Au sein des Maisons de Justice : un centre d’aide et de prise en charge des extrémismes et radicalismes violents (CAPREV)

par Benjamin Van Cutsem - Alice Jaspart - 18 mars 2021

Le contexte de départs de Belgique vers la Syrie et la vague d’attentats de 2014, 2015 et 2016 ont conduit le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à créer des outils de prévention et de prise en charge des personnes concernées par des problématiques d’extrémismes violents. C’est au sein de ce dispositif préventif qu’est venu s’insérer le CAPREV (Centre d’aide et de prise en charge de toute personne concernée par les radicalismes et les extrémismes violents) au départ d’une mission générale d’aide et d’accompagnement, dans le cadre de situations particulières et de demandes individuelles.

Benjamin Van Cutsem, directeur adjoint du CAPREV, et Alice Jaspart, directrice de la
recherche au sein du CAPREV, nous présentent leur service. Justice-en-ligne a déjà publié une interview d’Alice Jaspart sur la manière dont, concrètement, ce service s’acquitte de ses tâches.

Justice-en-ligne poursuit ainsi son tour des missions assurées par les Maisons de Justice.

1. S’il est situé au sein de l’Administration générale des maisons de justice, le CAPREV l’est également dans le Réseau de prise en charge des extrémismes et radicalismes violents de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Ce Réseau est donc constitué du CAPREV, du Centre de ressources et d’appui (CREA), deuxième centre opérationnel qui a été créé pour s’occuper de la formation, de la sensibilisation et des outils pédagogiques à destination des professionnels, du Service des équipes mobiles de l’enseignement obligatoire, ainsi que différents services et professionnels référents dans les secteurs concernés (aide à la jeunesse, Maisons de justice, culture, sport). Pour plus d’informations, il est renvoyé au site du Réseau : https://extremismes-violents.cfwb.be/.

2. Officiellement ouvert en janvier 2017, le CAPREV est doté d’une compétence transversale lui permettant de prendre en charge tant des personnes majeures que des personnes mineures, ceci sur tout le territoire francophone en Belgique, donc à Bruxelles et en Wallonie (voire du côté néerlandophone pour certaines personnes francophones qui peuvent être incarcérées dans des prisons flamandes par exemple).

Ayant comme mission générale d’« assurer l’aide et l’accompagnement de toute personne concernée par des radicalismes et extrémismes violents », le CAPREV a concrétisé celle-ci, dès le départ, par l’instauration d’une ligne téléphonique gratuite (0800/111.72 – extremismes-violents@cfwb.be) et l’engagement d’une équipe pluridisciplinaire (assistants sociaux, éducateurs spécialisés, criminologues, psychologues, politologue, etc.).

À noter que la ligne verte gratuite a été pensée dans une perspective d’aide, à l’instar de la ligne mise en place chez nos collègues canadiens du CPRMV (Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence), centre auprès duquel le CAPREV s’est inspiré dans une recherche de « bonnes pratiques ». Il ne s’agit donc pas d’une ligne de « signalement » en lien avec les autorités judiciaires ou policières.

3. Par l’accessibilité du CAPREV via ce numéro vert, nous sommes en lien avec un « public cible » varié.

Les personnes qui nous contactent peuvent ainsi être, par exemple, tous citoyens en recherche d’informations sur la problématique ou des personnes qui sont inquiètes au regard de possibles comportements « suspects » observées dans leur environnement proche.

Il peut s’agir aussi des familles et des proches tels des parents qui s’inquiètent pour leur adolescent ou adolescente parce qu’il ou elle tiendrait certains propos inquiétants, aurait changé de comportements, aurait un attrait particulier pour une nouvelle religion, fréquenterait de nouvelles personnes, etc. D’autres proches nous contactent aussi parce qu’ils sont démunis ou s’inquiètent fortement pour l’un des leurs incarcéré en lien avec des infractions terroristes et cherchent de l’aide pour eux-mêmes ou pour ce dernier. Il peut encore s’agir de grands-parents ou autre membre familial qui s’inquiètent quant à la situation d’enfants nés ou ayant grandi en Syrie et qu’ils essayent de faire revenir ou qui sont revenus. Dans ce cadre spécifique, le CAPREV peut s’inscrire dans l’accompagnement de ces enfants eux-mêmes en partenariat avec d’autres professionnels, de même que dans le soutien des grands-parents accueillants.

Des professionnels (enseignants, éducateurs, assistants sociaux, etc., travaillant dans des milieux divers comme une école secondaire, une école supérieure, un CPAS, une maison de jeunes, un service d’hébergement, etc.) nous appellent aussi car ils sont confrontés à des situations similaires à celles des proches ou des familles. Certains professionnels s’adressent aussi à nous pour solliciter notre intervention à l’égard de personnes poursuivies par la justice en lien avec des infractions terroristes (comme les services d’aide aux détenus, Services psychosociaux des prisons, avocats, intervenants en IPPJ, etc.).

