La destruction des mausolées de Tombouctou : la Cour pénale internationale déclare l’islamiste Al Mahdi coupable de crime de guerre

par Fanny Declercq - 14 octobre 2016

La Cour pénale internationale a condamné ce mardi 27 septembre 2016 Ahmad Al Mahdi à neuf ans d’emprisonnement pour destruction de bâtiments culturels et religieux. Un signal clair contre la destruction des trésors de l’humanité

Fanny Declercq, assistante à l’Université catholique de Louvain, nous présente ce jugement.

1. La décision de la Chambre de première instance de la Cour pénale internationale est inédite et d’une importance capitale pour la protection du patrimoine.

L’affaire Al Mahdi est celle des grandes premières : premier islamiste jugé à La Haye, premier aveu de culpabilité d’un accusé à la Cour pénale internationale, premier procès dédié uniquement à la poursuite de crimes contre des biens culturels et première fois que la justice internationale se prononce sur la situation du Mali.

La Cour pénale internationale est occupée à écrire l’histoire.

2. Le 22 août 2016, à l’ouverture de son procès, Ahmad Al Mahdi a reconnu avoir attaqué intentionnellement dix monuments à caractère religieux et historique à Tombouctou en juin et juillet 2012. A l’époque, le Mali est en proie à un conflit armé et les groupes Ansar Dine et Al-Qaida au Maghreb Islamique prennent le contrôle de la ville. Ahmad Al Mahdi dirige la brigade des mœurs et se voit ordonné de détruire les mausolées. Après avoir exprimé des réserves, il accepte finalement de mener l’attaque. Dix des monuments les plus importants et les plus connus de Tombouctou sont alors détruits, suscitant l’indignation de la communauté internationale.

3. Statuant à l’unanimité, la Chambre a conclu qu’Ahmad Al Mahdi était coupable du crime de guerre consistant à avoir attaqué des bâtiments protégés. Elle a condamné Al Mahdi à neuf ans d’emprisonnement.
Les juges ont retenu cinq circonstances atténuantes, à savoir l’aveu de culpabilité de l’accusé, sa coopération avec la justice, les remords et l’empathie qu’il a exprimés, sa réticence initiale à l’idée de commettre le crime ainsi que sa bonne conduite en détention.

4. Pour fixer la peine, la Chambre a tenu compte du comportement coupable et de la situation personnelle de l’accusé, mais aussi de la gravité considérable du crime. Elle a constaté que « les bâtiments visés revêtaient non seulement un caractère religieux mais également une valeur symbolique et affective ». De plus, neuf des dix monuments étaient inscrits par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité. L’attaque dont ils ont fait l’objet est particulièrement grave car leur destruction affecte la communauté locale en raison de l’importance religieuse et culturelle de ces sites mais aussi toute la population du Mali et la communauté internationale, qui a perdu un héritage culturel.

5. Cette décision est encourageante pour la protection du patrimoine culturel en temps de guerre. Précédemment, peu de procédures judicaires étaient activées à l’encontre de ceux qui détruisent des bâtiments culturels. Les actes de destruction d’ISIS à Palmyre et le bombardement des Bouddhas de Bâmiyân par les Talibans en sont deux exemples récents.
La Haye adresse désormais un message fort : plus d’impunité pour les crimes contre les biens culturels.

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Fanny Declercq


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