La Cour d’appel a tranché : ‘Tintin au Congo’ n’est pas un album raciste et xénophobe !

par Edouard Cruysmans - 25 janvier 2013

Nouvel épisode dans la saga judiciaire ‘Tintin au Congo’ : la Cour d’appel de Bruxelles confirme l’absence de caractère raciste et xénophobe de cet album. Le président du Tribunal de première instance de Bruxelles avait déjà jugé en ce sens ; Justice-en-ligne y a fait écho le 22 février dernier.

Explications, par Edouard Cruysmans, assistant à l’Université catholique de Louvain et aux Facultés universitaires Saint-Louis

L’affaire ‘Tintin au Congo’ a connu dernièrement un nouvel épisode. La Cour d’appel de Bruxelles s’est en effet prononcée le 28 novembre 2012 sur appel de l’ordonnance rendue le 10 février 2012 par le président du tribunal de première instance de Bruxelles. La Cour confirme la position défendue huit mois auparavant. L’album ‘Tintin au Congo’ ne présente aucun caractère raciste ou xénophobe.

Pour rappel, les requérants (devenus dans la présente affaire les appelants) souhaitaient à titre principal que l’album d’Hergé cesse d’être exploité, diffusé, distribué et imprimé, estimant qu’il portait atteinte aux dispositions pénales de la loi du 30 juillet 1981 ‘tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie’.

La Cour d’appel rappelle que toute infraction pénale est constituée d’un élément matériel et d’un élément moral, et que ce dernier fait en l’espèce défaut. La preuve de cet élément « doit être recherchée dans le chef du créateur de l’œuvre […] et à l’époque de la première diffusion de la bande dessinée, sous forme de feuilleton, en 1930 ». Il faut donc se placer au moment de la parution de la première édition pour établir l’existence de l’élément moral. La Cour souligne qu’« Hergé ne pouvait avoir en 1930 le même état d’esprit que celui qui allait inspirer, un demi-siècle plus tard, la loi de 1981 ». Elle soutient que rien ne permet d’établir qu’Hergé considère les Africains comme une « race » inférieure aux blancs. L’auteur s’est limité à reproduire les stéréotypes véhiculés durant cette époque colonialiste et nous gratifie, selon la Cour, d’un « témoignage de l’histoire commune de la Belgique et du Congo à une époque donnée ». Tout ceci concorde à l’absence d’élément moral, et dès lors à l’absence d’infraction pénale.

La Cour met aussi en cause le raisonnement qui aboutirait à interdire la publication d’ouvrages anciens au regard de valeurs actuelles. En effet, « s’il fallait suivre les appelants […], il faudrait alors interdire aujourd’hui, par exemple, la publication de certaines œuvres de Voltaire, dont le racisme, notamment à l’égard des noirs et des juifs était inhérent à sa pensée […], ainsi que des pans entiers de la littérature, ce qui ne peut être admis, dès lors que l’écoulement du temps doit être pris en compte ».

Enfin,-* la demande subsidiaire des appelants portait sur l’insertion d’un avertissement dans l’album du caractère éventuellement offensant de la bande dessinée. Une telle requête se heurte toutefois au droit moral à l’intégrité de l’œuvre. Ce droit est attribué à l’auteur (ou ses ayants droits en cas de décès de l’auteur) et lui permet de s’opposer à toute altération (déformation, modification, mutilation, atteinte…) de son œuvre. En l’espèce, cette demande est rejetée en ce qu’elle aurait dû être opposée à l’ayant droit d’Hergé, Fanny Rodwell, qui n’est pas à la cause.

A nouveau, les amateurs des aventures du plus célèbre des reporters belges se réjouissent de cette décision. Plus globalement, le raisonnement adopté par la Cour est, une nouvelle fois, tout à fait convaincant. A chaque époque ses valeurs. Interdire a posteriori la commercialisation et la diffusion d’ouvrages anciens parce qu’ils ne concordent plus aux mœurs actuelles aboutirait à renier une partie importante de la littérature, et en définitive à renier son passé et les valeurs qui y ont été véhiculées.

