Les « maisons de détention » et les « maisons de transition » : un autre système pénitentiaire est-il possible ?

par Thierry Marchandise - 4 octobre 2019

Le Ministre de la Justice K. Geens vient d’inaugurer une « maison de transition » à Malines, avant l’ouverture d’un lieu analogue, en 2020, à Enghien. De taille réduite, ces maisons offrent une alternative à la prison pour les détenus en fin de peine, et ce, dans une perspective d’une amélioration de l’aide à la réinsertion sociale.

D’autres idées circulent en ce sens, parfois plus radicales, comme la création de « maisons de détention » ou de lieux de « désistance ».

Thierry Marchandise, juge de paix suppléant et membre d’une commission de surveillance de la prison d’Ittre, nous en parle.

1. Tout est dit depuis près d’un demi-siècle sur l’état des prisons en Belgique.
La Cour européenne des droits de l’homme, qui siège à Strasbourg, a sanctionné à plusieurs reprises l’État belge pour des manquements à ses obligations à l’égard des détenus.
L’état des bâtiments, le manque de formation des agents pénitentiaires, l’impossibilité pour le détenu de percevoir une digne rémunération, l’absence de soins normaux et le peu de cas de la réinsertion sont autant de critiques récurrentes.
À ceci il convient d’ajouter la violence même de l’institution pénitentiaire perceptible dès que l’on fréquente les prisons.

2. Le plus grave dans ce constat est l’absence de véritable travail fait pour la réinsertion des détenus. Alors que, s’ils étaient effectivement bien accompagnés pendant leur temps de détention, ils pourraient sortir meilleurs qu’ils ne sont entrés. Ce serait tout bénéfice pour eux mais aussi pour la société. Une réelle prise en charge des détenus permettrait d’abaisser considérablement le taux de récidive, qui reste très élevé.
Et cela se constate malgré la loi ‘de principes’ du 12 janvier 2005 ‘concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus’, une loi unanimement reconnue comme novatrice mais peu mise en œuvre.
Nombre de magistrats, d’avocats, de visiteurs de prison, de criminologues réalisent que le système pénitentiaire belge est au bout du rouleau.

3. Depuis quelques années, Hans Claus, directeur de prison en Flandre, réfléchit avec une équipe notamment de criminologues et d’architectes, à une alternative crédible aux prisons actuelles. C’est le projet « de huyzen-les maisons » ou autrement dit, les « maisons de détention ».
L’idée est de remplacer toutes les prisons actuelles par de petites structures pouvant accueillir une quinzaine de détenus, situées toutes en ville pour garder le plus possible le lien social. Les détenus seraient accompagnés par un staff suffisant pour permettre un véritable travail de réinsertion. Chaque maison aurait un niveau de sécurité adapté aux occupants.

4. C’est dans ce contexte que Hans Claus a pu persuader le ministre de la Justice K. Geens de lancer un projet pilote d’un an, en créant des « maisons de transition », une en Flandre et une en Wallonie. Ainsi, une première maison a été inaugurée le 9 septembre 2019 par le Ministre à Malines et une seconde le sera à Enghien en 2020. À Bruxelles, le Ministre Madrane, lorsqu’il état en fonction, a lancé un projet similaire appelé maison de « désistance ». L’idée est d’assurer une transition entre le régime pénitentiaire classique et la libération.

5. Ce projet est déjà dans l’esprit des « maisons de détention » dans la mesure où il vise à faire un travail plus efficace avant la libération définitive. Mais il reste quelque peu paradoxal puisque dans le même temps le Ministre de la Justice travaille à l’ouverture de la méga prison de Haren dont tous les spécialistes disent qu’il s’agit d’une aberration pénitentiaire.

6. Hans Claus espère que si ce projet pilote des « maisons de transition » réussit, il pourra dans un premier temps être élargi à une centaine de détenus en fin de peine pour ensuite ouvrir de vraies « maisons de détention » où s’exécuteraient toutes les peines.
Il reste dans le projet pilote une difficulté possible. Le financement est un partenariat public-privé mais les deux sociétés privées choisies risquent, pour des questions de rentabilité financière, de réduire les budgets consacrés à l’encadrement et donc à la réinsertion, en faisant des coupes dans le personnel nécessaire.
Une nouvelle philosophie pénitentiaire est peut-être en marche. Il faut l’espérer !

Votre point de vue

  • skoby
    skoby Le 9 octobre 2019 à 21:54

    Je pense que ces "maisons de réinsertion" peuvent être positives, mais pour
    cela il faudra de gros moyens en personnel de formation.
    Mais cela vaut exclusivement pour ceux qui sont en fin de parcours pénitenciers.
    C’est-à-dire pour ceux qui arrivent en fin de peine et ont un potentiel certain
    de réinsertion. Pour les autres, la prison reste une obligation.

    Répondre à ce message

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Thierry Marchandise


Auteur

Thierry Marchandise, aujourd’hui retraité, a été juge de paix après avoir été pendant près de dix années procureur du Roi à Charleroi. Il a présidé l’Association syndicale des magistrats.

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