Un premier article de Clothilde Hoffmann, assistante aux Facultés universitaires Saint-Louis, avocat au barreau de Nivelles, a informé les lecteurs de Justice-en-ligne sur les principales conditions, de forme et de procédure, selon lesquelles une personne privée de sa liberté en exécution d’une condamnation pénale peur obtenir une libération conditionnelle avant le terme de sa peine.

Le même auteur nous propose ci-après des éclaircissements complémentaires sur le suivi de pareille libération anticipée

Les questions liées aux conditions et aux modalités d’octroi de la libération conditionnelle font naître de nombreuses interrogations et suscitent les réactions les plus diverses. Celles-ci ne peuvent toutefois pas être dissociées d’une réflexion pratique quant à la manière dont une cette mesure est, dans un premier temps, mise à exécution puis, par la suite, suivie et contrôlée par les autorités judiciaires.

Les conditions qui assortissent la libération

Lorsqu’il octroie au condamné une libération conditionnelle, le tribunal de l’application des peines doit énumérer de manière exhaustive dans son jugement l’ensemble des conditions générales et particulières au respect desquelles il soumet la remise en liberté anticipée.

Les conditions générales imposées au libéré conditionnel sont expressément prévues à l’article 55 de la loi du 17 mai 2006 et concernent les obligations suivantes :
«  1° Ne pas commettre d’infractions ;
2° Sauf pour la détention limitée, avoir une adresse fixe et, en cas de changement, communiquer sans délai l’adresse de sa nouvelles résidence au ministère public et, le cas échéant, à l’assistant de justice chargé de la guidance ;
3° Donner suite aux convocations du ministère public et, le cas échéant, de l’assistant de justice chargé de la guidance ».

Les conditions particulières sont quant à elles facultatives et déterminées par le tribunal lui-même. Elles prennent la forme d’interdictions ou d’obligations et sont directement liées à la situation personnelle du condamné.

Ces conditions supplémentaires visent la concrétisation du plan de réinsertion du l’intéressé (par exemple : l’obligation de mener à terme une formation déterminée ou de rechercher activement un emploi), le respect de l’intérêt des victimes (par exemple : l’interdiction de se rendre dans certaines régions géographiques ou l’obligation de mettre en place un plan d’indemnisation des parties civiles) ou encore, lorsque cela s’avère nécessaire, l’obligation de rencontrer certaines contre-indications légales (par exemple : l’obligation de mettre en place un suivi psychologique ou l’interdiction de fréquenter des débits de boisson).

Le condamné doit bien entendu avoir préalablement marqué son accord sur ces conditions.

Le contrôle assuré par le ministère public : quid en cas de non-respect des conditions ?

Si le contrôle du libéré conditionnel est confié au ministère public, qui estseul compétent pour saisir le tribunal en vue de la révision, de la suspension ou de la révocation de la libération accordée, c’est ce dernier qui est en charge du suivi de la mesure.

A cette fin, il mandate un assistant de justice, qui aura notamment pour mission de lui faire régulièrement rapport de l’évolution de la situation de l’intéressé et de la manière dont il collabore à la guidance.

L’article 62 de la loi du 17 mai 2006 précise queles rapports de l’assistant de justice abordent les points suivants : « les présences effectives de l’intéressé aux consultations proposées, ses absences injustifiées, la cessation unilatérale de la guidance ou du traitement par l’intéressé, les difficultés survenues dans la mise en œuvre de ceux-ci et les situations comportant un risque sérieux pour les tiers ».

Le cas échéant, ces rapports mettront en évidence une absence de respect des conditions imposées, qui pourra alors justifier la saisine du tribunal par le ministère public.

L’article 64 de la loi du 17 mai 2006 énumère de manière limitative les hypothèses dans lesquelles le ministère public a la possibilité de saisir le tribunal de l’application des peines en vue de réviser, de suspendre ou encore, de révoquer la mesure :

« 1° S’il est constaté, dans une décision passée en force de chose jugée, que le condamné a commis un délit ou un crime pendant le délai d’épreuve ;
2° Si le condamné met gravement en péril l’intégrité physique ou psychique de tiers ;
3° Si les conditions particulières imposées ne sont pas respectées ;
4° Si le condamné ne donne pas suite aux convocations du juge de l’application des peines ou du tribunal de l’application des peines, du ministère public ou, le cas échéant, de l’assistant de justice ;
5° Si le condamné ne communique pas son changement d’adresse au ministère public et, le cas échéant, à l’assistant de justice chargé d’exercer la guidance ;
6° Si le condamné ne respecte pas le programme du contenu concret de la détention limitée ou de la surveillance électronique […] »
.

