Pourquoi le parquet siège-t-il dans les litiges familiaux ?

par Noëlle De Visscher - 15 octobre 2014

On se figure souvent que le parquet sert à rechercher les auteurs d’infractions et à les poursuivre devant les juridictions pénales. Mais il peut aussi jouer un rôle non négligeable dans les affaires civiles, c’est-à-dire celles qui opposent les personnes sur leurs intérêts privés.
Tel est tout particulièrement le cas dans les litiges familiaux, qui intéressent la société parce que des personnes vulnérables peuvent être mises en danger et qu’il est donc nécessaire d’éclairer le tribunal en vue de la meilleure décision possible.

Noëlle De Visscher, avocat au barreau de Bruxelles, explique ici le rôle du parquet dans ce contexte.

En septembre 2014, une nouvelle loi portant sur la création du Tribunal de la famille est entrée en application, comme cela a été exposé sur Justice-en-ligne récemment dans un article d’Alain-Charles Van Gysel.

Cette innovation importante répond à une demande généralisée de simplification des procédures autour d’un axe principal, « Une famille – un dossier – un juge », ce qui veut dire que chaque famille s’adressant au tribunal se verra attribuer « autant que possible » un seul juge pour toutes les contestations actuelles ou futures la concernant, alors qu’en général, devant la Justice, il faut à nouveau saisir le juge par une procédure séparée chaque fois qu’un nouveau litige naît. Le mécanisme simplifié devant le tribunal de la famille s’intitule donc la « saisine permanente ».

L’indépendance des chambres protectionnelles de la Jeunesse (chargées de prendre des mesures coercitives de protection de mineurs lorsque la situation d’un enfant est déclarée en danger) est renforcée en ce sens que les magistrats de la jeunesse ne pourront plus siéger à la fois dans les chambres protectionnelles (tribunal de la jeunesse) et civiles (tribunal de la famille).

Si le rôle du parquet (ou « ministère public ») dans les litiges protectionnels est relativement stable et connu du grand public (informations et instructions des causes, saisine des magistrats afin de représenter et de défendre au tribunal les droits et les intérêts de la société en faisant respecter la loi et en requérant du juge des peines ou mesures allant en ce sens), il l’est beaucoup moins dans les litiges civils.

Vu les restrictions budgétaires, il a même été question de supprimer son intervention dans ces litiges civils (divorces, séparations, état des personnes, etc.).

Son maintien doit être cherché dans une mise en perspective des rôles spécifiques de chacun des acteurs :

 Le juge de la famille doit décider, après avoir entendu toutes les parties (parents, parquet), voire dans certains cas les enfants. Sa décision sera motivée et tiendra compte des différents arguments avancés pour en faire la synthèse et définir à un moment donné ce qui est le plus conforme à l’intérêt de l’enfant.

 Les parties, aidées de leurs avocats, apporteront les éléments de fait et de droit du dossier avec les affects qui leur sont propres.

Le Procureur du Roi, en sa qualité de représentant de la société et qui dirige le parquet dans son arrondissement judiciaire, est chargé de rappeler aux parties et au juge quelle est la norme (mouvante) en matière familiale (quelles familles la société d’aujourd’hui promeut-elle ? quelles responsabilités la société entend-elle donner à ses acteurs ?).

Les rôles du parquet dans les affaires familiales sont multiples :

 rôle de supervision de la mission de l’Officier de l’Etat civil, c’est-à-dire du bourgmestre ou de l’échevin qui, dans chaque commune, est chargé de dresser et conserver les actes de l’état civil (actes de naissance, de mariage, de décès, etc.) ;

 rôle de réquisition (c’est-à-dire de « poursuites ») devant le tribunal de la jeunesse (protectionnel) ;

 rôle d’action, de réquisition ou d’avis – obligatoire pour toutes les affaires concernant les mineurs – devant le tribunal de la famille ;

