Le premier président de la Cour de cassation, premier magistrat du pays dans l’ordre judiciaire, occupe une fonction particulière au sein de l’organigramme.
De manière quelque peu régalienne, l’article 135 du Code judiciaire précise qu’il lui revient le privilège de présider « la chambre à laquelle il veut s’attacher, l’une des autres chambres quand il le juge convenable ». Par ailleurs, il préside les audiences plénières, les chambres réunies et les audiences solennelles de la Cour de cassation.
Au-delà, la fonction exercée comprend de multiples facettes qui, outre le fait de rester membre de la Cour et d’en assurer le bon fonctionnement, caractérisent la haute juridiction : il y va d’un rôle de représentation et d’une responsabilité, en tant que plus haut magistrat du pays, d’assurer des missions variées telles, actuellement, que la présidence informelle des réunions des chefs de corps des juridictions d’appel, la présentation de rapports et enquêtes et les contacts avec le Conseil supérieur de la Justice, les contacts avec les autres chefs de corps dans les matières délicates, etc.
A la différence des autres chefs de corps, le premier président de la Cour de cassation est désigné par le Roi pour un mandat non renouvelable. Il partage cette restriction avec le procureur général près la Cour de cassation, équilibre linguistique oblige. En effet, l’objectif du législateur était d’assurer à la fois un équilibre et une alternance linguistique propre à nos contrées : si le premier président est francophone, le procureur général sera néerlandophone, et vice versa. Il convenait donc que leur mandat soit de même durée.
A la suite de la démission de M. Londers, le mandat va être déclaré vacant. Cette vacance concernera uniquement la fin de son mandat, jusqu’en avril 2014. En effet, au nom de ce sacro-saint équilibre, il ne convenait pas que le futur premier président désigné soit du même rôle linguistique que le procureur général près la Cour de cassation ou que leurs mandats courent sur des périodes décalées.
Il en aurait été autrement si le délai avait été éloigné de moins de deux ans de l’échéance normale du mandat : dans ce cas alors, l’achèvement du mandat aurait dû s’exercer par le remplaçant du premier président, à savoir le titulaire d’un mandat adjoint dans l’ordre d’ancienneté du service et du même rôle linguistique.
C’est d’ailleurs lui qui assurera l’intérim. La Cour ne sera donc pas orpheline.
Pour une désignation à une fonction de premier président de la Cour de cassation, un dossier de nomination est transmis par le ministre de la Justice à l’assemblée générale de la Cour de cassation, avec la demande de communiquer un avis motivé pour chacun des candidats. L’assemblée générale se réunit, entend les candidats et se prononce à la majorité des deux tiers.
Cet avis, communiqué au ministre de la Justice, est transmis ensuite à la commission de nomination et de désignation du Conseil supérieur de la Justice, qui procède à la présentation d’un candidat.
Cette présentation s’opère sur base de critères qui portent sur les capacités et l’aptitude du candidat, mais également sur la base d’un profil général de fonction esquissé par le Conseil supérieur de la Justice. Approuvé en assemblée générale et publié au Moniteur belge, ce profil décrit la fonction, ses objectifs et les qualités requises pour chaque candidat à une fonction de chef de corps déterminée. La lecture du profil de fonction pour un premier président de Cour de cassation laisse rêveur...
Un détail, mais qui peut avoir son importance : au moment où le mandat s’ouvre effectivement, le candidat doit être éloigné d’au moins cinq ans de la limite d’âge de la retraite qui est, rappelons le, de soixante-dix ans pour les magistrats de la Cour de cassation. Cette règle relativement récente a modifié une tradition selon laquelle les fonctions de premier président revenaient au magistrat le plus ancien : l’idée était d’assurer que le mandat de premier président soit effectivement exercé pendant une période de cinq années, et garantisse cet équilibre et cette alternance linguistique déjà décrits.
La commission de nomination compétente du Conseil supérieur de la Justice est la commission réunie, comprenant les commissions de nomination francophone et néerlandophone.
A l’issue d’entretiens avec les candidats, elle opèrera un choix à la majorité des deux tiers des suffrages émis au sein de chaque commission de nomination. Elle communiquera ensuite au ministre de la Justice le procès-verbal de présentation du candidat choisi, pour permettre une désignation par arrêté royal. D’une manière générale, les présentations de la commission de nomination sont suivies d’effet. De manière exceptionnelle, la proposition pourrait être refusée, de façon motivée, ce qui ouvrirait un nouveau délai de quinze jours pour permettre à la commission de nomination de procéder à une nouvelle présentation. Mais nous n’en sommes évidemment pas là.
Dans tous les cas de figure, la procédure durera au minimum huit mois. Un nouveau premier président désigné par le Roi est donc attendu pour l’été 2012.
Votre point de vue
Denis Luminet Le 3 octobre 2011 à 19:35
"la haute juridiction"... les condamnations de la Belgique par la Cour de Strasbourg ne se comptent plus (affaires "Hakimi", "RTBF" et "Taxquet" en étant trois exemples récents) : étrange haute juridiction qui commet des violations graves et répétées des droits de l’homme. Question subsidiaire : le président et les conseillers en sont-ils conscients (ce qui serait moralement grave) ou non (ce qui serait intellectuellement consternant) ?
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