L’un de nos internautes s’inquiète du nombre élevé d’évasions des prisons belges :
« Il ne se passe pas une semaine sans que des prisonniers ne s’en évadent », écrit-il ! En même temps, il rappelle la surpopulation de ces prisons ! Il appelle à la construction de nouvelles prisons et dénonce « l’impunité » qui, selon lui, « règne en maître : pas de peine de prison effective, pour des condamnations inférieures à 2 ans, peu de peines alternatives, trop peu de bracelets électroniques ».

Delphine Paci apporte les éclaircissements suivants.

Il convient de tordre le cou à un certain nombre d’idées reçues sur l’univers carcéral et la politique pénitentiaire de notre pays.

Tout d’abord, on ne s’évade pas beaucoup des prisons belges au regard d’autres exemples internationaux. Si un chiffre démesuré a pu être cité par la Dernière Heure sans que cette information ne leur soit communiquée par aucune source fiable (Communiqué de presse du Ministre de la Justice du 26 février 2009), notre pays a en réalité connu depuis janvier 2009 23 évasions d’établissements pénitentiaires fermés.
L’évasion n’est en soi pas une infraction pénale, mais les auteurs rattrapés seront jugés pour les infractions connexes éventuellement commises à l’occasion de celle-ci (prise d’otages, destruction du matériel, etc.).

Aucun pays n’est en mesure de garantir des prisons « évasion zéro », tant le besoin de liberté prend tout son sens lorsqu’on est enfermé. Au contraire, plus les mesures de sécurité sont extrêmes (par exemple la pose de filets anti-hélicoptère alors que ce type d’évasion est tout à fait marginal (deux depuis1831), plus les évasions ou tentatives d’évasion sont violentes et dangereuses pour le personnel surveillant.

S’il est vrai que les conditions de détention dans notre pays sont scandaleuses et indignes d’un état de droit, notamment à cause de la surpopulation, ce sont des solutions constructives qui sont attendues.

Ainsi, à première vue, nous pourrions nous réjouir de l’annonce faite par le ministre de la Justice de construire de nouvelles prisons, si celles-ci étaient destinées à remplacer les établissements insalubres. Malheureusement, la voie empruntée consiste à augmenter le nombre de places : 2028 cellules supplémentaires d’ici à 2010.

Or, créer des places de prison ne règle pas le problème de la surpopulation.

Aujourd’hui, la Belgique compte environ 10.000 personnes incarcérées alors qu’elles étaient 5.677 en 1980. Cela représente une augmentation de 76 % de la population carcérale en moins de 30 ans. Or, de nombreuses études criminologiques indiquent qu’il n’y a pas plus de délinquance qu’auparavant. La délinquance est plus médiatisée, et c’est le sentiment d’insécurité qui augmente, ce qui est souvent le cas en période de difficultés socio-économiques. Les médias ont un rôle non négligeable quant à ce phénomène : à force de sensationnalisme fondé sur des faits divers, le citoyen ne se sent plus en sécurité. Or il ne l’a jamais autant été…

La surpopulation n’a donc rien à voir avec le taux de criminalité, qui n’augmente pas. Les causes sont autres :

 35 % des détenus le sont dans le cadre d’une détention préventive, soit présumés innocents puisque non encore condamnés. Il s’agit d’un des taux les plus élevés d’Europe occidentale, qui renvoie à une pratique inquiétante de peine purgée avant le jugement. Plus la personne est précarisée (sans document, sans emploi, etc.) plus elle a de chance de se retrouver derrière les barreaux.

 Les peines prononcées par les juges sont plus sévères qu’auparavant : en 25 ans, le prononcé des peines de prison de 5 ans ou plus a été multiplié par dix, et le nombre de peines de 3 à 5 ans par trois.

 Les libérations conditionnelles sont de plus en plus rares et tardives.

 La durée de détention des internés (c’est-à-dire des malades mentaux, détenus scandaleusement dans nos prisons sans soins) s’est largement accrue.

On est donc très loin de l’idée trop souvent véhiculée du laxisme de notre justice.
Les prisons nouvellement construites vont être immédiatement prises d’assaut et bientôt elles-mêmes surpeuplées, dans la mesure où l’on ne lutte pas en amont contre les causes réelles de la surpopulation. Les exemples des prisons d’Ittre et d’Andenne, assez récentes et déjà remplies, illustrent bien ce propos, mis en évidence dans de nombreuses études criminologiques.

De plus, le budget nécessaire pour ces construction est impressionnant (150.000 euros par cellule selon une estimation du ministre), et aurait pu être investi en amont de la criminalité (politique sociale, d’éducation, etc.).

Bref, plus on construit des place, plus on enferme. Or, l’incarcération n’est pas un acte anodin : Le temps passé en prison est souvent vide de sens, et crée un appauvrissement socio-économique de la personne, ainsi que des drames humains, notamment pour la famille : rien de bon pour endiguer la récidive…

Enfin, si les peines de moins de trois ans (et non de mois de deux ans, comme le pense à tort notre correspondant) pour les personnes condamnées alors qu’elles ne sont pas encore détenues ne sont plus exécutées en prison, elles le sont via le port du bracelet électronique, véritable modalité d’exécution de la peine, extrêmement contraignante.

En conclusion, si la politique pénale de notre pays est certes incohérente et irréfléchie, ce n’est pas toujours pour les raisons que l’ont croit…

Votre point de vue

  • Michel Schobbens
    Michel Schobbens Le 6 mai 2009 à 16:46

    Je ne partage pas du tout l’avis de Mme Delphine Paci :
    Passons sur le nombre d’évasions !
    Il n’y a pas plus de déliquance !!!Non seulement j’ai beaucoup de mal à
    le croire, MAIS elle a en tous les cas changée ! Elle est devenue :
    1° Nettement plus violente !!! et 2° Par des délinquants de + en +
    jeunes, considérés à tort comme des mineurs et donc relâchés, et
    impunis !!!
    D’accord que la détention préventive est utilisée trop fréquemment, mais
    surtout pour des délits de cols blancs, car en cas de violence prises en
    flagrant délit, il faut enfermer car sinon les violences risquent de
    reprendre encore plus fortement !
    Malades mentaux : d’accord avec vous, mais voir Aïs Aoud : meurtrier,
    enfermé pour cause de maladie mentale, relâché très rapidement, et donc
    ensuite meurtrier récidiviste : Bravo les psychiâtres ...et la justice.
    Bracelets électroniques : PAS DISPONIBLES en SUFFISANCE
    CONCLUSION : La politique sociale et l’éducation ne doivent pas
    remplacer les prisons !!! Cela DOIT se faire indépendamment, mais
    nos politiciens se disputent en permanence au sujet de l’éducation
    qui n’est plus assurée, ni par les parents, ni par la scolarité
    Donc faites d’abord du social et de l’éducationnel, avant de supprimer
    les prisons. Si vous réussissez, les prisons deviendront inutiles, MAIS
    faites votre boulot dans le BON ORDRE !!!

    Répondre à ce message

Votre message

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Votre message

Les messages sont limités à 1500 caractères (espaces compris).

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document

Avec le soutien de la Caisse de prévoyance des avocats, des huissiers de justice et des autres indépendants
Pour placer ici votre logo, contactez-nous