Qui pour intervenir au nom d’un justiciable ? En principe les avocats, sauf quelques exceptions

par Jean-Sébastien Lenaerts - 27 janvier 2017

La loi du 17 juillet 2015 ‘modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne la représentation des cohabitants légaux’ insère une nouvelle exception au monopole de représentation dont jouissent les avocats devant les juridictions, en permettant à une partie d’être désormais représentée par son cohabitant légal.

Jean-Sébastien Lenaerts, avocat au barreau de Bruxelles et assistant en droit judiciaire privé à l’Université libre de Bruxelles, profite de cette modification législative pour faire brièvement le point sur le monopole de représentation de l’avocat et sur ses diverses exceptions.

La règle

1. L’article 728, § 1er du Code judiciaire consacre expressément un monopole de représentation au profit des avocats : « lors de l’introduction de la cause et ultérieurement, les parties sont tenues de comparaître en personne ou par avocat ».

Le monopole de principe conféré aux avocats ne doit pas faire perdre de vue un autre principe consacré par le Code, tout aussi essentiel : toute partie est autorisée à se défendre seule, sans l’assistance d’un avocat. Il n’est fait exception à cette règle que si la loi interdit la comparution personnelle ou si le juge interdit au justiciable de se défendre seul, au motif que la passion ou l’inexpérience l’empêcherait de discuter de la cause avec la décence convenable ou la clarté nécessaire.

Si le justiciable décide de ne pas se défendre seul et de se faire représenter, seul un avocat est en principe habilité à représenter cette partie devant les cours et tribunaux. En cela, l’avocat dispose d’un monopole de représentation, qui vaut non seulement pour les plaidoiries (le monopole de plaidoirie étant par ailleurs consacré par l’article 440 du Code : « devant toutes les juridictions, sauf les exceptions prévues par la loi, seuls les avocats ont le droit de plaider ») mais également pour l’accomplissement des actes de procédure (dépôt de conclusions, dépôt d’une requête, etc.).
Dans l’esprit du législateur, ce monopole conféré aux avocats, professionnels du droit, participe au bon fonctionnement de la justice et présente un avantage pour le justiciable : l’avocat est contrôlé par un ordre professionnel, soumis à des règles déontologiques, a l’obligation de se former de manière permanente, dispose d’une connaissance des juridictions, etc.

Les exceptions

2. Il existe toutefois plusieurs exceptions au monopole de représentation, exceptions qui autorisent certaines catégories de personnes à représenter une partie devant certaines juridictions.

Ces exceptions sont notamment les suivantes :
1° Devant le juge de paix, le tribunal de commerce et les juridictions du travail, les parties peuvent être représentées par leur conjoint, par leur cohabitant légal (depuis 2015) ou par un parent ou allié.
Contrairement à l’avocat qui doit être cru sur parole lorsqu’il indique représenter une partie, le conjoint/cohabitant/parent/allié doit être porteur d’une procuration écrite spécialement rédigée par la partie qu’il entend représenter. Le juge doit par ailleurs agréer ce mandataire.
Cette exception ne trouve pas à s’appliquer devant, notamment, le tribunal de première instance ou la Cour d’appel.
2° Devant les juridictions du travail (tribunal du travail ou cour du travail), un délégué syndical peut représenter l’ouvrier ou l’employé. Ici également, le délégué syndical devra être muni d’une procuration écrite. En revanche, il ne doit pas être préalablement agréé par le juge.
3° Dans certains litiges en matière d’aide sociale, le justiciable peut se faire représenter par un délégué d’une organisation sociale, tandis que le CPAS peut comparaitre soit par un avocat, soit par un membre du CPAS délégué par lui.
4° En matière de garde transfrontière d’enfants, d’enlèvement international d’enfants ou de droit de visite transfrontière, le requérant peut être représenté par le ministère public.
5° En matière de contestations relatives à l’application d’une loi d’impôt, la réglementation fiscale autorise tout fonctionnaire d’une administration fiscale à comparaître au nom de l’Etat belge.

3. Le Code judiciaire consacre également toute une série d’autres exceptions au monopole de représentation de l’avocat, autorisant ainsi l’accomplissement d’actes de procédure particuliers par d’autres professionnels du droit (huissier de justice ou notaire par exemple). Ainsi en est-il par exemple de la requête en abréviation du délai de citer (c’est-à-dire la demande tendant à ce que l’affaire soit fixée plus rapidement qu’au terme du délai normal de huit jours), de la requête en apposition ou levée de scellés, de nombreuses requêtes en matière de saisies et de la demande de divorce par consentement mutuel.