Nous sommes aussi en contact avec des « personnes directement concernées », à savoir des personnes poursuivies ou condamnées par la justice en lien avec des infractions terroristes (à noter que, derrière la qualification pénale d’« infractions terroristes », on retrouve des faits variés tels que de départs en zone de combat, des tentatives de départ, des faits d’organisation ou de recrutement pour un réseau, des actes de soutien financier ou sur les réseaux sociaux, etc.) et qui sont, quand il s’agit d’adultes, soit incarcérés soit sous mandat de justice [libération conditionnelle, mesures alternatives à la détention préventive (ADP), probation, etc.] ou, quand ils sont mineurs, qui sont placés en institution spécialisée ou suivis en accompagnement de type ambulatoire.

4. La mission générale du CAPREV est de contribuer à l’inclusion sociale et à la protection de la société en proposant un accompagnement individuel et personnalisé aux particuliers et aux professionnels concernés par le radicalisme et les extrémismes violents. Il offre une aide à la prise en charge d’un justiciable dans un cadre judiciarisé et à la mise en œuvre de conditions spécifiques et/ou d’un « parcours de désengagement ».

La perspective du « désengagement de la violence » (et non de la « déradicalisation » signifie que nous ne visons pas un changement d’idées aussi radicales soient-elles mais bien la distanciation de la violence ou de la légitimation de celle-ci comme moyen d’expression de ces idées.

5. Concrètement, le CAPREV accompagne de manière personnalisée les individus concernés par une problématique d’extrémisme violent en leur offrant une aide spécifique.
Il vise à enrayer un processus de radicalisation pouvant aboutir au passage à l’acte violent.

Le CAPREV cherche également à éviter l’ancrage dans ce processus en accompagnant les personnes et en les soutenant dans leur trajet de désengagement et de réinsertion sociale. Pour ce faire, il travaille en prenant en compte différents pôles de vie de la personne (scolarité, travail, relation aux autres, besoins d’engagement social, etc.), ainsi que son propre parcours biographique dans l’objectif d’aider l’individu à trouver sa place et son identité au sein de la société.

En quelque sorte, il s’agit d’aider la personne à mieux comprendre son passé et ce qui l’a amené à se tourner vers une idéologie radicale et violente, pour l’aider à se situer dans le présent et à mettre en place des projets adaptés à ses besoins pour se projeter vers l’avenir.

6. Quel que soit le public qui nous contacte, plusieurs balises méthodologiques entourent les propositions d’aide et d’accompagnement :
 une possibilité d’anonymat dans le cadre des premiers contacts téléphoniques, ainsi qu’un principe de confidentialité du contenu des échanges lors des entretiens de visu sont au cœur de nos interventions (précisons donc qu’outre la gestion de la permanence téléphonique, l’équipe du CAPREV va à la rencontre des personnes dans différents établissements pénitentiaires, des maisons de justice ou d’autres services partenaires, voire à domicile) ;
 l’importance de mettre la personne (sa situation et ses demandes) au centre de l’intervention : le travail s’engage avec la personne qui nous appelle, ce qui suppose donc une démarche « volontaire » ;
 puisqu’il s’agit de s’adapter à chaque situation et aux demandes qui nous sont formulées par la mobilisation des ressources d’une équipe pluridisciplinaire, le principe de co-intervention est également valorisé afin de construire l’intervention sur base de regards croisés et de compétences adaptées.

7. Enfin, le CAPREV partage ses connaissances et son expérience avec les professionnels qui s’adressent à lui par une mise à disposition de l’expertise et des connaissances utiles au décodage des situations qui lui sont soumises.

Il peut dans ce cadre donner des indications sur des perspectives de prise en charge et/ou d’orientation vers un service adéquat.

Pour ce faire le CAPREV sélectionne et construit le réseau de partenaires répondant aux critères de qualité utiles à la prise en charge des situations qui lui sont soumises.

Votre point de vue

  • Skoby
    Skoby Le 19 mars 2021 à 15:43

    J’ai du respect pour cette organisation, mais j’ai malheureusement des doutes
    sur l’efficacité auprès de gens sans éducation ou qui on vécu pendant des années
    dans un milieu familial raciste. Quand on voit ce qui se passe dans nos rues et
    un peu partout dans le monde, il y a de quoi être effrayé.
    Alors bravo au CAPREV pour leur essai, et surtout s’ils obtiennent de bons
    résultats !

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