Votre point de vue

  • Georges-Pierre TONNELIER
    Georges-Pierre TONNELIER Le 27 janvier 2013 à 12:17

    Il est évident que la Cour a rendu là un arrêt de bon sens.

    C’est bien là le danger des lois mémorielles et des lois qui, d’une manière générale, érigent des opinions ou des oeuvres artistiques en délit par l’entremise de l’intention présumée discriminatoire de leur auteur.

    A les suivre, combien de politiciens socialistes notoirement respectables, tels que Jules Destrée, devraient voir leurs écrits censurés sous prétexte d’antisémitisme ? Le PS serait obligé de changer le nom de son Centre d’Etudes, tant le nom d’Emile Vandervelde pourrait être facilement associé à des écrits (de son époque et un peu plus proches) qui font partie des périodes les plus sombres de notre Histoire...

    Combien d’auteurs, tels que Voltaire, notamment, justement cité par la Cour, devraient valser au goulag du "politiquement correct" contemporain ?

    Et que dire d’ouvrages religieux tels que le Coran, dont on pourrait également considérer que certains passages sont constitutifs d’incitation à la haine raciale à l’égard des non-musulmans ?

    A ce rythme, on n’a pas fini de censurer tout le patrimoine culturel et religieux de l’Humanité entière !

    A force de revenir sans arrêt sur le passé, on oublie de construire le futur.

    Georges-Pierre TONNELIER
    Juriste spécialisé en droit des nouvelles technologies
    http://be.linkedin.com/in/georgespi...

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  • Gisèle Tordoir
    Gisèle Tordoir Le 26 janvier 2013 à 16:28

    Bravo : une décision sensée. Il faut non seulement tenir compte du fait qu’il s’agit ici d’un ouvrage qu’il faut remettre dans le contexte de l’époque mais aussi se dire qu’Hergé est resté modéré. Hergé est un génie, incroyablement en avance sur son temps, absolument pas raciste ni xénophobe. S’il fallait interdire toutes les oeuvres anciennes qui ne correspondent plus à notre époque, cela reviendrait à faire fi des valeurs d’antan qui ont permis d’évoluer pour aboutir à notre société actuelle. De plus, la liberté d’expression est et doit rester un des fondements de notre société démocratique. Je trouve de plus qu’il n’y a pas pires racistes que les africains,encore plus quand ils sont musulmans : on peut le constater dans les guerres tribales et religieuses qui se déroulent encore aujourd’hui. Alors avant qu’un africain nous fasse la morale, qu’il balaie devant sa maison. Ces personnes qui ont fait perdre du temps et beaucoup d’argent à notre justice devraient se voir condamnées à tous les frais de procédure.

    • ALFREDO
      ALFREDO Le 26 janvier 2013 à 18:40

      Honte à vous Mme Gisèle Tordoir de parler de démocratie et de liberté d’expression. Mais félicitation à vous pour votre courage d’étaler au grand public vos opinions racistes et xénophobes. D’ailleurs comme vous, les néo-nazis et néo-fascistes ne s’en cachent pas ; ils n’acceptent pas du tout la démocratie dont vous semblez vanter les mérites. Si le verdict rendu pas la Cour doit être respecté ; ce qui est normal ; il n’est en rien juste.A ce titre il mérite cependant d’être critiquée pour les motifs suivants :
       a) Le verdict de la Cour d’Appel a ramené la société belge en arrière de plusieurs siècles.