Et devant le Conseil d’État et les juridictions administratives ?

4. Devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État, l’avocat dispose également d’un monopole de représentation, le justiciable étant toujours autorisé à se défendre seul (sous réserve de l’introduction d’un recours en cassation devant le Conseil d’État contre la décision d’une autre juridiction administrative, qui ne peut être introduit sans l’assistance d’un avocat). L’administration peut toutefois être représentée par un de ses fonctionnaires.

Si un travailleur peut être représenté devant les juridictions du travail par un délégué syndical, tel n’est en revanche pas le cas du fonctionnaire partie dans une procédure pendante devant le Conseil d’Etat. On pourrait y déceler une différence de traitement entre les ouvriers et employés, membres du personnel d’une autorité de droit public (lesquels peuvent donc se faire représenter par un délégué syndical devant les juridictions du travail dans un litige relatif à leur statut contractuel) et les membres du personnel statutaire d’une même autorité de droit public (qui ne peuvent pas se faire représenter par un délégué syndical devant le Conseil d’État dans un litige relatif à leur situation statutaire). Par un arrêt du 20 avril 2005, la Cour constitutionnelle a toutefois considéré qu’il n’y avait pas de discrimination sur ce point entre ces deux catégories de justiciables.

5. Devant les autres juridictions administratives, les principes du Code judiciaire énoncés ci-dessus doivent pouvoir s’appliquer, sauf règles dérogatoires particulières à chaque contentieux. Il est toutefois admis qu’en matière disciplinaire, compte tenu des particularités de ce contentieux, la comparution personnelle est la règle, ce qui n’interdit cependant pas à la partie qui comparait personnellement de se faire assister par un avocat.

Votre point de vue

  • skoby
    skoby Le 28 janvier 2017 à 16:34

    Tout cela me paraît bien logique, et même quand on peut se défendre sans
    la présence d’un avocat, il semblerait que cela soit défavorable pour l’individu
    qui essaye de se défendre tout seul. Le manque de connaissances juridiques
    doit certainement jouer un rôle important.

    • jan scholiers
      jan scholiers Le 29 juin 2020 à 11:42

      les juge ne peuvent pas soulever d’office un moyen résultant de la prescriptions(article 2247) ce qui l’a fait(faut de la part du juge)donc, le seul fait d’avoir parlée avec le juge en mon absence ou de lui donner des instructions de ce que l’on veux ou pas est contraire a la loi et la déontologie des avocats.voila la preuve que on est pas obligé d’être de la partie il faut bien sur plus de temps que un avocat qui a tout les outil est personnel a sa dispositions ses vrais mes on a pas de service certain, de la part d’un avocat qui vu les vécu sont plus intéressée au dessous de table que leur respect de la déontologie. la justice dans son ensemble devais par obligations aidée dans la compositions du dossier de lui communiquée les droit que il a lorsque manifestement ce cas rencontrée rentre dans l’un ou l’autre créneaux ou que il pourrais être retenu pour un acte intentionnelle de violence il ne fait pas que cette violence soit physique elle peu aussi être psychique même parfois plus violant que celle physique et venir en compte pour une aide financière.

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  • Pierre
    Pierre Le 18 juillet 2019 à 13:09

    Et, ne parlons pas de trop nombreuses collusions entre avocats qui se partagent le bénéfice des jugements sur base d’arrangements discrets !
    Un ancien procureur du roi aujourd’hui admit à l’éméritat m’a dit que les juges voyaient très bien ce genre de collusion dans le traitement des dossiers, mais que, malheureusement, ils ne pouvaient rien y faire !
    Comment la justice pourrait fonctionner convenablement si elle n’est déjà pas en mesure de gérer les "faux pas" de ses propres représentants !
    L’ordre des avocats, tout comme tous les autres ordres ( médecine, notariat,...) sont des reliquats du système des corporations hérité du moyen age !

