Lire en prison : une porte d’entrée pour accéder à la réhabilitation (« Ouvrir une école, c’est fermer une prison », Victor Hugo)

par François Troukens - Alessandra d’Angelo - 22 janvier 2015

Une association vient de se créer, dénommée « Chrysalibre » autour de François Troukens et Alessandra d’Angelo.

Elle expose ci-après, sous la plume de François Troukens, auteur-réalisateur, président-fondateur de l’association « Chrysalibre », et d’Alessandra d’Angelo, journaliste, cofondateur de la même association, ses principaux objectifs, autour de la place de la culture et de la lecture en prison.

L’objectif affiché d’une privation de liberté est la réflexion personnelle et la réhabilitation afin de permettre au condamné de réintégrer la société civile et en respecter les règles de fonctionnement. Tel que le préconise la chaire de l’UNESCO de recherche appliquée pour l’éducation en prison et le Conseil de l’Europe dans une recommandation n° R(89)12 de son Comité des Ministres du 13 octobre 1989 ‘sur l’éducation en prison’ , cette phase de réflexion individuelle, basée sur le principe d’une Justice restauratrice , passe de manière incontournable par un accès à l’instruction, à la culture et au savoir en prison.

Apprendre, s’informer, se distraire, s’évader par l’esprit ; il existe des livres pour toutes les situations. Et pourtant, insuffisance de l’offre, rares nouveautés, cellules sombres et bondées, bruits insupportables, manque de pratiques culturelles et de concentration, voilà plusieurs motifs pour lesquels il demeure difficile de lire en prison. Or, tous les établissements pénitentiaires disposent aujourd’hui d’une bibliothèque, comme le prévoit la loi de principes concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus du 12 janvier 2005, et ce même si les dotations en ouvrages peuvent encore y être inégales.

Tout détenu a en outre le droit de recevoir des livres, des journaux et des périodiques dont la diffusion n’est pas interdite par la loi, comme il a le droit d’étudier, de se former, et de participer à des ateliers artistiques et à des activités socio-culturelles.

Partant du postulat qu’il existe un vide culturel et de réelles difficultés à faire des études dans nos établissements pénitentiaires, François Troukens, ancien braqueur de fourgons ayant passé dix années en détention, devenu aujourd’hui auteur et réalisateur, et Alessandra d’Angelo, avocate devenue journaliste d’investigation spécialisée dans l’univers carcéral, ont décidé d’unir leurs parcours et leurs compétences respectives pour créer l’association « Chrysalibre ».

Les objectifs de l’association sont les suivants :

 faire en sorte que chaque détenu découvre l’effectivité de son droit égal à la culture et à se former ;

 avec la collaboration de maisons d’édition et des distributeurs de films et musique, enrichir les bibliothèques pénitentiaires et les IPPJ (Institutions publiques de protection de la jeunesse) de nouveaux auteurs, mais aussi de documents scientifiques et de syllabus ;

 provoquer une réflexion sur les bienfaits de l’instruction par la lecture mais également par la culture en général comme le cinéma et la musique.

Plus d’informations sur www.chrysalibre.com.

Votre point de vue

  • Georges-Pierre Tonnelier
    Georges-Pierre Tonnelier Le 10 avril 2015 à 12:27

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  • Michel JEHAES
    Michel JEHAES Le 19 février 2015 à 21:53

    Bonsoir,
    quand on voit le taux de récidives après un séjour en prison et le pourcentage de radicalisation, je crois qu’il faut vraiment se poser des questions en profondeur sur l’efficacité de l’incarcération. Il est certain que les victimes conçoivent mal que l’on réduise la durée d’une peine, quel qu’en soit le motif. Par ailleurs, quel est le but d’un emprisonnement ? "Punir" bien sûr mais aussi réinsérer des Hommes quand la peine est terminée. Il y a certes un certain nombre de "cas désespérés", mais il y a aussi des personnes qui peuvent retrouver leur Humanité après une prise de conscience.

    • Georges-Pierre Tonnelier
      Georges-Pierre Tonnelier Le 25 février 2015 à 12:32

      A tire d’information et d’illustration complémentaire, un cas relaté par la presse de ce jour :

      "L’homme, âgé de 45 ans, reconnaît, même si, dit-il, ses souvenirs sont très vagues. Il explique au juge Hauquier qu’à sa sortie de prison, il s’est retrouvé à la rue, durant des mois, et que « ça a mal tourné ». Il jure que trois mois de détention préventive, dans ce dossier, lui ont permis un sevrage alcoolique. Il ajoute qu’il suit une formation, et tente de s’en sortir."

      (...)

