La délibération collégiale au sein d’une juridiction judiciaire : comment ça marche ?

par François Stévenart Meeûs - 20 août 2010

Dans l’article inaugural du présent dossier consacré à la collégialité des décisions de justice, Paul MARTENS nous a démontré que le délibéré collégial est le garant d’une bonne justice.

L’interrogation fondamentale soulevée par cet auteur (« Est-il humainement possible d’intérioriser au fond de soi les discours opposés pour ne délibérer finalement qu’avec soi-même, sans permettre aux opinions personnelles de s’enrichir de celles d’autrui ? » ) n’aura pas manqué de susciter la réflexion des citoyens, acteurs de la justice ou non, mais aussi, je l’espère très sincèrement, de ceux qui sont amenés, par leur fonction, à décider d’éventuelles réformes dans ce service public essentiel de l’Etat.

Vous avez peut-être déjà assisté dans un palais de justice à l’audience publique d’une juridiction saisie d’une affaire civile, commerciale ou fiscale où le siège est composé de trois juges, voire parfois de cinq magistrats, comme à la Cour de cassation.

Et peut-être, une fois que les débats ont été déclarés clos et la cause prise en délibéré, vous demandez vous comment les juges procèdent pour rendre leur décision collégiale ?

En règle générale, après l’audience, les juges se retirent dans une pièce souvent adjacente à la salle d’audience, appelée la « chambre du conseil », où ils vont échanger leur point de vue en se basant non seulement sur leurs notes personnelles et sur ce qu’ils ont entendu de la bouche des plaideurs, mais aussi sur un premier examen des conclusions des parties et des pièces versées au dossier de la procédure (le mot « conclusions » signifie ceci : il s’agit des textes écrits soumis par les parties à la juridiction pour y développer leur argumentation).

Chacun des juges exprime librement et individuellement son opinion sur pied d’égalité, la parole étant donnée en premier lieu au magistrat le plus récemment nommé - qui n’est pas forcément le magistrat le plus jeune – de manière à éviter « l’approbation docile par une majorité silencieuse de la solution décidée par le chef ou dictée par l’habitude », selon l’heureuse expression de Paul MARTENS.

Le juge « rapporteur » est chargé par le président de la Chambre de tenir la plume et de soumettre à ses collègues un projet écrit de décision judiciaire (appelé projet de « jugement » ou projet d’ « arrêt » selon le cas, voy. ces mots dans le lexique proposé par le site).

L’examen approfondi des actes de procédure, principalement des conclusions, des pièces déposées par les parties et des différentes sources du droit (législation, doctrine et jurisprudence) peut parfois conduire le juge chargé de la rédaction de la décision à proposer à ses collègues une autre solution que celle qui avait été initialement envisagée en chambre du conseil, ce qui amènera nécessairement les magistrats à discuter à nouveau du dossier sur la base d’un ou de plusieurs éléments nouveaux non abordés lors de la délibération initiale.

Dans la pratique judiciaire, ce mode de délibération permet souvent de dégager un consensus entre les juges saisis sur la solution à apporter au litige.

De deux choses l’une :

- Soit l’ensemble des magistrats s’accordent sur le contenu du projet rédigé par l’un d’eux et les autres apposent, pour accord, leur visa sur ce projet de manière à ce que la décision devienne définitive.

-Soit une opinion dissidente est exprimée par un ou plusieurs magistrats.

Dans ce dernier cas, par la voie de la raison, dans le respect absolu des personnes, les magistrats échangent leur point de vue, avancent leurs arguments et essayent de dégager un accord sur une solution commune avant de procéder à un second vote.

En cas de dissensions persistantes, ce second vote permettra de dégager une majorité et le magistrat mis en minorité devra obligatoirement se rallier à la solution admise par la majorité – ce qui implique l’obligation de signer la décision - sans que son opinion dissidente ne puisse être divulguée publiquement d’une manière quelconque.

J’ai laissé le soin au professeur Paul MARTENS d’introduire cet article, je lui en confie aussi la conclusion : « c’est désormais le contradictoire de l’audience publique et l’échange égalitaire du délibéré secret qui permettent de rechercher la solution juste dans le respect des droits de chacun ».

Votre message

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Votre message

Les messages sont limités à 1500 caractères (espaces compris).

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document

Avec le soutien de la Caisse de prévoyance des avocats, des huissiers de justice et des autres indépendants
Pour placer ici votre logo, contactez-nous