inexistence d’installations sanitaires, ou chasse d’eau accessible uniquement depuis l’extérieur de la cellule, absence de nettoyage, literie douteuse, odeur nauséabonde, etc.

Lorsque l’on aborde le thème des prisons et plus particulièrement de ses conditions de détention, l’on ne peut contourner la question centrale de la surpopulation. En cinquante ans, la population carcérale a plus que doublé, alors que la délinquance, elle, n’a pas augmenté. A la prison de Forest par exemple, il y a plus de 650 détenus pour 400 places…

Les conséquences de cette surpopulation sont diverses : travail, hygiène, salubrité, soins de santé, sécurité, alimentation, relations entre détenus et agents pénitentiaires, etc.

Les cellules, conçues pour une ou deux personnes, occupent souvent trois voire quatre détenus, dans la promiscuité la plus totale. Une paillasse est entreposée par terre, ne permettant plus aux détenus de se mouvoir dans leur minuscule cellule.
Le manque de travail et de formation à l’intérieur de l’établissement se fait encore plus cruellement ressentir que d’ordinaire.

Le budget dont dispose la prison pour nourrir ses occupants étant fonction de la capacité théorique de l’établissement, les quantités alimentaires par détenu sont considérablement restreintes en cas de surpopulation.

Les assistants sociaux, psychologues, médecins, en sous-effectifs, ne peuvent exercer leur fonction correctement, par manque de temps. Il y a également plus de tensions et de violences latentes, notamment dues à la promiscuité. L’hygiène minimale n’est pas respectée (pas de douches, linges non changés, seaux d’urine non vidés). Les détenus passent entre 23 et 24 heures sur 24 dans leur cellule, les sorties au préau étant supprimées ou réduites au minimum.

Cette situation débouche sur des grèves fréquentes d’agents pénitentiaires qui, si elles sont compréhensibles, ont pour effet d’aggraver encore la situation des personnes détenues. Durant ces périodes parfois très longues, les détenus ne peuvent recevoir de visites, n’ont plus accès au téléphone, voient les contacts avec leur avocat fortement perturbés, ne peuvent pas assister à leur procès…

Bref, les détenus sont mal soignés, mal traités, mal écoutés et mal préparés à leur sortie de prison. Il y a de quoi avoir honte de nos prisons ! Rappelons qu’une personne détenue est un être humain…

Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe, appelé aussi « Comité anti-torture », se rendra prochainement en Belgique pour y examiner notamment la situation des prisons. Ce comité, comme son nom l’indique, est chargé par la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, conclue par les Etats du Conseil de l’Europe (http://www.cpt.coe.int/fr/documents/cept.htm), d’examiner le traitement des personnes privées de liberté en vue de renforcer, le cas échéant, leur protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. Selon cette convention, « les membres du Comité sont choisis parmi des personnalités de haute moralité, connues pour leur compétence en matière de droits de l’homme ou ayant une expérience professionnelle dans les domaines dont traite la présente Convention ».
« Justice-en-ligne » fera écho aux constatations de ce comité lors de saz prochaine visite en Belgique.

Votre point de vue

  • Ringuet Gérald
    Ringuet Gérald Le 2 novembre 2009 à 19:40

    Madame Paci,
    une prison doit rester une prison et certainement pas un centre social il y en a déjà trop en Belgique. Moi même je ne suis pas aussi bien logé qu’un prisonnier. Ils ont fautés Ils ont été jugés ils doivent assumer leurs fautes.
    Bien à vous.

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  • simoens
    simoens Le 14 avril 2009 à 11:18

    Si un pays dit civilisé comme la Belgique ? trouvait de la place dans des
    hôpitaux pour les personnes déclarées malade par des psys au lieu de les mettent en prison sans aucun traitement, il y aurait de la place pour ceux qui le mérite ?
    La Belgique a été condamnée plusieurs fois par l’Europe mais malgré les promesses des ministres rien ne change, au contraire, il y a aujourd’hui
    plus de mille malades (internés)dans nos prisons.
    Pauvre pays incapable d’humanité,il est vrai que ces "personnes" ne peuvent plus voter.
    Un pays qui ne soigne pas est un pays malade et est digne des républiques bananières."Un bien portant est un malade qui s’ignore" à méditer.

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  • oli_vier
    oli_vier Le 3 avril 2009 à 15:29

    Vous le dites dans votre article, la population carcérale augmente alors que la délinquance, elle, n’augmente pas.

    A ce phénomène, je vois 2 causes principales :

    1) L’augmentation des détentions préventives (par l’intermédiaire de laquelle un juge -ou le parquet- peut forcer une peine qui risque de ne pas être prononcée par le juge du fond ou de ne pas être exécutée (faute de place justement !!!)

    2) l’augmentation des peines prononcées par les juges du fond afin de s’assurer du passage en prison de la personne condamnée.

    Je m’explique : jusqu’il y a quelques années, les peines inférieures à 6 mois étaient systématiquement non-préstées ; donc, le juge qui veut forcer un passage en prison va prononcer une peine plus importante. cette peine plus importante va augmenter la durée de la détention, et donc renforcer la surpopulation. Pour lutter contre cette surpopulation, on a décidé que les peines inférieures à 3 ans ne seraient plus exécutées en milieu carcéral .... ce qui incite les juges à mettre des peines suppérieures à 3 ans et renforce encore la surpopulation.

    Bref, on obtient exactement l’efet opposé à celui désiré.

    ne serait-il pas temps de revoir l’ensemble du système au lieu d’appliquer des rustines sur des emplâtres et des emplâtres sur de jambes de bois ?

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Delphine Paci


Auteur

Avocat
Présidente de la section belge de l’Observatoire international des prisons

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