      b) Ce jugement est en effet, fort contestable dans la mesure où la Cour a situé le fondement de ses arguments à des périodes les plus reculées et sombres de l’histoire prouvant par là, l’évidente négation de lois en vigueur dans le pays.
      Observations : Ce jugement ne rend-il pas pratiquement caduques toutes lois existantes qui sont l’expression de l’évolution juridique de la société occidentale, belge, européenne et de l’Onu ?
      Les conséquence de la présente sentence de la Cour d’Appel ne risquent-elles pas donner lieu à différentes interprétation de nature par exemple qu’il faudrait absolument autoriser la libération d’office de toutes les personnes organismes qui ont été précédemment condamnés dans le cadre de lois racistes, xénophobie ?
      Pour que les deux sentences belges soient crédibles, il va falloir autoriser également l’écriture ; l’édition et la publications des écrits contre les juifs les accusant de tous les maux du monde ? puisque c’est c’est bien cela l’une des valeurs occidentales d’antan qui ont permis d’évoluer pour aboutir à notre société actuelle ?
      Les accusations portées contre les juifs ; qui sont encore jusqu’à présent d’actualité le sont par la volonté de la société occidentale par ailleurs elle-même responsable depuis plus deux milles ans dues à plusieurs tragédies. Est-ce que la Cour d’Appel suggère l’institutionnalisation de la haine contre les noirs et les juifs ; haine qui a déjà porté aux différents pogrom, ghettoïsation de juifs dans toute l’Europe en aboutissant à la Shoah ?
      (dans un passage de l’article ci-haut,évoquant "Voltaire" l’auteur l’affirme aussi).
      Pour que ce jugement de la Cour d’Appel de Bruxelles ait vraiment son sens, il fallait tirer les conclusions pratiques logiques suivantes :

      1°) faire recommandations expresses aux législateurs belges d’abolir toutes les lois contre le racisme, la xénophobie et le droit de l’homme.
       2°) rétablir les lois raciales&xénophobie et ériger ces changements en valeurs fondamentales à enseigner dans des écoles comme lors du nazisme et fascisme.
      Par( ALFREDO LUFULUABO)

    • Gisèle Tordoir
      Gisèle Tordoir Le 27 janvier 2013 à 10:49

      Monsieur Lufuluabo,
      J’ai eu la chance de grandir dans le libertinage et l’échangisme intellectuels. J’ai ainsi eu l’occasion d’entendre, de lire des opinions, des expériences de vie de tous bords, de tous horizons et de participer à des débats de toutes tendances. Grâce à cela, je n’ai jamais eu et n’aurai jamais honte d’exprimer ce que je pense. Un développement me semble bien vain et stérile mais je ne peux que vous conseiller de vérifier le sens des termes que vous utilisez à mon sujet. Je tiens à rectifier vos propos me concernant : je suis hostile à la bêtise, la méchanceté, la malhonnêteté, la cruauté, la calomnie, la diffamation, l’injustice mais je n’en ai pas peur ! Par rapport à votre argumentation historique, je n’ai pas pour habitude de culpabiliser pour des faits commis ou des propos tenus par d’autres. Quand je vois l’état actuel du Congo, R.D.C.(?), je ne peux m’empêcher de penser que Hergé aurait malheureusement d’autres situations bien plus graves à invoquer à son sujet (génocides, viols, corruption, enrichissement personnel des dirigeants au détriment des citoyens, déplacements de population pour leur survie, e.a.)...Dans ma famille et dans mon entourage, je connais des personnes originaires de ces régions qui ont dû fuir et qui n’ont pu y revenir qu’après la fin des troubles ethniques. L’ouverture d’esprit doublée du sens de la dérision désamorcent l’excès de susceptibilité et décomplexent...

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  • skoby
    skoby Le 26 janvier 2013 à 12:55

    Ce jugement est d’un tel bon sens que les appellants devraient payer les frais de
    Justice, pour avoir fait perdre un temps précieux à la Cour,pour des motifs qui datent
    depuis tellement longtemps que cela en devient ridicule.

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  • Robert-Charles Goffin
    Robert-Charles Goffin Le 26 janvier 2013 à 12:18

    Que du bon sens. En décider autrement eut permis de sanctionner quantité d’ouvrage imprégné des sentiments, par exemple racistes, de l’époque où ils ont été publiés. Mais ceci ne doit pas nous faire oublier l’obligation que nous avons d’une lecture critique et de notre devoir de mémoire.

    Robert Goffin

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