Améliorer le fonctionnement de la justice : le défi du Conseil supérieur de la justice et de quelques autres organismes collatéraux

par Christine Matray - 13 septembre 2012

Améliorer le fonctionnement de l’institution judiciaire est une préoccupation constante depuis des décennies. Mais, avec l’affaire Dutroux, le monde politique s’est particulièrement mobilisé pour donner à l’institution judiciaire un nouveau souffle.

Plusieurs structures ont été mises en place à cet effet au cours de la dernière décennie.

Christine Matray, conseiller honoraire à la Cour de cassation, ancien membre du Conseil supérieur de la justice, a joué un rôle important dans ce renouveau, spécialement dans la création de ce dernier Conseil. Elle est donc particulièrement bien placée pour nous proposer, ci-après, un exposé du rôle des principales de ces instances.

La plupart d’entre elles dispose d’un site internet qui permet de consulter des informations plus détaillées sur leurs statuts et sur leurs activités.

Voici les principales structures mises en place ces dernières années pour améliorer le fonctionnement de la Justice.

 1. Le Conseil supérieur de la justice (CSJ)

Le CSJ est assurément l’institution la plus importante et la plus novatrice. Il est composé de 44 membres, 22 néerlandophones et 22 francophones, dont le mandat de quatre ans n’est renouvelable qu’une fois. La moitié des membres sont des magistrats élus par leurs pairs. L’autre moitié, désignée par le Sénat, est composée d’avocats, de professeurs et de personnes censées disposer d’une expérience utile en matière de justice.

La première des deux commissions que comporte le CSJ s’occupe des nominations de magistrats. Par rapport au système antérieur, dans lequel les partis formant la majorité gouvernementale avaient la main mise sur les nominations, on peut parler d’une dépolitisation : un système de présentation aux deux tiers des voix garantit des choix plus objectifs, fondés sur les qualités des candidats.

La seconde commission donne des avis sur des réformes législatives qui intéressent la Justice et peut mener des enquêtes sur le fonctionnement des cours et tribunaux. Celle-ci peut relever des dysfonctionnements au sein de l’institution judiciaire. Elle n’a pas de compétence disciplinaire.Elle doit se borner à dénoncer à l’autorité disciplinaire compétente les éventuels manquements qu’elle croit avoir relevés.

 2. La Commission de modernisation de l’Ordre judiciaire (CMOJ)- 2006

La CMOJ a pour objet de « moderniser la gestion de l’Ordre judiciaire ». Sa structure est plus légère : huit membres, titulaires d’un mandat de six ans, renouvelable.

La CMOJ lance des projets de modernisation dans différentes juridictions ou parquets « pilotes ». Elle s’intéresse, par exemple, au coût des actes judiciaires, aux frais de justice, au relevé des bonnes pratiques, au scannage des dossiers d’instruction, à la description des fonctions du personnel judiciaire, etc. A relever que, dans un rapport d’activités de 2010, la CMOJ déplorait elle-même « une dispersion d’efforts et de moyens » et même « le manque de culture de dialogue entre les autorités judiciaires ».

 3. Le Conseil général des partenaires de l’Ordre judiciaire - 2006

Le Conseil général des partenaires de l’Ordre judiciaire a été institué en même temps que la CMOJ. Il se compose de 33 membres, parmi lesquels on retrouve des membres du Conseil supérieur de la Justice, de la Commission de modernisation de l’Ordre judiciaire, du Conseil consultatif de la magistrature, du collège des procureurs généraux, du conseil des procureurs du Roi et des membres désignés par les premiers présidents des cours d’appel et du travail (voy. plus bas) mais aussi des avocats, des membres du personnel judiciaire, des huissiers de justice, des notaires et un haut fonctionnaire. Il était chargé de proposer à la Commission toute idée de nature à promouvoir la modernisation. Il se réunit de moins en moins. Le dernier rapport d’activité publié sur le site de la Commission concerne l’année 2007-2008.

 4. Le Conseil consultatif de la magistrature (CCM) - 1999

Le CCM mène des réflexions et émet des avis sur tout ce qui concerne le statut, les droits et les conditions de travail des magistrats.
Sa composition est aussi lourde que celle du Conseil supérieur : 44 membres mais qui, ici, sont tous magistrats. Ils sont élus par leurs pairs et répartis en deux groupes linguistiques.

Le CCM se limite pas à défendre les intérêts professionnels des magistrats. Il s’engage sur des réformes qui concernent un meilleur fonctionnement de l’institution etprend des initiatives sur différents questions pratiques.

 5. Les organes de la « mesure de la charge de travail » - 2008

La mesure de la charge de travail des magistrats est la grande préoccupation des derniers ministres de la Justice. Pour élaborer un instrument de mesure fiable, une structure complexe de concertation a été mise en œuvre.
L’objectif est de répartir plus équitablement les moyens humains et de rendre les procédures plus efficaces.