      De l’utilité de la prison

      L’avocate de la défense a fort à faire. Son client vient de passer de longues années en prison, elle en tire argument : « Ces 15 années d’incarcération, à quoi ont-elles servi ? Un suivi psychologique en prison ? La psychologue était en congé de maladie de longue durée, elle n’a pas été remplacée. Donc, il n’y a eu aucun suivi ».

      La défense poursuit en soulignant que le prévenu, depuis qu’il est sorti de préventive, a commencé à reprendre sa vie en mains : il ne boit plus, il suit une formation, il est occupé à passer son permis de conduire. Question de l’avocate : « A quoi serviraient deux années de prison supplémentaires ? » Le problème, c’est que le gaillard n’a plus droit au sursis. C’est donc une peine autonome de travail qui est sollicitée."

      Source : http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=dmf20150224_00607128

      Autant il semblerait que l’emprisonnement ait permis à la personne de se désintoxiquer, autant le fait qu’il se soit retrouvé à la rue à sa sortie de prison n’a en rien permis sa resocialisation.

      Georges-Pierre Tonnelier, Juriste

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  • Gisèle Tordoir
    Gisèle Tordoir Le 26 janvier 2015 à 23:13

    Si je comprends le droit de lire, de s’instruire, de se former en prison, je ne peux tolérer l’idée d’accorder une quelconque remise de peine au regard du degré d’études obtenu...J’hallucine à la lecture de cet argument...Ce n’est pas possible...C’est le monde à l’envers...Mais quelle idée ???Qui se soucie de la formation des victimes ?...La réinsertion à certaines conditions, d’accord mais pas n’importe comment...Chacun a droit à l’erreur mais il y a des erreurs pour lesquelles la punition est la réponse. Quid de la réparation si l’on réduit la punition en fonction du diplôme obtenu ??? A la carte, quoi...Et pourquoi pas à la carte du parti ???Provoquer une réflexion, adoucir les moeurs, d’accord, mais pas ramener la prison à une école ou à une bibliothèque...Pourquoi pas au club med’ tant qu’on y est ?...

    • Georges-Pierre TONNELIER
      Georges-Pierre TONNELIER Le 1er février 2015 à 11:07

      Je comprends parfaitement votre point de vue, qui est celui, tout à fait légitime, des victimes.

      Je le comprends d’autant mieux que j’ai moi-même été victime de plusieurs agressions et harcèlements divers et variés de la part de voyous, lorsque j’avais 20 ans, et que c’est justement le laxisme et le parti-pris tant des autorités judiciaires que politiques en leur faveur qui avaient motivé, à une époque, mon engagement en politique.

      A ce sujet, il est évident que la prison a un rôle punitif et dissuasif, dont je crains que l’on ne puisse se passer, dans l’état actuel de notre société, gangrénée par la violence et l’égoïsme.

      Toutefois, ma prise de position, qui peut en effet étonner, est basée sur l’intérêt suprême de la société, qui devra, de toute façon, prendre en considération le sort de la personne condamnée une fois sa peine d’emprisonnement achevée, car le risque est grand, si la collectivité n’en tient pas compte, que cette dernière retombe dans le mauvais chemin et donc qu’une récidive survienne.

      Je précise aussi que si j’ai proposé des remises de peine en fonction des formations acquises, cela resterait dans l’optique des actuelles libérations conditionnelles déjà prévues par la loi et avec, de toute façon, un minimum de peine à purger, ainsi que c’est déjà le cas. On pourrait ainsi prévoir qu’une personne condamnée à 30 ans de prison puisse sortir, de plein droit, après 20 ans ou même 15, si elle a acquis, entretemps, un diplôme universitaire, en lieu et place des actuelles libérations conditionnelles, la condition à remplir étant cette fois le diplôme. Par contre, on ne pourrait envisager qu’elle n’en purge que 5... Sinon, en effet, le caractère punitif de l’incarcération aurait totalement disparu.

      La réinsertion des personnes condamnées est donc, aussi paradoxalement que celui puisse paraître, dans l’intérêt à la fois de la société en général mais également dans celui des potentielles victimes, de la même manière que chaque fois que l’éducation et l’enseignement permettent à un jeune de devenir un honnête homme et non un voyou, ce sont autant de victimes potentielles qui seront épargnées.

      Je pourrais bien entendu ajouter que chaque personne a, en effet, droit à une seconde chance et que même le pire des criminels reste un être humain, mais ces mots emplis d’humanisme ne parlent pas vraiment à l’oreille d’une victime : j’en sais quelque chose. Je tiens toutefois à préciser que le statut de victime ne peut perdurer dans le temps et doit, normalement, aller vers l’apaisement et le retour à l’état préalable à l’agression, idéalement même accompagné d’une évolution de la personne. La médiation ne permet pas tout et le pardon n’est pas une voie envisageable pour toutes les délinquances, mais la vengeance et la haine ne mènent par contre pas à grand-chose... Je ne peux que souhaiter à tout les victimes de trouver le chemin vers la paix intérieure après avoir surmonté et dépassé les stigmates de leur traumatisme.

