Une nouvelle envolée sécuritaire sévit actuellement, portée par notre Ministre de la justice Madame Annemie Turtelboom. Sur la question qui nous occupe, nous verrons que celle-ci se met en contradiction sur d’autres points de sa politique.
Ainsi, alors que la surpopulation carcérale atteint chaque jour un seuil plus inquiétant, la Ministre n’hésite pas à proclamer haut et fort que les courtes peines de prison prononcées par les tribunaux doivent être exécutées, sous peine de sentiment d’impunité.
La première réflexion qui vient à l’esprit est celle-ci : où enfermera-t-on les dangereux délinquants condamnés à des peines légères ? (Sont-ils donc si dangereux ?). La Ministre semble faire feu de tout bois puisque la prison de Tilburg n’est pas prête de fermer ses portes aux détenus condamnés en Belgique, et ce malgré un coût exorbitant pour le citoyen. Cela ne suffisant pas, elle étudie « avec sérieux » la possibilité de louer des bateaux aux Pays-Bas… Pour rappel, la construction des nouvelles prisons annoncées a été qualifiée par la cour des comptes de solution insuffisante pour lutter contre la surpopulation.
Enfermer plus est donc son leitmotiv… malgré le fait que la criminalité n’augmente pas et qu’en période de disette économique, dépenser les deniers publics pour enfermer plus est particulier (pour rappel, un détenu coûte environ 150 € par jour). Des postes importants relatifs aux personnels des maisons de justice et des services psycho-sociaux vont être supprimés… faute de moyens, nous dit-on. En bref, entre enfermer et réinsérer, la ministre a choisi, et a demandé, lors des dernières réunions du Conseil des ministres restreint (appelé aussi le « kern » dans le jargon) de l’argent pour exécuter les petites peines.
A l’heure actuelle, les peines supérieures à un an de prison et inférieures ou égales à trois ans sont en réalité déjà exécutées, soit via le système du bracelet électronique, soit via une incarcération si la personne n’a pas de domicile, pas de documents de séjour, etc.
Le port d’un bracelet électronique est tout sauf de l’impunité. Des horaires très stricts doivent être respectés, la famille toute entière est impliquée, et la maison se transforme en prison ; ce système a pour avantage de freiner l’augmentation de la surpopulation, mais également de ne pas complètement désocialiser une personne, en lui permettant par exemple de ne pas perdre son travail.
Les peines prononcées en matière de roulage sont exécutées même si elles sont inférieures à un an.
Pour les peines inférieures à un an, d’éminents criminologues relèvent que la condamnation en soi est déjà un élément de réponse important de la société et que le fait de devoir comparaître en justice combat le sentiment d’impunité. Comparaître devant un tribunal, et se voir infliger une peine de prison, même si elle est symbolique, n’a rien de banal.
Il convient de rappeler que les peines de prison inférieures à un an concernent des délits mineurs (par exemple un vol à l’étalage). L’entrée en prison étant un réel traumatisme (pour le détenu, son conjoint, ses enfants, ses proches, son employeur, etc.), on peut se poser la question de savoir si, en exécutant ces peines par de l’incarcération, la réponse sociale n’est pas disproportionnée par rapport à la transgression sanctionnée.
De plus, la prison ne remplit aucun de ses rôles de resocialisation et d’amendement. Au contraire, elle est criminogène et crée en elle-même un plus grand risque de récidive. L’effet intimidant et préventif des courtes peines de prison n’a jamais été démontré.
Enfin, faire perdre à une personne son travail, détruire son image parentale, son estime de soi, peut conduire à la révolte… et est complètement contreproductif.
Ce sont ces éléments qui ont sans doute poussé Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté en France, à préconiser l’amnistie des peines légères non exécutées en 2012 dans son avis du 22 mai 2012 relatif au nombre de personnes détenues publié dans le Journal officiel de la République Française, le 13 juin 2012.
En guise de conclusion, il est nécessaire de rappeler qu’on ne peut à la fois prétendre lutter contre la surpopulation et mettre à exécution les petites peines. De même, pour toutes les raisons exposées ci-dessus, il nous parait dangereux pour la sécurité publique de faire exécuter les courtes peines en prison.
Votre point de vue
skoby Le 17 septembre 2012 à 18:38
Je ne partage pas du tout l’opinion affichée par ces diverses personnes. La plupart de ces petits criminels s’en fichent de la prison et d’ailleurs ils savent que pour tous leurs petits délits ils resteront impunis.
La solution qui est déjà fort tardive est la construction de nouvelles prisons ; de
renvoyer chez eux, ceux qui ne sont pas belges (c’est la majorité des occupants de nos prisons), d’ôter la nationalité belge à ceux qui commettent des délits graves ou trop de récidives (même si pour cela, il faut modifier la loi).La seule chose à faire, mais là aussi il faut de l’argent, c’est aider les prisonniers à apprendre un métier, et engager des professionnels pour aider les prisonniers à réussir leur réinsertion dans la société, lorsqu’ils seront libérés, à la fin de leur peine.
Le laxisme de la Justice Belge, et son retard dans le traitement des dossiers, ne fera qu’augmenter la délinquance dans notre pays.
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Aquoibon Le 11 septembre 2012 à 12:19
Très bon article de Me Paci et je partage entièrement son opinion ainsi que la réaction de Mme Tordoir. Ne nous inquiétons surtout pas pour "tous" les condamnés à des petites peines, n’oublions pas ceux qui, même pour un délit assez important, auront le fric pour entrer dans le "nouveau" jeu de transaction. Pas de peine, pas de tracas, pas de peine "humaine" etc... simplement l’avantage que l’on peut recommencer. Tout cela en vue des élections... cela fait remplir une "certaine" caisse. J’ai honte de notre justice, une justice dans laquelle la loi du "plus fort" gagenera toujours.
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Gisèle Tordoir Le 11 septembre 2012 à 11:27
Je suis entièrement d’accord avec madame Paci. Nos gouvernants, dont madame Turtelboom, confondent campagne (pré-) électorale et politique carcérale. Une fois de plus, ils cèdent à leur "démon" qu’est l’ambition. Ils récupèrent, pour l’instant, tout et n’importe quoi pour dire et faire tout et n’importe quoi sans cohérence aucune. C’est véritablement la course à l’absurdité. C’est affolant de savoir ces personnes en fonction avec de telles responsabilités incapables de faire la part des choses au risque (visiblement peu ou pas gênant) d’être contradictoires. La prison doit être et rester la dernière des solutions. La surpopulation et tous ses dégâts colatéraux, générant la perte de dignité, l’absence de sociabilisation, l’impossibilité de réinsertion sont inacceptables. Le seul fait d’être amené(s) au tribunal, d’y être jugé(s) voire condamné(s) est déjà terrible. Non seulement la vie de la personne concernée mais aussi celle de tout son entourage familial, professionnel et social est durement (quand ce n’est pas irrémédiablement) touché. Punir, bien sûr, mais pas démollir, déshumaniser, humilier. Il existe suffisamment de possibilités : bracelets électroniques, suivi post-condamnation, travaux d’intérêt public, réparation par rapport aux victimes, par rapport à la société civile, e.a. Les gouvernants, appuyés par des juges incapables d’évoluer, se trompent lourdement en ne voyant pas plus loin que le court terme. Il faut absolument stopper cette "politique" irrationnelle.
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