La Chambre des représentants a adopté, le 23 avril dernier, le projet de loi ‘relative à l’internement de personnes’. Lorsqu’elle aura été signée par le Roi, elle sera publiée au Moniteur belge, même si elle ne devrait entrer en vigueur que le 1er janvier 2016.
Son texte peut être consulté à l’adresse suivante : cliquez ici ; il s’agit du texte adopté par le Sénat, identique au texte définitivement adopté ensuite par la Chambre.
Selon l’article 9, § 1er, de cette loi, dite « loi Anciaux », qui abroge les lois antérieures des 9 avril 1930 et 21 avril 2007, l’internement est une mesure pouvant être prises par une juridiction à l’égard d’une personne « (1°) qui a commis un fait qualifié crime ou délit punissable d’une peine d’emprisonnement et (2°) qui, au moment du jugement, est atteinte d’un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses acte et (3°) pour laquelle le danger existe qu’elle commette de nouvelles infractions en raison de son trouble mental, éventuellement combiné avec d’autres facteurs de risque ».
En vertu de l’article 2 de la même loi,
« L’internement [...] est une mesure de sûreté destinée à la fois à protéger la société et à faire en sorte que soient dispensés à la personne internée les soins requis par son état en vue de sa réinsertion dans la société. Compte tenu du risque pour la sécurité et de l’état de santé de la personne internée, celle-ci se verra proposer les soins dont elle a besoin pour mener une vie conforme à la dignité humaine. Ces soins doivent permettre à la personne internée de se réinsérer le mieux possible dans la société et sont dispensés – lorsque cela est indiqué et réalisable – par le biais d’un trajet de soins de manière à être adaptés à la personne internée ».
Le Conseil supérieur de la justice a consacré un colloque à la problématique de l’internement le 7 mai dernier, question qu’il est devenu urgent de traiter à la suite notamment de plusieurs condamnations de la Belgique ; Justice-en-ligne a ainsi fait écho à un de ces arrêts, prononcé le 10 janvier 2013 par la Cour européenne des droits de l’homme en la matière (
P. Derestiat, «
La Cour européenne des droits de l’homme condamne la Belgique en raison de la situation des internés dans le système carcéral »
).
Il est impossible d’évoquer le colloque en quelques mots. En voici son programme, qui, comme vous le verrez, ne se place pas uniquement sur le plan juridique, mais aussi psychiatrique ou politique par exemple ici. Voici également, ci-après, comment le colloque a été présenté par le Conseil supérieur de la justice.
Le colloque entend dresser l’état de la situation de l’internement des personnes qui ont commis un fait punissable et ont été déclarées irresponsables.
Lorsque l’on observe le cadre juridique, on constate que plusieurs initiatives se suivent. Pourtant, la loi du 9 avril 1930 à l’égard des anormaux, des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels, révisée par la loi du 1er juillet 1964 de défense sociale à l’égard des anormaux et des délinquants d’habitude, est toujours d’application pour l’instant. À cette loi s’ajoute encore celle du 21 avril 2007 relative à l’internement des personnes atteintes d’un trouble mental, qui n’est toutefois pas encore entrée en vigueur. Vient enfin la « loi Anciaux », récemment adoptée par le Parlement fédéral.
En matière d’internement, la Belgique ne jouit pas d’une bonne réputation. Elle compte actuellement 14 condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme. Les récentes condamnations remontent au 9 janvier 2014 et concernent huit affaires différentes. Le fil rouge que l’on retrouve dans les 14 arrêts, c’est l’article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, qui protège le droit à la liberté.
Cela signifie, en d’autres termes, qu’il n’y a aucune relation causale entre la raison de la privation de liberté et le lieu où la personne est enfermée. La personne internée souffre donc d’un manque d’accueil et de soins adaptés. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a déjà plusieurs fois rappelé la Belgique à l’ordre en raison du manque de soins et de traitements appropriés en milieu carcéral. Ce message a été répété dans le rapport annuel 2013 du Médiateur fédéral.
La description qui précède fait clairement apparaître le caractère structurel de la problématique de l’internement en Belgique. Le Conseil supérieur souhaite intervenir comme facilitateur auprès des différentes parties concernées, et entend sensibiliser le public et les responsables politiques actuels et futurs à cette problématique en unissant dans sa démarche expertise et art.
Vous pouvez regarder les vidéos contenant les communications à l’adresse suivante : cliquez ici Il ne faut pas être spécialiste de ces questions pour y avoir accès.
Votre point de vue
Gisèle Tordoir Le 24 juin 2014 à 22:06
Si déjà ne se retrouvaient en prison que ceux pour qui c’est la seule bonne décision, il y aurait de la place pour des sections appropriées aux besoins des malades mentaux...Que l’on remballe dans leur pays d’origine tous ceux qui ont la double nationalité et on verrait déjà plus clair...On aurait alors les moyens de faire mieux au niveau de l’accueil, des soins mais aussi de la formation des soignants, des gardiens...Mais encore un doute : qui désigne une personne "malade" ? Un expert...c’est vrai...La surpopulation carcérale est une véritable honte car en découlent la déchéance humaine et la radicalisation. Et cela est inadmissible...En prison ne doivent pas se retrouver des fraudeurs, des petits voleurs, des drogués, des citoyens qui s’expriment. Seuls ceux qui représentent un danger pour la société, les criminels, les violeurs, les trafiquants en tous genres doivent y être condamnés...Les malades mentaux n’ont rien à y faire...Un malade va à l’hôpital, non ???
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skoby Le 6 juin 2014 à 15:21
Il me paraît tout-à-fait justifié de répondre de manière poisitive à ces nombreux
rappels à l’ordre reçus par la Belgique.
Il ne suffit pas d’interner les malades mentaux et les priver de liberté, mais de les
soigner afin d’éventuellement pouvoir les relâcher et les réinsérer dans la société, pour autant que cela soit possible, sans encourir de trop grands risques de récidive.
D’ailleurs pour les prisonniers non-malades, il y a beaucoup trop peu de structures
permettant de préparer les prisonniers à une réinsertion, à la fin de leur peine.
La Justice en Belgique est une grande malade depuis bien longtemps, trop négligée
par la politique, qui ne lui consacre jamais les budgets nécessaires à son bon
fonctionnement.
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