Deux arrêts du 26 juin 2013 de la Cour suprême des Etats-Unis alimentent le débat judiciaire sur le mariage homosexuel

par Blandine Chelini-Pont - 15 août 2013

Les medias ont fait écho à deux arrêts prononcés le 26 juin 2013 par la Cour suprême des Etats-Unis sur les effets du mariage homosexuel, autorisé dans douze des cinquante États américains et dans le district fédéral de Columbia.

Blandine Chelini-Pont, chercheur associé à l’Université Paul-Cézanne (Aix-en-Provence), nous en dit plus, à la fois pour exposer les éléments essentiels du contenu de ces arrêts et en fixer la portée exacte, dans ses justes limites.

Ces arrêts montrent en tout cas quel rôle peuvent jouer les juridictions, directement ou non, sur des questions qui font débat dans la société, spécialement dans les pays qui, comme les Etats-Unis dans la tradition anglo-saxonne, leur confient un rôle important

1. Par deux arrêts du 26 juin 2013, la Cour suprême des Etats-Unis a largement contribué à la sécurisation juridique des mariages homosexuels aux Etats-Unis.

2. Le premier, l’arrêt Windsor v. United States, concernant un refus d’exemption de droits de succession à la conjointe survivante d’un couple de femmes légalement mariées au Canada et vivant dans l’Etat de New-York, a considéré comme inconstitutionnelle la section 3 de la loi fédérale, dite de Défense du Mariage (DOMA), votée en 1996 par un Congrès en pleine euphorie conservatrice.

Cette section 3 avait déjà été déclarée dix fois inconstitutionnelle par des cours inférieures, cours de district et cours d’appel des Etats, et chacun s’attendait à ce qu’un jour ou l’autre, la Cour suprême se prononce comme elle l’a fait, au nom du principe d’égalité des citoyens devant la loi : la section 3 de la DOMA limitait en effet au couple homme-femme l’accès des très nombreuses protections et responsabilités légales du mariage, comme le partage de la sécurité sociale, de la retraite, le droit d’immigration et de naturalisation, le partage des impôts – et spécifiquement la transmission de patrimoine et l’abattement successoral.

3. L’autre arrêt, Hollingsworth v. Perry, met fin à une bataille judiciaire alambiquée, entamée dès 2008, après qu’un vote populaire majoritaire, à l’initiative d’opposants au mariage homosexuel (la « Proposition 8 »), avait permis l’introduction d’un amendement dans l’article 1 de la Constitution de Californie, affirmant le mariage entre un homme et une femme seul valide et reconnu dans son Etat. Le mariage homosexuel, autorisé peu de temps auparavant, avait été « gelé » immédiatement.

Sur ce deuxième arrêt, la décision de la Cour a été plus « technique » puisqu’elle a tranché à partir de l’incapacité légale des promoteurs de la Proposition 8 à fabriquer un amendement constitutionnel, puis ester devant les cours de districts, d’appel et les cours fédérales. Quelques jours plus tard, la célébration des mariages homosexuels civils reprenait en Californie, sous l’œil amplificateur des médias.

4. La nouvelle d’un tweet officiel du Président Obama évoquant à leur propos un « grand pas vers l’égalité » a contribué à poser la légitimité symbolique de ces arrêts à la face du monde.

5. Deux remarques s’imposent néanmoins.

La première est que les deux arrêts en question sont le résultat d’une application « logique » et formelle du droit américain. Dans un cas, le respect des principes d’égalité et de non-discrimination dans l’application de la loi, dans l’autre le respect du droit électoral et de la procédure constitutionnelle interne. La Cour Suprême n’a pas « validé » le mariage homosexuel d’un point de vue idéologique, elle a veillé au respect scrupuleux de la logique juridique. Les groupes de militance qui ont porté leurs contentieux au plus haut niveau l’ont fait à partir de « cas » formellement imparables.

L’argument d’égalité ou de respect des procédures légales a permis de contourner le problème de fond, que la Cour suprême n’est pas à même de trancher, sur les sens et but du mariage civil en démocratie libérale.

La deuxième remarque est que la décision Windsor a des conséquences générales sur tout le territoire américain. En effet, non seulement les couples homosexuels qui se sont mariés et vivent dans l’un des douze Etats ou dans le district de Columbia qui ont reconnu le mariage homosexuel jouissent désormais de toutes les protections fédérales et responsabilités qui incombaient aux seuls mariages hétérosexuels depuis 1996 mais, encore et davantage, les couples homosexuels légalement mariés dans un de ces Etats et qui vivent dans un Etat qui ne reconnaît pas ce type de mariage, peuvent prétendre à la protection de la loi fédérale sur le mariage, débarrassée de sa section 3.

Le mariage homosexuel va donc se répandre dans tous les Etats de l’Union, où de nombreux contentieux sont attendus, malgré le fait que la Cour – bien consciente de cette situation – ait refusé de déclarer le mariage homosexuel comme un droit fondamental et ait cherché à réaffirmer dans la décision Windsor le droit des Etats à définir le mariage dans leur législation.
La bataille judiciaire est donc loin d’être terminée.

Votre point de vue

  • villegas Patrice
    villegas Patrice Le 17 novembre 2013 à 11:43

    Bonjour,
    nous venons de nous marier en France plus précisément a Aix en Provence (je suis un des danseurs ayant été formé a Marseille aux techniques de danses américaines) , vue ce qu’il se passe a ce sujet dans plusieurs pays dont les états unis, nous essayons d’apporter notre soutien a toutes c’est personnes voulant ce marier sur un plan légal fiable ...
    Pour la Liberté de s’aimer et de continuer a CONSTRUIRE un avenir en paix.

    Fraternellement Patrice Villegas
    Villegas.patrice@free.fr

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Blandine Chelini-Pont


Auteur

Professeur à l’Université d’Aix-Marseille et chercheur associé au Groupe sociétés, religions et laïcités (GSRL-CNRS) de l’Ecole pratique des hautes études de Paris

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