Les honoraires d’avocat : règles et recours

par Lawrence Muller - 21 mars 2015

Les remous autour des honoraires qui auraient été demandés par l’avocat Armand De Decker, ancien président du Sénat, actuel député bruxellois et bourgmestre d’Uccle, à l’un de ses clients permet à Justice en ligne de revenir sur les conditions dans lesquelles les avocats sont rémunérés.

Lawrence Muller, avocat au barreau de Bruxelles, ancien membre du Conseil de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, a déjà consacré un article à ce thème, publié le 15 octobre 2012 et intitulé « Les méthodes de calcul des frais et honoraires des avocats : les règles et principes à respecter ».

Il ne sera pas question ici du remboursement des frais et débours des avocats mais de leurs honoraires proprement dits, qui sont soumis aux règles qui gouvernent l’exercice par ceux-ci de leur profession, à savoir les règles dites déontologiques. Lawrence Muller les réexplique et les développe ci-après.

Tout autre est la question de la compatibilité des fonctions de parlementaire et d’avocat dans une affaire bien précise ; tel n’est pas l’objet du présent article.

L’information préalable du client par l’avocat

1. Selon le Code de déontologie de l’Ordre des barreaux francophones et germanophone (OBFG ou avocats.be), l’avocat doit informer son client de la méthode qu’il utilisera pour calculer ses honoraires.

Cette information a pour but de permettre a client de se forger une idée aussi précise que possible de la manière dont les honoraires qui lui seront réclamés seront calculés.
Sauf accord du client, l’avocat ne change pas de méthode de calcul des honoraires pendant le traitement du dossier.

L’avocat doit en particulier attirer l’attention de son client sur les éléments qui pourront avoir une influence sur la hauteur des honoraires qu’il lui réclamera, à savoir notamment :

 l’urgence du dossier ;
 la complexité de la question soumise ;
 l’importance financière et morale de la cause ;
 la nature et l’ampleur des devoirs à accomplir ;
 la notoriété de l’avocat ;
 la capacité financière du client ;
 les chances de récupération des montants demandés ;
 l’argumentation et le dossier de la partie adverse.

2. Selon le Code de déontologie de l’OBFG, l’avocat doit informer son client de la méthode qu’il utilisera pour calculer ses honoraires avec diligence, c’est-à-dire dès que raisonnablement possible.

Il n’est donc a priori pas acceptable que l’avocat n’informe son client de cette méthode qu’à la fin de son intervention.

3. Autre élément important, à l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles du moins, l’avocat doit en outre s’efforcer de rendre prévisible le montant des honoraires qu’il portera en compte à son client.

Il ne s’agit pas là d’une obligation, mais d’une recommandation (recommandation du 10 février 2004 ‘en matière de prévisibilité, d’information et de contractualisation des honoraires’).

Force est en effet de constater que, pour le client, connaître la manière dont son avocat calculera ses honoraires ne suffit pas. Le client doit aussi pouvoir se faire une idée de la charge financière totale que représentera l’intervention de son conseil.

4. Toujours au titre de l’information préalable, il est à noter que c’est à l’avocat de prouver qu’il a informé son client de la méthode qu’il utiliserait pour calculer ses honoraires (décision du conseil de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles du 15 février 2005).

Les méthodes de calcul

5. Il y a lieu de mentionner tout d‘abord qu’il n’existe plus en Belgique de barèmes d’honoraires des avocats. Les autorités ordinales ont en effet abrogé depuis un certain temps déjà les barèmes qui existaient auparavant, qui fixaient des honoraires minima, en raison de la contrariété présumée de ces barèmes aux règles – nationales et communautaires – de protection de la concurrence.

Il existe en fait quatre méthodes de calcul des honoraires d’avocat, à savoir :
 la méthode du taux horaire ;
 la méthode de la rémunération par prestation ;
 la méthode de la rémunération selon le résultat ;
 la méthode de la rémunération par palier.

6. Dans la méthode du taux horaire, l’avocat enregistre le temps consacré au dossier de son client, et ce, d’une manière rigoureuse et précise (une durée forfaitaire pouvant cependant être attribuée à certains devoirs comme les communications téléphoniques). En l’absence de barème (cf. ci-dessus), l’avocat choisit librement le taux horaire qui s’appliquera à ses prestations. Il informera son client de ce taux, ainsi que de celui qui sera d’application pour les prestations des collaborateurs auxquels il fera appel (à noter qu’un taux horaire moyen peut couvrir tant les prestations de l’avocat que celles de ses collaborateurs). Le taux horaire de l’avocat dépend des éléments déjà cités ci-dessus, tels que l’urgence du dossier, la complexité de la question soumise à l’avocat, l’importance de la cause, la nature des devoirs à accomplir, etc.

Il n’existe pas de données statistiques sur les taux horaires pratiqués par les avocats. Dans certains cabinets d’avocats, notamment dans les grands cabinets internationaux, le taux horaire peut atteindre plusieurs centaines d’euros.

7. Dans la méthode de la rémunération par prestation, l’avocat travaille en fait au forfait. Cette méthode peut être utilisée lorsque l’avocat est à même d’estimer avec une précision suffisante le travail que le traitement d’un dossier va impliquer. On peut songer par exemple aux dossiers de divorce par consentement mutuel. En l’absence de barème (cf. ci-dessus), l’avocat choisit librement le montant du forfait qu’il portera en compte au client pour ses prestations et dont il doit l’informer préalablement. Il n’existe pas non plus de données statistiques sur les montants des forfaits appliqués par les avocats dans les différentes branches du droit qu’ils pratiquent.