 6. Le Bureau permanent statistiques et mesure de la charge de travail - 2008

Le Bureau permanent statistiques et mesure de la charge de travail est composé d’un magistrat-chef du projet et de quinze collaborateurs.
Le site du Bureau permanent comporte un onglet « statistiques » qui contient une foule de données sur la période 2000-2009, notamment sur la durée moyenne des affaires civiles devant les différentes cours d’appel (qui s’est réduite partout sur la durée examinée, soit en jours, Liège 697, Anvers 736, Gand 948, Mons 979 et Bruxelles 1028). C’est là, on le sait, que l’arriéré judiciaire est le plus sensible. Mais on y trouve, de manière plus générale, d’intéressantes informations sur le travail effectué au sein des juridictions et sur le type de contentieux que l’on y traite.

 7. L’Institut de formation judiciaire (IFJ) - 2007

L’IFJ organise la formation des magistrats mais aussi celle des membres du personnel de l’Ordre judiciaire.

 8. Le Comité de gestion informatique de l’Ordre judiciaire - 2005

Le Comité de gestion informatique de l’Ordre judiciaire avait reçu une mission essentielle : organiser la communication interne et externe requise par le fonctionnement de la justice, la gestion et la conservation des données judiciaires, l’instauration d’un rôle national (un « rôle », dans le langage judiciaire, est une liste d’affaires soumises à une juridiction), la constitution d’une banque de données de jurisprudence, l’élaboration des statistiques et l’aide à la gestion et l’administration des institutions judiciaires.

C’est un échec cuisant. Voici quelques extraits du dernier rapport d’activité de ce comité. Il date de 2011 : « L’informatisation de la justice, comme le prévoient les lois Phenix, lois toujours en vigueur, n’a guère évolué ou si peu qu’elle est imperceptible. […] Le Comité de gestion n’existe donc que sur papier...comme la loi qui l’institue. […] En l’absence d’activité, comme cela est voulu par l’autorité politique, il n’y a dès lors aucune annexe, le présent avant-propos représente donc, au plus grand regret de son auteur, l’intégralité du ‘rapport d’activité’ de cette très longue année ».

 Conclusions

Depuis une dizaine d’années, le législateur a déployé une grande créativité pour constituer, en marge des institutions judiciaires, différentes structures. Nous ne les avons pas toutes citées. Elles étaient destinées à améliorer tantôt le rapport de confiance entre les justiciables et l’administration de la justice, tantôt le fonctionnement de celle-ci. D’importants moyens financiers ont parfois été mis à leur en œuvre. Ils ont malheureusement été souvent absorbés par des frais de fonctionnement considérables. A titre personnel, nous pensons qu’un bilan s’impose de toute urgence pour rassembler les énergies, éviter les chevauchements de compétence, rationaliser les coûts et définir avec plus de précision les objectifs.
Une des premières exigences nous paraît être de rendre les structures maintenues plus légères et de veiller à les composer selon des critères de compétence et non des critères partisans, lesquels constituent une régression en comparaison des objectifs politiques annoncés au moment de la constitution du Conseil supérieur de la justice.

Votre point de vue

  • Gisèle Tordoir
    Gisèle Tordoir Le 14 septembre 2012 à 12:11

    Pour l’expérience que j’en ai faite, je suis plus que sceptique concernant l’utilité de cet organe supplémentaire, donc coûteux pour nous tous, qu’est le CSJ. Le CSJ n’a pas de réelle volonté de répondre aux attentes citoyennes. Pour exemples : nous avons demandé son intervention dans le cadre de dysfonctionnements manifestes et évidents à Nivelles : à part, un "échange" de correspondance bien vide et inutile, le CSJ n’a rien fait. A notre demande d’être reçus et donc entendus (?) : sans suite, sans réponse. Très (trop) rapidement : classement sans suite de notre dossier qui a soi-disant (très superficiellement, en tous cas) fait l’objet d’une enquête. Nous nous sommes portés "personnes lésées" suite à différentes plaintes déposées en 2008, 2009, 2010 et 2011 : le procureur, malgré quatre courriers recommandés chacun avec accusé de réception lui adressés, ne daigne que tout récemment (deux jours après que nous en avisions la cour de cassation) de nous répondre "plaintes en information". Le CSJ, alors que j’ai lu que ce sujet fait partie d’un des problèmes assez courants à régler, n’a rien fait. Ni conseil, ni entretien, ni solution : silence radio...et classement. Alors quand je lis ce qui précède, je peux vous dire que j’ai surestimé à l’époque le CSJ, j’ai cru (car c’est ce que j’attendais d’un tel organe) en la réelle volonté de rapprocher le citoyen de la justice. C’est tout faux...

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