L’avocat, la défense de son client et la confidentialité de sa correspondance

par Lawrence Muller - 8 juillet 2010

Un internaute nous a fait part de difficultés rencontrées avec son avocat. Nous nous sommes tournés vers l’avocat Pierre Corvilain et avons publié un article intitulé « La procédure de plainte d’un justiciable mettant en cause un avocat – Le devoir de loyauté de l’avocat ». Ensuite, le bâtonnier Robert De Baerdemaeker a répondu à un nouvel internaute en rédigeant un article intitulé « La loyauté et l’indépendance de l’avocat ».

Enfin, un internaute nous a transmis, en réaction au dernier article publié, le message suivant :

« Si je comprends bien, il serait envisageable de déposer plainte au pénal contre un avocat, qui au lieu de conseiller à sa cliente de cesser la pratique illégale, préfère déployer son énergie pour nier l’évidence même. Quid si c’est le Bâtonnier lui-même qui est concerné en tant qu’avocat ? Peut-on exiger de son avocat qu’il nous transmette tous les courriers confidentiels qu’il échange avec le conseil de la partie adverse ? Trop souvent, les clients sont mis à l’écart des arrangements qui interviennent entre avocats. Il est très difficile dans ces cas d’avoir une totale confiance en son conseil. Comment combattre ces collusions ? ».

Lawrence Muller, avocat au barreau de Bruxelles, poursuit le dialogue ci-après.

En ce qui concerne la première partie de la réaction de cet internaute, celui-ci paraît comprendre que l’article de Robert De Baerdemaeker contient une invitation à ce qu’une partie puisse mettre en cause et même par la voie pénale l’avocat de son adversaire lorsque cet avocat défend la thèse de ce dernier, « niant l’évidence même », l’évidence étant celle de ladite partie.

Ce n’est certainement pas le cas.

L’avocat est le défenseur de son client. C‘est son rôle. Cela ne signifie pas qu’il cautionne ce que son client a fait, mais qu’il va mettre tous les moyens en œuvre mais seulement des moyens légaux, bien entendu pour faire prévaloir le point de vue de son client. L’avocat adverse fera de même pour son client, et le juge tranchera.

Chacun remplit donc son rôle : les avocats défendent leurs clients, et la justice « tranche ».

Aussi longtemps qu’il respecte les lois et institutions, l’avocat ne peut donc être mis en cause pour la manière dont il défend son client.

Quant au bâtonnier, celui-ci, dans l’exercice de son métier d’avocat, est un avocat comme les autres.

Concernant la seconde partie de la réaction de l’internaute, les courriers échangés entre avocats sont en principe confidentiels. Cette confidentialité est conçue dans l’intérêt du client. En effet, elle permet à l’avocat de rechercher en toute liberté un arrangement amiable avec l’avocat adverse. Si les courriers échangés entre avocats dans la cadre de la recherche d‘accords transactionnels n’étaient pas couverts par la confidentialité, les possibilités de négociation de l’avocat s’en trouveraient sensiblement plus réduites.

Cela étant, il est loisible à l’avocat de transmettre à son client une copie des courriers échangés avec l’avocat adverse, mais à titre strictement confidentiel. Le client qui recevra ces copies ne pourra jamais en faire état. Elles ne pourront jamais être produites en justice.

Mots-clés associés à cet article : Avocat, Barreau, Déontologie, Secret professionnel,

Votre point de vue

  • unaverti
    unaverti Le 21 juin 2018 à 20:24

    Bonjour,

    Le sujet est ancien, mais je ne partage pas le point de vue de l’auteur. L’avocat ne peut jamais transmettre une lettre confidentielle.

    Il y aurait de fait violation du secret professionnel.

    Le client qui en ferait usage commettrait le recel du secret professionnel.

    L’avocat, ne peut que retranscrire ou retracer le contenu de la lettre confidentielle de son confrère. Les propos n’engageront que l’avocat qui a retranscrit la lettre, et n’ont donc aucune valeur devant les juridictions (sauf un cas bien particulier si la lettre est constitutive en elle-même d’une infraction).

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  • lawrence muiller
    lawrence muiller Le 28 juillet 2010 à 14:29

    Concernant le point 1), l’avocat ne peut évidemment conseiller à son client de commettre une illégalité. Mais s’il est consulté par le client alors que celui-ci a déjà commis l’illégalité, le rôle de l’avocat sera de défendre le client par rapport à l’illégalité qu’il a commise. Je rappelle que défendre quelqu’un ne signifie pas cautionner ce que ce quelqu’un a fait.
    Concernant le point 2), le contenu de la lettre est lui aussi confidentiel. Mais comme je l’ai indiqué, rien n’empêche l’avocat de transmettre à son client une copie des courriers échangés avec l’avocat adverse, pour autant que cette transmission se fasse à titre confidentiel.

    • KOULOS Kosta
      KOULOS Kosta Le 18 décembre 2014 à 22:50

      Comment se fait-il que, certains avocats déposent en procédure des pièces confidentielles et mensongères, ainsi que plusieurs pièces illicites violant des règles fondamentales de la constitution sans aucune réaction de l’avocat du client lésé, sans aucune sanction de la "Justice" ? Comment se fait-il qu’un avocat dépose en procédure la copie d’un courrier sciemment erroné d’un Bâtonnier qui n’a rien à voir avec le litige alors que c’est confidentiel, courrier adressé au Président du Conseil de discipline suite aux plaintes fondées d’un citoyen contre plusieurs, avocats, Bâtonniers, Présidents de Commission des honoraires et Commissaires ?