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  • Gisèle Tordoir
    Gisèle Tordoir Le 30 janvier 2017 à 17:40

    Pourquoi tant d’erreurs alors que l’avocat est un professionnel du droit après toutes les formations, les remises à niveau, les évaluations, les contrôles,...? Quant à la clarté nécessaire requise en cas de comparution personnelle dans le but de se défendre tout seul, il faudrait que le monde judiciaire donne l’exemple en supprimant le charabia dépassé, démodé, même pas vintage, les formulations moyenâgeuses ("...près la cour d’appel...," les costumes (robes, perruques, étoles de fourrure, e.a.), la gestuelle (effets de manches, e.a.) et les postures guignolesques ( quand le greffier déclame "la cour..." - il faut se lever et attendre pour se rasseoir). Quant à l’argument lié au contrôle de l’avocat par un ordre professionnel comme invoqué dans l’article, il me sidère car il s’agit de la théorie si éloignée de la pratique...Il n’est pas normal que le justiciable qui se défend seul rencontre tant d’obstacles : je ne partage absolument pas l’avis de l’intervenant Skoby : "Le manque de connaissances juridiques doit certainement jouer un rôle important." Selon moi, il s’agit, dans les faits, d’un monopole pur et simple que le monde judiciaire n’aime pas voir partagé. Il a trop et depuis très longtemps l’habitude d’être surestimé...Alors si le citoyen lambda commence à se défendre tout seul, que restera-t-il de cette institution si malmenée à cause, trop souvent, de ses membres ?

    • Maxim
      Maxim Le 7 décembre 2017 à 12:05

      Les juges sont souvent les premiers à mettre toujours des obstacles à la comparution personnelle dans le but de se défendre tout seul. Il y a des juges qui abusent dans l’application de l’article 758 §2 c.j. non seulement pour empêcher la plaidoirie (police de l’audience) mais aussi pour essayer d’éviter le dépôt des conclusions d’une partie comparassent en personne ou même la mise en état.

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  • Nadine Goossens
    Nadine Goossens Le 8 février 2017 à 20:32

    J’adhère à la plupart des commentaires ci-dessous.

    On devrait cependant avoir le choix puisque c’est en Belgique que le nombre d’avocats par tête d’habitant est le plus élevé d’Europe.
    Curieux aussi de voir cette catégorie socio-professionnelle absorbée voire siphonnée par la sphère politique. Une authentique passion ?

    Pour s’en convaincre il suffit d’aller faire un petit tour du côté de https://www.cumuleo.be/

    • Gisèle Tordoir
      Gisèle Tordoir Le 9 février 2017 à 20:55

      Hélas, au grand hélas...Le nombre d’avocats ne prouve en aucun cas de la qualité d’être bien défendu...

    • Nadine Goossens
      Nadine Goossens Le 10 février 2017 à 20:07

      Oui, nous sommes arrivés à un point où les coteries ont tellement verrouillé le système qu’il ne fonctionne exclusivement qu’à leur avantage. Une pollution morale qui a mis en place les fondations du dépérissement de la société.

      Trop d’avocats sont sous influence, pour les plus jeunes sous contrôle (stagiaires entre autres), ce qui nuit considérablement à ceux et celles qui entendent honorer la profession.

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  • un geux
    un geux Le 30 janvier 2017 à 11:27

    Je rejoins le point de vue de maguite.

    La déontologie des avocats n’est pas ce qu’ils prétendent être, loin s’en faut.

    Ce qui heurte davantage, c’est l’outrecuidance de certains à plaider qu’il fait nuit en plein jour.

    • un gueux
      un gueux Le 30 janvier 2017 à 11:31

      il faut lire un gueux ...

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  • maguite
    maguite Le 29 janvier 2017 à 14:06

    Sauf lorsqu’un avocat marron ne respecte pas les règles de déontologie, ne respecte pas les demandes du client, impose un point de vue qui va à l’encontre des intérêts de ce client et oblige sous menace et chantage le client à se soumettre à son point de vue en lui soutirant par ruse un accord obligé.

    Cela arrive, j’en ai fait les frais et lorsqu’on porte plainte contre un tel avocat, Bâtonnier et Président de la Commission de Discipline noient le poisson et font traîner l’affaire.
    Dans ce cas, le client malmené n’a plus que ses yeux pour pleurer.

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Jean-Sébastien Lenaerts est avocat au Barreau de Bruxelles et assistant en droit judiciaire privé (procédure civile) à l’Université libre de Bruxelles. Il est par ailleurs membre du comité de rédaction du Journal des Tribunaux.

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