La publicité des audiences et des jugements : comment régler le conflit avec le droit au respect de la vie privée ?

par Pierre Heughebaert - 4 avril 2012

Plusieurs d’entre vous nous interrogent quant à la possibilité ou non d’assister à des audiences judiciaires.

Justice-en-ligne a souhaité traiter le sujet, avec l’aide Pierre Heughebaert, avocat au barreau de Bruxelles, en rappelant les textes fondamentaux qui gouvernent la matière.

Mais on verra que des principes aussi importants les uns que les autres entrent parfois en conflit sur ces questions.

La publicité des audiences des tribunaux est la règle. Mais se pose la question de savoir comment régler le conflit entre cette règle de publicité et le droit fondamental au respect de la vie privée des justiciables.

La Constitution belge prévoit que « Les audiences des tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l’ordre ou les mœurs ; et, dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement. En matière de délits politiques et de presse, le huis clos ne peut être prononcé qu’à l’unanimité » (article 148) et que « Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique » (article 149).

Quant à la Convention européenne des droits de l’homme, elle dispose, notamment ce qui suit :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. […] » (article 6)

La publicité des audiences est donc la règle et est liée au droit au procès équitable.

Des exceptions au caractère public sont cependant prévues, lorsque, entre autres, la protection de la vie privée des parties au procès l’exige.
Le droit au respect de la vie privée et familiale est en effet un droit fondamental, énoncé dans la Constitution belge (article 22) et la Convention européenne des droits de l’homme (article 8).

La section de législation du Conseil d’Etat de Belgique, dans un avis 44.203/2 donné le 2 juin 2008 sur une proposition de loi ‘modifiant l’article 757 du Code judiciaire, relatif au huis clos en matière familiale’, a été amenée à se prononcer sur la manière de régler le conflit opposant la protection de la vie privée des justiciables d’une part à la publicité des audiences d’autre part. (avis du Conseil d’Etat n° 44.203/2 du 2 juin 2008)
Elle a notamment exposé qu’il convenait de lire notre Constitution en parallèle avec les dispositions de la Convention européenne et de se référer à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme de laquelle il résulte qu’un législateur peut s’écarter du principe de la publicité des audiences lorsque cela est jugé nécessaire afin de préserver la vie privée des parties.

Le Conseil supérieur de la justice s’est aussi prononcé sur cette question : il est renvoyé à son avis donné le 5 novembre 2008 sur la même proposition de loi.

Le législateur belge a dû et devra donc trouver un équilibre entre les droits fondamentaux et faire prévaloir l’un par rapport à l’autre en fonction des circonstances.

Ainsi, actuellement, certaines plaidoiries et prononcés de jugement se tiennent hors de la présence du public lorsque les cours et tribunaux ont à connaître de certaines affaires liées, par exemple, à la filiation, à l’adoption, à l’autorité parentale, à la cohabitation légale, au divorce, etc.

Dans ces matières, le huis clos est donc la règle. Le juge peut cependant, en fonction des circonstances et à la demande d’une partie ou du ministère public, ordonner la publicité des débats (article 757 Code judiciaire)

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