 rôle d’interface entre le tribunal de la jeunesse (protectionnel) et le tribunal de la famille (civil) en permettant au juge familial de demander par l’entremise du parquet, le dépôt au dossier d’un élément se trouvant dans le dossier « jeunesse » ;

 rôle d’enquête et d’information : le parquet, par ses enquêtes de police, permet également aux personnes moins favorisées d’avoir un accès gratuit à des moyens de preuves bien plus faciles à apporter que lors d’une expertise souvent coûteuse et dont les experts ne se déplacent pas sur les lieux pour constater par eux-mêmes des situations. Les enquêtes de police sont ainsi des outils bien utiles, pouvant aider le juge civil à avoir une vision concrète de la situation des familles.

Les missions ainsi décrites sont ambitieuses et représentent de réelles garanties pour les mineurs et les familles.

Encore faut-il que le parquet ait les moyens de son action, ce qui en l’espèce et dans la réalité d’aujourd’hui, n’est pas toujours acquis.

Votre point de vue

  • Kiwi
    Kiwi Le 22 novembre 2017 à 03:43

    Le souci, c’est que la Justice ne peut pas vivre avec les familles.
    Moi j’ai une expérience traumatisante pour moi et mon enfant. Je m’enfuis et gagne mon divorce pour maltraitances, et la Justice estime qu’être un mauvais mari n’est pas forcément être un mauvais père.
    Conclusion, on saute de médiations en guidances inutiles depuis 2 ans et notre enfant pâtit du manque de communication entre moi et mon ex.
    Et la justice poursuit - malgré une déscolarisation de notre enfant de la part du papa les jours où il en a la garde et plusieurs soucis de non assistance - son train-train pour l’égalité des droits parentaux.
    Sauf que notre enfant est bien en-dessous des 12 ans nécessaires pour qu’elle puisse s’exprimer et manifester le mal que ça lui fait.
    Sauf que notre guidance est un cirque où l’ex manipule à loisir...
    Que du coup, ça fait 2 ans qu’il y a des répercussions sur notre enfant et que la seule réaction de la Justice est de me dire : pardonnez à monsieur, et laissez-le être un bon père. Et me menacer de mesures protectionnelle si j’ose demander l’exclusive.
    Oui, parce que la notion de danger, ils la reconnaissent.
    Alors, je laisse faire, j’attends qu’il se plie aux différents jugements, aux décisions de guidance, en vain...
    Je pense que la première chose à faire en matière de justice, c’est de trouver un moyen de réduire les délais dans mon genre de cas.
    Notre petite avait 2 ans au moment du divorce, elle va en avoir 5, et elle en chie ... elle ne vit ni dans la sérénité (puisque ses parents vivent un déchirement juridique à long terme et ne sont pas sereins) ni dans un contexte éducatif logique (déscolarisée à mi-temps avec l’accord de la guidance, pas du juge)...

    Bref.
    C’est long, pénible, on a l’impression qu’on est soupçonné en permanence de vouloir se faire justice quand on veut juste protéger son enfant... juste parce qu’en Belgique, on ne veut pas privilégier la relation mère/enfant au détriment de la relation père/enfant. Ce que je comprends. Normal, un enfant a besoin de ses deux parents. Mais quand l’un des deux parents manifeste depuis plus de 2 ans l’incapacité de faire ce qu’il faut, je pense que la Justice devrait prendre des mesures. Pas juste être le témoin et le complice de situations qui se régleraient bien plus rapidement si le but ultime était bien le bien-être de l’enfant, et pas la volonté "égalitaire" à tout prix.

    • Le 29 décembre 2017 à 13:45

      La justice se range du côté des "méchants" criminels et manipulateurs c est surement plus facile ainsi la justice me dégoute ça devient l injustice et je suis contre toute injustice courage faut se battre malgré tout ..

