Vers une objectivation de la désignation des avocats de la Région wallonne et de la Communauté française

par Pierre Nihoul - 24 mars 2011

Voici quelques semaines, la presse a fait écho à une circulaire des Gouvernements de la Région wallonne et de la Communauté française, qui organise les conditions dans lesquelles leurs avocats seront dorénavant désignés.

Ceci donne l’occasion à Pierre Nihoul, juge à la Cour constitutionnelle, qui enseigne notamment les marchés publics à l’Université catholique de Louvain, d’esquisser les règles de base en matière de marchés publics de services et d’exposer le contenu de la circulaire.

Un marché public est un contrat à titre onéreux par lequel un pouvoir public, appelé pouvoir adjudicateur, commande une prestation auprès d’un prestataire, appelé adjudicataire. Il s’agit soit de travaux la réalisation d’un immeuble, d’infrastructures ou d’un ouvrage , soit de fournitures la livraison de produits de stock ou à fabriquer , soit encore de services.

Les marchés publics sont régis par des directives européennes de 2004 et par la loi belge du 24 décembre 1993. Les directives européennes sont applicables à partir de certains seuils financiers qui sont en substance de 4.845.000 euros pour les travaux et de 193.000 euros pour les fournitures et les services. Il faut donc distinguer le régime juridique applicable selon que la valeur estimée du marché se situe au-dessus ou en-dessous de ces seuils.

Par ailleurs, les textes ne définissent pas la notion de marchés de services mais renvoient à une annexe qui énumère limitativement en 27 catégories les prestations de services qui sont considérées comme des marchés publics. Cette annexe distingue en outre les services dits « prioritaires » (catégorie 1 à 16), qui sont soumis à un régime juridique complet, et les services dits « non prioritaires » (catégories 17 à 27), qui sont soumis à un régime light, soit seulement à deux dispositions, les règles communes dans le domaine technique et les avis concernant les résultats de la procédure d’attribution. Les marchés publics d’avocat sont repris dans la catégorie 21 et sont donc des services non prioritaires.

La publicité

Pour ce qui est de la publicité européenne, la réglementation belge ne va pas au-delà des directives européennes puisqu’elle ne soumet les marchés de services situés au-dessus des seuils européens qu’à un seul mécanisme de publicité européenne, à savoir un avis d’attribution du marché dans les 48 jours de cette attribution. Toutefois, depuis 2005, la Cour de justice de l’Union européenne exige que les modalités de passation de tels marchés doivent respecter les principes de transparence, de non-discrimination en raison de la nationalité et d’égalité de traitement, pour autant que les services en cause présentent un « intérêt transfrontalier certain ». Il faut donc prévoir un appel à la concurrence sans toutefois respecter les procédures de passation prévues par les directives.

Par contre, pour ce qui est de la publicité au niveau belge, la réglementation belge soumet aux formalités de publicité tous les marchés de service, quel que soit leur montant.

Les procédures

Ici aussi, la réglementation belge ne fait pas de distinction entre les marchés de services situés au-dessus ou en-dessous des seuils européens de sorte que tous les marchés d’avocats doivent respecter l’ensemble de la réglementation belge.

Deux particularités sont à souligner :

 Le recours à la procédure négociée sans publicité est permise jusqu’au seuil de 193.000 euros pour les marchés d’avocats, alors que ce n’est le cas pour les autres marchés que jusqu’à 67.000 euros. Par conséquent, les marchés d’avocats sous 193.000 euros sont dispensés de la publicité européenne et peuvent ne pas être soumis à la publicité belge et aux procédures de passation !

 Dans les procédures restreintes, il est requis qu’au moins trois ou cinq candidats soient consultés ; pour les marchés de conseil et de représentation devant les juridictions, il est établi une présomption irréfragable d’impossibilité de consulter ce nombre minimum de candidats, de sorte que pour ces marchés les pouvoirs publics peuvent consulter qui ils veulent !

La circulaire de la Région wallonne et de la Communauté française

Le 5 décembre 2008, la Région wallonne et la Communauté française ont pris une circulaire encadrant les marchés publics d’avocat. Celle-ci va au-delà des exigences rappelées ci-dessus « dans un souci d’améliorer la gouvernance publique ». Au-dessus de 193.000 euros, seuil qui sera rarement atteint, la circulaire rappelle les procédures en vigueur. En-dessous de 193.000 euros, la circulaire distingue entre l’absence et la présence d’un contentieux régulier.

Dans le premier cas, lorsque le pouvoir public est défendeur, il pourra se prévaloir de l’urgence impérieuse pour désigner son conseil sans mise en concurrence ; lorsqu’il est demandeur, il est incité à organiser une consultation préalable.

Dans le second cas, la circulaire recommande une mise en concurrence réelle entre avocats. Pour ce faire, elle prévoit l’établissement d’une liste d’avocats par matière. C’est cet élément qui a récemment fait l’objet d’un écho dans la presse. Neuf thématiques ont été identifiées : marchés publics, responsabilité, récupération de créances, droit administratif, expropriations, etc. Pour chacune d’elles, une liste est établie après appel à candidatures, qui doit énumérer les critères de sélection (titres d’études, formations, expérience) et d’attribution (méthodologie relationnelle et organisationnelle, frais et honoraires, disponibilité). Par thème, sept avocats au plus seront retenus. Ces listes seront valables pour une durée de deux ans, renouvelable une fois, étant entendu qu’un avocat chargé d’un dossier avant le terme du marché peut en rester saisi jusqu’à la fin de la procédure. Pendant ce délai, un avocat de la liste ne pourra pas être partie prenante à un procès contre la Région, sur les mêmes sujets. Enfin, une fois par an, sur internet et par écrit au Parlement, sera publié un rapport sur la manière dont les dossiers ont été distribués entre avocats : identification, lot concerné, montants d’honoraires, etc. Sur ce point, l’avis des barreaux a été sollicité.

Mots-clés associés à cet article : Administration, Avocat, Marché public,

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