      Georges-Pierre TONNELIER
      Juriste spécialisé en droit des nouvelles technologies

    • Georges-Pierre TONNELIER
      Georges-Pierre TONNELIER Le 1er février 2015 à 11:15

      P.S. Petite précision mais importante d’un point de vue juridique : les remises de peine que je propose resteraient dans le cadre, déjà prévu par la loi, d’une réduction partielle de la durée de l’emprisonnement effectif purgé par la personne, via les libérations conditionnelles, mais les deux concepts ne sont pas à confondre : une remise de peine n’est pas une libération conditionnelle, car la première interdit que le condamné retourne en prison, au contraire de la seconde, qui permet toujours au Tribunal d’Application des Peines de renvoyer la personne derrière les barreaux.

      Le parallèle que je faisais entre les remises de peine que je propose et les libérations conditionnelles se limitait au fait que, comme les libérations conditionnelles, ces remises de peine seraient limitées dans leur durée et n’équivaudraient pas à une suppression de la sanction mais bien à son aménagement. Pour le reste, les deux concepts ne sont pas à confondre.

    • Gisèle Tordoir
      Gisèle Tordoir Le 16 février 2015 à 18:07

      Je n’ignore pas et en suis assez convaincue, l’instruction, via la formation, est nécessaire pour faire sa place dans notre monde actuel...Mais de là à concevoir la réduction de peine en fonction d’un diplôme sanctionnant le niveau d’études obtenu en prison, c’est trop pour moi...La prison pour faire des études..., il y a plus dur comme conditions par rapport à celles vécues à l’extérieur...Je suis soufflée...Le climat plus propice en tôle au lieu des conditions moins faciles, moins exigeantes qu’à l’extérieur, dans le monde actif...Cela me choque beaucoup...Pauvre condamné, emprisonné, contraint d’étudier entre quatre murs, à l’abri des soucis quotidiens, aux frais de la communauté...OOOHHH...Quelle horreur...Je n’arrive pas à intégrer votre proposition, je regrette...Déjà que les voyous en tous genres (dont ceux en cols blancs, e.a.) profitent du système de la voyoucratie tolérée et bien installée, c’en est trop pour moi...Les voyous ont plus de "chances" d’être défendus par tous ces avocats médiatiques et médiatisés, parfois véreux alors que le citoyen ordinaire rame pour se voir défendu et protégé, reconnu et indemnisé...On a tous droit à l’erreur mais on doit l’assumer, se la faire pardonner, rendre des comptes et payer pour elle. Je n’en démords pas...

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  • FrankP
    FrankP Le 26 janvier 2015 à 16:50

    Il serait surtout intéressant qu’à chaque prison les classes moyennes puissent annexer un centre de formation aux métiers en pénurie (bâtiment, plombiers, maçons etc...) dont la liste est tenue régulièrement à jour par l’ONEM... Les loisirs ,c’est important, mais acquérir un métier porteur d’emploi, c’est mieux....

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  • Georges-Pierre Tonnelier
    Georges-Pierre Tonnelier Le 23 janvier 2015 à 21:52

    Pourquoi ne pas permettre des remises de peine en fonction des efforts qu’effectuent les détenus pour se réinsérer ?

    Par exemple, une remise de peine serait accordée pour chaque niveau de formation atteint : un détenu qui acquerrait son CESS en prison verrait automatiquement sa peine diminuée d’un quart, un équivalent de baccalauréat, d’un tiers, etc... Il en serait de même pour des compétences en langues ou des formations psychologiques visant à corriger certains travers les ayant conduits derrière les barreaux (gestion de la violence, communication,...).

    De même, il faudrait prévoir la suppression du casier judiciaire, qui constitue une véritable peine économique extra légale, qui nuit fortement à la réinsertion en privant le condamné d’un accès au marché de l’emploi.

    Georges-Pierre Tonnelier
    Juriste spécialisé en droit des nouvelles technologies

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  • skoby
    skoby Le 23 janvier 2015 à 12:30

    Evidemment Troukens sait de quoi il parle. Néanmoins il n’est pas certain que tous
    les prisonniers soient capables de lire, ni qu’ils en ont envie.
    Mais c’est néanmoins une excellente idée car qui ne risque rien n’a rien, et en
    prison tout doit encore être amélioré !

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