    • Zina
      Zina Le 13 septembre 2020 à 06:12

      Bonjour que je vous comprend Madame.. je vis presque la même chose. Courage à vous..

    Répondre à ce message

  • Vincke Maurice
    Vincke Maurice Le 11 novembre 2014 à 12:33

    Je voudrais savoir où se situe le Tribunal de la famille de la ville de Seraing, ainsi que ses coordonnées exactes. Merci de votre réponse

    Répondre à ce message

  • Gisèle Tordoir
    Gisèle Tordoir Le 16 octobre 2014 à 15:03

    Non seulement, il faut avoir la chance de rencontrer le bon juge, c’est-à-dire le seul vraiment déterminé à prendre les meilleures décisions mais à présent il faudra en plus "tomber" sur le bon procureur !!!Eh bien, là, je nourris le plus grand doute, n’ayant pas eu la chance d’en connaître un équitable pour les procédures que j’ai connues et connais encore...Comment vont faire ces magistrats pour en faire encore plus alors qu’ils se plaignent d’en faire déjà trop, avec trop peu de moyens et dans des conditions pas évidentes (si on en croit les plaintes...). Je nourris le plus grand scepticisme par rapport à ce changement qui, vu de très, très loin, peut sembler intéressant et bien intentionné...J’ai plutôt l’impression que ces magistrats veulent se mêler de tout et cela m’indispose profondément au vu de l’importance des problèmes à régler pour des personnes dans des situations pénibles et difficiles...De plus, pour ce type de fonction, le sens de la communication est un atout et est même indispensable. Pour l’avoir vécu, ce mode de fonctionnement est clairement absent de la part des magistrats rencontrés !!!Permettez-moi de douter et même plus de l’efficacité de ce projet...Je suis tellement déçue par le monde judiciaire que je ne crois plus en sa capacité à prendre les bonnes décisions, à rendre le jugement juste et équitable...Je plains déjà les citoyens qui devront en passer par le parquet...

    • Gilemo
      Gilemo Le 30 octobre 2014 à 18:44

      Les arguments pour douter exposés par Gisèle Tordoir me paraissent tout à fait fondés. Fort malencontreusement, car je partage l’argumentation du Prof. Alain-Charles sur la nécessité d’un tribunal de la famille qui soit de qualité reconnue. Ne serait-il pas bon d’ajouter, conformément aux questionnements posés en philosophie du droit, que les membres du parquet ne sont pas des magistrats juges, mais des fonctionnaires politiques, en charge de faire appliquer une politique, en l’occurrence celle de leur ministre de tutelle, par ailleurs toujours temporel alors que le droit est censé intemporel, statique. Ce qui n’empêche d’ailleurs pas certains de ceux-là de trahir à l’occasion l’esprit de justice qui leur a été assigné par celui-ci. Un exemple banal : les paroles insensées, dans le sens littéral de dépourvues de sens précis et clair pour tous. Des paroles qui ne joueraient pas sur la polysémie de certains termes juridiques ou politiques choisis.

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  • Martin
    Martin Le 16 octobre 2014 à 22:45

    Eu égard au deux réactions précédentes, l’article laisse croire que l’intervention du parquet dans les matières civiles et notamment familiales est toute nouvelle. Au contraire, il n’a pas fallu attendre le 1er septembre 2014 et l’entrée en vigueur de la loi portant création du tribunal de la famille pour voir le ministère public intervenir par voie d’action ou par voie d’avis dans ce genre de litiges. Ce n’est donc pas une nouveauté. L’article a cependant le mérite de mettre en avant cet autre rôle important du parquet à côté de celui plus connu qu’est la recherche et la poursuite des infractions.

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  • skoby
    skoby Le 16 octobre 2014 à 14:35

    Cela me paraît tout-à-fait positif que le parquet se soucie de près de la protection de la jeunesse et des familles.
    Pas d’autres commentaires. L’avenir nous dira si c’était une bonne mesure ou non.

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