Le condamné est alors cité à comparaître devant le tribunal de l’application des peines qui l’entendra quant aux manquements qui lui sont reprochés.
Si cela lui apparait nécessaire, le tribunal peut décider de réviser la mesure. Ce faisant, il adapte les conditions qui avaient initialement été imposées au condamné en les renforçant ou impose des conditions supplémentaires.

Le tribunal peut également considérer, au regard des circonstances de la cause, qu’il y a lieu de suspendre ou encore, de révoquer purement et simplement la modalité d’exécution de la peine qu’il avait octroyée. Dans les deux cas, l’intéressé est immédiatement réincarcéré.

Il est important de souligner que, dans les hypothèses pouvant donner lieu à une révocation de la libération conditionnelle, le ministère public peut ordonner provisoirement l’arrestation du libéré conditionnel. Ce dernier est alors réincarcéré de manière anticipative et provisoire, dans l’attente de sa comparution devant le tribunal de l’application des peines.

Une mesure aussi drastique peut, dans certaines hypothèses, s’avérer nécessaire. Toutefois, au regard des répercussions considérables qu’une arrestation provisoire aura nécessairement sur la vie sociale, familiale et professionnelle du condamné, lequel se voit brutalement privé de sa liberté, il nous semble qu’elle ne peut être prise qu’à l’issue d’un examen minutieux des circonstances de la cause, si elle apparait comme étant la seule mesure susceptible de garantir la sécurité publique.

Les conséquences d’une telle réincarcération seront d’autant plus dommageables qu’il peut s’écouler plus d’un mois entre la réincarcération du condamné et sa comparution devant le tribunal de l’application des peines, qui constitue sa première occasion de fournir ses explications quant aux manquements qui lui sont reprochés.

Et quid si l’intéressé est suspecté d’avoir commis de nouvelles infractions ?

Dans l’hypothèse particulière où des poursuites sont engagées à l’encontre d’un libéré conditionnel suspecté d’avoir commis un nouvel acte délictueux, le seul fait de son inculpation ne peut, à lui seul, constituerun motif valable pour que le ministère public ordonne son arrestation provisoire ou saisisse le tribunal en vue de la révision, de la suspension ou de la révocation de la modalité d’exécution de la peine dont il bénéficiait.

En effet, afin d’assurer au condamné le respect de ses droits fondamentaux, et plus particulièrement, son droit à la présomption innocence, son droit au silence ou encore, son droit à pouvoir bénéficier d’un procès équitable, il y a lieu d’attendre qu’une décision judiciaire définitive ait été prise avant de se prononcer quant à la poursuite ou non de la mesure de libération conditionnelle.

Toutefois, dans pareils cas, le ministère public conserve toujours la faculté d’ordonner l’arrestation provisoire du condamné et d’émettre un réquisitoire en vue d’une éventuelle révocation de la mesure s’il considère qu’il existe un autre motif de révocation, tel que, par exemple, la mise en péril de l’intégrité physique ou psychique de tiers.

A l’évidence, la question du sort à réserver aux modalités d’exécution de la peine octroyées en cas de suspicion de commission de nouveaux faits infractionnels constitue l’une des missions les plus difficiles des tribunaux de l’application des peines.

Elle implique notamment la recherche du délicat point d’équilibre entre d’une part, le respect des droits de la défense et tout particulièrement de la présomption d’innocence, et, d’autre part, les exigences liées à la protection de l’ordre et de la sécurité publique. Cette mission ne pouvait donc, à notre sens, être confiée qu’à une juridiction indépendante et impartiale garantissant un examen des différents intérêts en présence dans le respect du principe du contradictoire.

Votre point de vue

  • Delhaye
    Delhaye Le 23 septembre 2017 à 19:22

    Bonjour,

    La justice a t-elle une part de responsabilité dans une libération conditionnelle ?
    La victime peut-elle se retourner contre elle ?

    Répondre à ce message

  • van den Bogaerd Christianne
    van den Bogaerd Christianne Le 25 août 2011 à 11:51

    Liberté conditionnelle et, après ??? combien recommencent le mal qu’ils ont fait ! Je connais un ancien détenu libéré après qq années qui recommence ses prises d’ottages et, nargue son monde !!!!(prise d’ottages avec meurtre ds une poste.....

    • haze
      haze Le 30 juin 2015 à 22:01

      documentez vous, et ne faites pas de généralité !

    Répondre à ce message

  • ph
    ph Le 11 janvier 2012 à 21:44

    il y a lieu d’attendre qu’une décision judiciaire définitive ait été prise avant de se prononcer quant à la poursuite ou non de la mesure de libération conditionnelle.
    Quant on connaît la longueur des procédures judiciaires en Belgique, il y a lieu de s’inquiéter.

    Répondre à ce message

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Clothilde Hoffmann


Auteur

Assistante aux Facultés universitaires Saint-Louis

Substitut du Procureur du Roi à Bruxelles

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