1. À l’heure où le juge Jean-Paul Snappe devient retraité, la Cour constitutionnelle a voulu, avec lui, se pencher sur cette épineuse question du droit face aux pauvres.
Alors qu’un débat est ouvert sur la composition de la Cour constitutionnelle, qui accueille en son sein des magistrats ou référendaires, spécialistes du droit, mais aussi d’anciens parlementaires, parfois non juristes, le choix d’un thème engagé par un juge issu de la vie civile conforte dans l’idée que la richesse des réflexions vient de la rencontre de milieux variés. En cela, la journée du 20 décembre était un formidable plaidoyer pour la composition mixte de cette juridiction.
2. C’était surtout l’occasion de souligner que, pour les plus démunis, le droit n’est malheureusement pas un rempart, il est une menace.
Comment oser faire valoir ses droits contre un propriétaire qui met en location un logement insalubre, alors qu’on risque de perdre son toit ? Comment oser s’adresser à la justice, ou même aux services sociaux, lorsqu’on a peur de perdre la garde de ses enfants ? Comment garder confiance dans un médecin, un avocat, un assistant social, si ce dernier n’est plus tenu de garder le secret professionnel dans certaines circonstances mal définies ?
3. Ces questions ont été abordées par des jeunes chercheurs universitaires, des magistrats, des avocats, de militants de service de lutte contre la pauvreté ou d’ATD Quart-Monde, et chaque exposé a permis d’illustrer combien le fossé entre le monde judiciaire et les plus démunis est incommensurable, comme l’a dit l’avocat général près la Cour de cassation, Damien Vandermeersch.
4. Pour Justice-en-ligne, le propos de ce dernier orateur, intitulé « Quand les plus démunis interpellent les magistrats », retient notre attention. Car, en effet, tout nous sépare : la langue, le droit, la solitude, les conditions de vie, l’éducation, la culture. Et pourtant, ces deux mondes sont appelés à se rencontrer. Tout le défi est que cette rencontre soit aussi l’occasion d’une compréhension mutuelle.
Alors que le droit est un cadre strict, le pauvre se meut dans des sables mouvants, il tire sur la corde, il joue avec la norme, il essaie juste de survivre. Et, dans ce cas, il est rare qu’il respecte et réponde à la loi.
La justice n’est alors jamais loin. Le juge aussi est souvent désemparé car la loi qu’il applique peut affecter le minuscule équilibre personnel ou familial qui subsiste. La justice, de bonne foi, va souvent donner une réponse qui consiste en un contrôle renforcé de l’individu. Ce n’est pas la solution, chacun en convient, c’est à la réparation et l’émancipation qu’il faut tendre, surtout dans la justice pénale. Celle-ci repose sur un paradoxe : là où il faudrait rendre justice, l’objectif serait en fait de ne pas créer trop d’injustice.
5. Le silence imprégnait la salle lorsque, au terme de son exposé, Damien Vandermeersch concluait que le justiciable, pauvre ou riche, est un acteur crédible, que la justice doit tendre à restaurer les liens sociaux et que, dans ce travail, l’idéal de justice ne doit plus être individuel mais collectif.
Nouer le dialogue, restaurer la confiance, créer des ponts entre les plus pauvres et les acteurs de la justice, rétablir le lien entre la victime, son auteur et les membres de la société, c’est construire ensemble une justice plus inclusive, c’est le défi de notre justice, c’est assurément la pensée qui s’est dégagée en filigrane de cette magnifique journée d’études.
Votre point de vue
skoby Le 28 avril 2020 à 15:16
C’est vrai que la Justice doit exister pour les pauvres comme pour tous les individus !
Mais un être pauvre est un être humain, et doit donc pouvoir se comporter comme
un être humain. Il peut parfois avoir des circonstances atténuantes, mais pourquoi
est-il pauvre ? Tout peut être différent d’un cas à l’autre.
Donc le point 5 de votre article est une très bonne conclusion.
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