8. L’avocat peut aussi recourir à la méthode de la rémunération selon le résultat. Il faut cependant signaler très clairement qu’il est interdit à l’avocat de ne réclamer d’honoraires à son client qu’en cas de gain de l’affaire qui lui est confiée. Le contingency fee (ou no win no fee) des pays anglo-saxons n’a donc pas cours chez nous, où le pacte dit de quota litis est interdit. Sauf s’il fournit ses services à titre totalement gracieux, l’avocat doit donc toujours réclamer à son client des honoraires, qui ne peuvent couvrir ses seuls frais de dossier. Mais il peut par contre réclamer des honoraires (calculés au taux horaire ou au forfait) réduits par rapport aux intérêts en jeu et réclamer au client un honoraire complémentaire dit « de résultat » s’il gagne la cause qui lui est confiée. Cette méthode de calcul est essentiellement utilisée dans les procédures (judiciaires ou arbitrales) complexes.

9. En cas de calcul des honoraires selon le résultat, l’avocat doit indiquer à son client :

a. le mode de calcul des honoraires minima qu’il percevra en cas d’absence de résultat favorable (comme indiqué ci-dessus, en vertu de l’interdiction du « pacte de quota litis », ces honoraires ne peuvent couvrir les seuls frais de l’avocat ;

b. la manière dont sera déterminé le résultat en considération duquel les honoraires seront calculés ;

c. le mode de fixation des honoraires par rapport à ce résultat ;

d. le moment auquel les honoraires seront calculés.

Il est à noter que les honoraires doivent être calculés en fonction de l’enjeu réel de l’affaire, c’est-à-dire sur les montants raisonnablement en cause dans l’affaire.

10. Enfin, l’avocat peut recourir à la méthode de la rémunération par palier, c’est-à-dire par enveloppes budgétaires. En cas de recours à cette méthode, qui paraît peu fréquemment utilisée, l’avocat doit indiquer à son client soit le budget, soit l’ensemble de prestations qui constituent un premier palier. Lorsque le budget convenu est épuisé ou lorsque les prestations déterminées sont accomplies, l’avocat doit le signaler à son client et s’abstenir d’accomplir des prestations supplémentaires jusqu’à ce qu’un nouveau palier soit défini.

La juste modération

11. Il est essentiel de savoir que, quelle que soit la méthode de calcul des honoraires appliquée par l’avocat, celui-ci reste tenu par le principe visé à l’article 446ter du Code judiciaire selon lequel les honoraires ne peuvent pas dépasser les « bornes d’une juste modération ». Dans le cas où les honoraires de l’avocat excèdent cette limite, qui s’apprécie au cas par cas mais d’une manière bien plus rigoureuse que ce que le public peut avoir tendance à penser, il est permis au conseil de l’Ordre des avocats de les réduire. En outre, le fait pour l’avocat de réclamer des honoraires excédant les bornes d’une juste modération est passible de poursuites disciplinaires.

La contestation des honoraires

12. Il arrive que le client conteste le montant des honoraires que son avocat lui réclame.

Il est en effet toujours loisible au justiciable qui considère que son avocat n’a pas respecté les règles résumées ci-avant de s’en plaindre auprès du bâtonnier de l’Ordre des avocats dont dépend son conseil. Pour information ou rappel, le bâtonnier est le chef de l’Ordre des avocats.

En ce cas, la contestation peut faire l’objet d’une procédure de conciliation organisée sous l’égide de l’Ordre.

À défaut de conciliation entre les parties, la contestation peut faire l’objet d’une procédure de médiation, d’un arbitrage ou même d’une procédure judiciaire.

13. Si l’affaire est portée en justice, il est d’usage de demander au tribunal saisi de solliciter l’avis du conseil de l’Ordre sur le montant des honoraires litigieux.

Il est à noter que l’avis du conseil de l’Ordre est limité à l’examen de la conformité des honoraires au critère de la juste modération dont il est question plus haut. Le conseil de l’Ordre ne se prononcera dès lors pas sur l’éventuelle responsabilité civile de l’avocat, qui est de la seule compétence des tribunaux

Votre point de vue

  • Dr SKENAZI JJ
    Dr SKENAZI JJ Le 22 mars 2015 à 12:14

    Il n’est nulle part mentionné dans cet article de la pertinence et de l’utilité des courriers envoyés entre avocats surtout si la "confidentialité" est invoquée et de la vérification du temps réellement passé sur un dossier. Dans une récente affaire, deux avocats bruxellois ont abusé de courriers confidentiels évidemment facturés. Par hasard ce courrier a été envoyé à une mauvaise adresse et a été connu du client. Comme il fallait s’y attendre ni le barreau ni le conseil de discipline n’ont réagi. Le tribunal de première instance ne voulant pas créer de précédent a exigé le paiement de ces actes inutiles et pour employer un language médical autoprescrits.
    On assiste une fois encore à de grands principes uniquement théoriques et certainement pas sanctionnés car cela ferait désordre face à une habitude probablement généralisée.

    Dr JJ SKENAZI 22 mars 2015

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