L’arrêt Taxquet bis de la Cour européenne des droits de l’homme : de la motivation à la « compréhension » des décisions de jurys d’assises

par Jean-Claude Matgen - 17 novembre 2010

Un précédent article , signé de Franklin Kuty expliquait la portée de l’arrêt Taxquet c. Belgique rendu le 13 janvier 2009 par la Cour européenne des droits de l’homme, dans sa formation ordinaire dite de « chambre » ou de « section », sur la nécessité d’une motivation des « verdicts » des jurys d’assises. Comme le même auteur l’a exposé dans un article suivant, cet arrêt a donné lieu à une réforme législative en Belgique en vue notamment de se conformer à cette exigence. Des arrêts de cours d’assises rendus avant cette évolution ont été mis à néant par la Cour de cassation, en raison du défaut de motivation exigé par la Cour européenne ; il est renvoyé également à l’article de Cédric Lefèbvre à ce sujet.

Ce 16 septembre 2010, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, devant laquelle l’affaire avait été renvoyée, s’est à nouveau prononcée sur cette affaire Taxquet et a nuancé quelque peu ses exigences, mais toujours sur la base du procès équitable dont chacun doit pouvoir bénéficier. Jean-Claude Matgen nous explique cela plus avant.

Dans un arrêt rendu le mardi 16 septembre 2010, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, qui siège à Strasbourg, a estimé, comme l’avait déjà fait la Cour le 13 janvier 2009, que Richard Taxquet, condamné à 20 ans de prison par la Cour d’assises de Liège, le 7 janvier 2004, dans le cadre du procès qui a fait suite à l’assassinat d’André Cools, n’avait pas eu droit à un procès équitable en ce qu’il n’a pas bénéficié des garanties procédurales suffisantes pour lui permettre de comprendre le verdict de culpabilité rendu contre lui. La Cour a, notamment, critiqué la qualité des questions sur la culpabilité posées aux jurés. Elle a relevé que ces questions « laconiques et identiques pour tous les accusés » ne se « réfèrent à aucune circonstance concrète ou particulière qui aurait pu permettre au requérant (à savoir Richard Taxquet) de comprendre le verdict de condamnation ».

Pour la Cour de Strasbourg, ces lacunes sont d’autant plus dommageables qu’il n’existe pas de possibilité d’appel d’une décision de cour d’assises en Belgique.

Pour autant, la Grande Chambre, qui insiste sur le fait qu’elle s’est limitée à examiner le cas qui lui était soumis, a estimé que ces garanties procédurales peuvent consister en des instructions ou éclaircissements donnés par le président de la cour d’assises aux jurés s’agissant des problèmes juridiques posés ou aux éléments de preuve produits. Elles peuvent également prendre la forme de questions précises, non équivoques, à poser au jury, de sorte qu’elles forment une trame apte à servir de fondement au verdict ou à compenser l’absence de motivation.

Car, et c’est évidemment très intéressant, la Cour n’exige pas, dans son arrêt, que les verdicts des jurys d’assises soient motivés. Son arrêt contente donc des pays comme la France, le Royaume-Uni ou l’Irlande, qui avaient rejoint la Belgique dans sa défense à Strasbourg et dont les systèmes n’érigent pas la motivation en règle. D’une certaine manière, on peut donc estimer qu’en se dotant d’une loi (du 21 décembre 2009) qui fait désormais obligation aux jurys d’assises de motiver leur verdict portant sur la culpabilité d’un accusé, la Belgique est allée plus loin que ce que la Cour européenne des droits de l’homme demande.

Quoi qu’il en soit, la Cour strasbourgeoise ne remet pas l’institution du jury populaire en cause, notant au passage au passage que cette institution procède de la volonté légitime d’associer les citoyens à l’action de la justice. Il s’agit, ajoute-t-elle, de l’illustration de la variété des systèmes juridiques existant en Europe, systèmes qu’il ne lui appartient pas d’uniformiser.

Quant à Richard Taxquet, il pourrait s’adresser à la Cour de cassation avec l’espoir qu’un nouveau procès d’assises soit organisé pour lui. Une loi belge du 1er avril 2007 prévoit en effet que, lorsqu’une personne obtient une condamnation à Strasbourg, elle peut demander à la Cour de cassation la réouverture de la procédure. Il ne peut être fait droit à pareille demande que si «  la violation constatée est la conséquence d’erreurs ou de défaillances de procédure d’une gravité telle qu’un doute sérieux existe quant au résultat de la procédure attaquée » et « pour autant que la partie condamnée ou les ayants droit […] continuent à souffrir des conséquences négatives très graves que seule une réouverture peut réparer ».

Mais on n’en est pas encore là.

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