1. En Belgique, cela se passe autrement.
Il n’est pas imaginable en droit belge qu’en dehors de l’exercice des voies de recours (I) ou de la mise en cause de la responsabilité de l’État pour faute du pouvoir judiciaire (II), un juge puisse décider qu’une décision pénale rendue par un autre soit contestée.
I. Les possibilités de réformer un jugement pénal par l’exercice des voies de recours
1. Lorsqu’un juge belge rend une décision à l’encontre d’une personne, celle-ci se voit offrir plusieurs possibilités de recours. Ces différentes voies de recours sont organisées par la loi et permettent, le cas échéant, qu’une nouvelle décision soit rendue.
On distingue classiquement les voies de recours ordinaires (opposition et appel) des voies de recours extraordinaires (recours en cassation, révision, rétractation ou réouverture de la procédure). Pour plus de détails concernant les voies de recours, voir notamment M.-A. Beernaert, N. Colette-Basecqz, E. Delhaise, M. Giacometti, C. Guillain, C. Macq et O. Nederlandt, Introduction à la procédure pénale, 9e éd., Bruxelles, La Charte, 2024, pp. 399 et s.
Les voies de recours ordinaires
2. Les voies de recours ordinaires sont l’appel et l’opposition.
3. Lorsqu’une partie interjette appel, celle-ci demande à une juridiction d’un degré supérieur de réformer totalement ou partiellement une décision rendue par une première juridiction.
Dans le cas où un appel est formé, l’exécution de la première décision est alors suspendue jusqu’à ce que le juge d’appel rende sa décision. C’est ce qu’on appelle l’effet suspensif de l’appel.
Sous réserve d’exceptions, le juge qui se prononce en appel doit se limiter à examiner les éléments présents dans l’acte ou la requête d’appel. Le juge ne peut se prononcer sur un élément qui n’aurait pas fait l’objet d’une contestation par une des parties. Il s’agit de l’effet dévolutif de l’appel.
Si la juridiction d’appel déclare l’appel recevable, elle peut réformer la décision rendue en première instance et pas seulement l’annuler : sa décision se substitue à celle qui a fait l’objet de l’appel.
4. L’autre voie de recours ordinaire permettant d’annuler ou de réformer une première décision est l’opposition. Elle permet de ramener la cause devant le juge qui a statué en l’absence d’une des parties, autrement dit lorsqu’il a jugé l’affaire « par défaut ».
Lorsque l’opposition est déclarée recevable, elle anéantit le premier jugement. L’opposition a donc un effet extinctif : elle replace les parties dans la situation initiale devant le même juge comme si aucune décision n’avait été prise.
Les voies de recours extraordinaires
5. Les recours dont il est maintenant question sont qualifiées d’« extraordinaires » car elles ne peuvent s’appliquer que dans des cas spécifiés (par opposition aux voies de recours ordinaires).
6. Le pourvoi en cassation vise, quant à lui, le contrôle opéré par la Cour de cassation de la régularité des procédures et de la légalité des décisions rendues.
Par ce mécanisme, la Cour de cassation ne connaît pas du fond des affaires, c’est-à-dire qu’elle se limite à vérifier la bonne application du droit aux faits.
La Cour de cassation peut rendre divers arrêts. Dans le cas où la Cour de cassation déclare le pourvoi fondé parce qu’elle constate une violation des règles de droit, la Cour casse la décision qui lui est soumise et renvoie, si nécessaire, l’affaire devant une juridiction du même rang que celle qui avait rendu la décision cassée. Devant cette nouvelle juridiction, les parties sont alors replacées dans leur « pristin état », c’est-à-dire dans la situation antérieure à celle qui prévalait lors de l’exercice du pourvoi.
7. La demande de révision est une autre voie de recours extraordinaire : elle permet un nouvel examen d’une décision de condamnation qui paraît constituer une erreur judiciaire.
Il s’agit d’une procédure exceptionnelle régie par certaines conditions. Les demandes de révision sont soumises à la Cour de cassation. Si toutes les conditions sont réunies, la Cour de cassation annule la décision de condamnation et renvoie, si nécessaire, l’affaire devant une juridiction de fond.
8. La rétractation après un arrêt de la Cour constitutionnelle constitue également une voie de recours particulière en matière pénale.
Ce cas se présente lorsque la Cour constitutionnelle annule un texte de niveau législatif (soit une loi, un décret ou une ordonnance) sur lequel une décision pénale, par exemple une condamnation, est fondée. Une demande en rétractation peut alors être introduite par le ministère public, par le condamné ou le civilement responsable contre la décision pénale.
9. Enfin, en Belgique il est possible depuis 2007 de demander la réouverture d’une procédure pénale dans le cas où un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme constate une violation par la décision attaquée de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est également la Cour de cassation qui connaît de ce type de demande.
II. Quelle responsabilité pour l’État belge en cas de réformation d’un jugement pénal ?
10. Toute réformation d’une décision dans le cadre d’une procédure de recours n’entraîne pas d’office une responsabilité ou une faute du magistrat ou du pouvoir judiciaire.
Dans une contribution publiée sur Justice-en-ligne, Dominique Mougenot a abordé la question de la responsabilité des magistrats dans le cadre de leur activité de prise de décisions judiciaires et rappelle que c’est habituellement l’État belge qui sera tenu pour responsable en cas de faute et non le magistrat personnellement (Dominique Mougenot, « Comment se règle la responsabilité de l’État ou des magistrats eux-mêmes en cas de faute de leur part ? »). Si, lors d’une réformation d’une décision pénale, une faute du magistrat est démontrée, c’est donc l’État qui indemnisera la victime pour la faute. Il est également renvoyé à l’article suivant de Thierry Marchandise publié sur Justice-en-ligne : « Un magistrat rend une décision qui viole la loi : quelle est sa responsabilité ? ».
11. Un magistrat peut toutefois être personnellement mis en cause et tenu responsable dans le cadre d’une procédure de prise à partie par exemple, mais aussi dans le cas où ce dernier a enfreint des règles de déontologie : le magistrat pourra alors se voir appliquer des sanctions pénales ou disciplinaires.