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  • Bens
    Bens Le 22 mai 2012 à 16:10

    bonjour,
    Dans un litige qui m’oppose à mon vendeur (non solvabilité du locataire avant et après signature de compromis), mon avocat adresse des courriers confidentiels à l’avocat de la venderesse, dont je ne connais ni le nom ni l’existence, sans m’en faire part, d’autant que cet avocat ne répond jamais. Mon avocat me demande des émoluments sans les justifier (courriers, pour moi fantômes et réponses inexistantes). Est-ce une pratique courante ou doit-il m’adresser en copie ces "courriers" pour justifier des sommes deandées ?

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  • Labranche
    Labranche Le 26 octobre 2010 à 22:06

    Bonsoir, vous dites "Cette confidentialité est conçue dans l’intérêt du client. En effet, elle permet à l’avocat de rechercher en toute liberté un arrangement amiable avec l’avocat adverse. Si les courriers échangés entre avocats dans la cadre de la recherche d‘accords transactionnels n’étaient pas couverts par la confidentialité, les possibilités de négociation de l’avocat s’en trouveraient sensiblement plus réduites." Mais l’intérêt de la négociation menée par l’avocat l’est-elle dans l’intérêt de son client si l’avocat sait que son client peut ignorer les bases de la négociation ? "En toute liberté" peut donc vouloir dire dans l’intérêt de l’avocat et non nécessairement dans l’intérêt du client. Par contre, sans confidentialité, il est certain que la négociation déclarée (écrite) ne pourrait se faire qu’avec l’aval du client, car soumis à un contrôle de celui-ci. La réduction des possibilités de négociations se feraient alors non au détriment du client mais en faveur de celui-ci alors que dans l’état actuel des choses c’est le contraire...

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  • Beya MERAD
    Beya MERAD Le 26 août 2010 à 12:47

    Maître Muller, Personne ne conteste le rôle de l’avocat dans la défense de son client qui a commis une illégalité. La question initiale portait sur le fait que l’avocat, qui sachant bien que son client a commis une illégalité, met en œuvre une défense qui consiste à nier tout simplement les faits, lui permettant ainsi de continuer sa pratique sans se soucier des personnes préjudiciées ni de celles qui le seront.
    "L’avocat ne peut évidemment conseiller à son client de commettre une illégalité" ; il ne peut pas non plus lui permettre de la continuer. C’est là où réside la complicité.

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  • Beya MERAD
    Beya MERAD Le 11 juillet 2010 à 15:54

    Maître,
    1)Me. De Baerdemaeker parlait bien de « s’exposer au risque d’être complice ».
    Si comme vous le dites, défendre son client, ne veut pas dire cautionner les faits de ce dernier mais juste défendre son point de vu, quid de la loyauté de l’avocat qui, comme le disait bien Me. De Baerdemaeker, « constitue pour lui une obligation générale à l’égard de tous » ? Quid lorsqu’il sait que le fait est illégal et qu’il porte préjudice à toute une catégorie de personnes ? N’a t-il pas une part de responsabilité ?

    2)Le courrier est confidentiel mais son contenu l’est-il également ? Le client non représenté n’est soumis au respect d’aucune déontologie. Vous dites que la confidentialité est conçue dans l’intérêt du client, du quel des deux avocats ? Si tel est le cas pourquoi le client n’est-il pas en copie ?
    Toutes des questions qui interpellent et qui jettent le trouble sur ce métier qui ne cesse d’être contaminé par la caractéristique phare de ce pays "le compromis" au mépris de la justice.

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  • sci A
    sci A Le 22 décembre 2011 à 17:14

    un avocat,a-il l’obligation de vérifier ( quand cela est possible) la véracité des propos de son clients ? Nous avons acheté un immeuble le 30 juin 07, disposant d’un bail commercial prévoyant un paiement des loyers par trimestre et par avance. Quand nous avons demandé l’échéance de juillet , les locataires ont dit qu’ils l’avaient déjà payée aux anciens propriétaires, ce qui était faux car les anciens propriétaires nous ont affirmé que les locataires payaient toujours à terme échu ... malheureusement ils n’effectuaient pas de quittance...
    Pour en avoir le coeur net , nous avons simplement demandé à nos locataires de comptabiliser le nombre de trimestres réglés jusqu’à la vente.. ils ont toujours refusé.... en revanche les anciens propriétaires ( indivision) ont apporté leur relevé de compte.Malgré tout l’avocate de nos locataires a profité de ce " flou".... ce qui a eut évidemment pour conséquence de nous débouter de notre demande ( résiliation du bail pour défaut de paiemnt) . pourtant elle avait à disposition , tous les relevés de compte des anciens propriétaires ... elle savait donc que ses clients mentaient... car eux, ne lui avaient , non plus, rien apporté prouvant le paiment du trimestre que nous réclamions.Pourtant par des jeux de mots incroyables , des phrases à n’en plus finir.. les juges ont fini je pense par y perdre leur latin et nous débouter... c’est nous qui avons été condamné à 1800 € au titre de l’art 700.

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