1. Le Code judicaire prévoit que le CSJ entame une enquête particulière à la demande du ministre de la Justice, à la demande de la Chambre ou du Sénat ou encore d’office, par exemple à la suite d’une plainte qu’il reçoit ou sur la base d’informations diffusées dans les médias.
Une enquête particulière s’intéresse à des dysfonctionnements graves et déterminés de l’appareil judiciaire ou à l’arriéré auprès d’un tribunal ou d’un magistrat déterminé, à l’exclusion de toute compétence pénale ou disciplinaire.
Dans les faits, le CSJ a réalisé quatorze enquêtes particulières depuis sa création en 1998. La moitié ont été initiées d’office, l’autre moitié ont été diligentées à la suite d’une demande du ministre de la Justice. Jusqu’à présent, ni la Chambre ni le Sénat n’ont encore sollicité le CSJ dans ce cadre.
2. Après que la décision de mener une enquête particulière soit prise, il faut identifier qui va conduire celle-ci.
En théorie, le Code judiciaire prévoit que le CSJ ordonne au chef de corps concerné (par exemple, le président du tribunal, le procureur du Roi, l’auditeur du travail, etc.) de réaliser l’enquête au sein de sa juridiction.
La loi précise qu’exceptionnellement le CSJ mène lui-même l’enquête. Dans ce cas de figure, l’enquête doit être conduite sous la direction de l’un de ses membres magistrats. Ce dernier peut être issu du siège ou du ministère public.
3. Au fil du temps, l’exception est toutefois devenue la règle. En effet, la quasi-totalité des enquêtes particulières ont été menées directement par le CSJ et non par le chef de corps de l’entité concernée.
Plusieurs raisons expliquent ce basculement, notamment l’expertise du CSJ en terme de méthodologie d’enquête, son indépendance ou encore la réduction du risque de conflits d’intérêts.
4. Depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2020, de la loi du 23 mars 2019 ‘modifiant le Code judiciaire en vue d’améliorer le fonctionnement de l’ordre judiciaire et du Conseil supérieur de la Justice’, il est désormais possible au CSJ de consulter et de se faire produire des dossiers judiciaires en cours. Auparavant, le CSJ pouvait uniquement consulter des dossiers judiciaires clos.
En pratique, avant 2019, le CSJ a pourtant mené des enquêtes particulières sur des affaires judiciaires en cours, telles l’enquête particulière relative au fonctionnement de l’ordre judiciaire à l’occasion de l’affaire Fortis (2009) ou l’enquête particulière sur le fonctionnement de l’ordre judiciaire dans le cadre de l’affaire relative au meurtre d’Annick Van Uytsel (2012).
Toutefois, dans le cadre de ces enquêtes particulières, le CSJ procéda uniquement à des entretiens avec les acteurs concernés, le contenu de ces dossiers judiciaires en cours ne pouvant être consulté. Depuis le 1er janvier 2020, le CSJ peut désormais se faire produire toutes les pièces d’un dossier (dossier d’instruction, fardes de réserve, etc.) même si l’affaire est pendante.
5. Outre la consultation du dossier, le Code judiciaire donne la possibilité au CSJ d’entendre les membres de l’ordre judiciaire ainsi que toute personne dont l’audition est utile à l’enquête à titre d’information, le cas échéant, sous serment.
Concrètement, ce ne sont donc pas uniquement les personnes appartenant à l’ordre judiciaire qui peuvent être entendues : le CSJ peut également auditionner des ministres, des avocats, des justiciables, des policiers ou encore des experts judiciaires (un médecin-légiste ou un traducteur juré, par exemple).
Les membres de l’ordre judiciaire (les magistrats, les greffiers, les secrétaires de parquet, les membres du personnel des greffes et des secrétariats du parquet) ont l’obligation de collaborer aux enquêtes particulières menées par le CSJ. En cas de refus, le CSJ en informe les autorités disciplinaires compétentes en leur demandant d’examiner s’il y a lieu d’engager une procédure disciplinaire. Le CSJ en informe simultanément le ministre de la Justice.
Lors de son audition, la personne entendue est autorisée à faire des déclarations qui sont couvertes par le secret professionnel. En miroir de cette disposition, les membres du CSJ ont, quant à eux, l’interdiction de révéler les déclarations qui leur ont été faites sous peine de poursuites pénales. Les membres du CSJ doivent garantir la confidentialité des éléments qu’on leur confie ce qui, en retour, permet à la personne entendue de faire des déclarations couvertes par le secret professionnel.
6. Après la consultation de pièces et à l’audition des personnes concernées par l’enquête particulière, un projet de rapport est rédigé contenant des constats ainsi que des recommandations formulées à destination de différents acteurs (le législateur, le SPF Justice, le Collège des cours et tribunaux, etc.). Au sein du CSJ, le projet de rapport doit d’abord être approuvé à la majorité des deux-tiers de la Commission d’avis et d’enquête réunie puis recevoir l’approbation des membres de l’assemblée générale à la majorité simple.
7. Après le stade de l’approbation vient celui de la publication.
D’après le Code judiciaire, le rapport est communiqué au ministre de la Justice, à la Chambre, au Sénat, ainsi qu’aux chefs de corps des cours et du ministère public près ces cours. En interne, le CSJ a également adopté un règlement sur la communication, lequel précise que les rapports d’enquête particulière sont publiés intégralement sur internet sauf décision contraire de l’assemblée générale prise à la majorité absolue (après avis de la Commission d’avis et d’enquête réunie).
L’assemblée générale peut également décider, selon la même majorité, de publier partiellement le rapport ou de n’en publier qu’un seul résumé. Pratiquement, la quasi-totalité des rapports du CSJ sont intégralement disponibles en ligne dans les deux langues nationales.
8. Enfin, le CSJ peut réaliser ultérieurement un suivi des recommandations qu’il a formulées pour s’assurer qu’elles ont été effectivement mises en œuvre et prévenir ainsi les risques de dysfonctionnements ou d’arriéré au sein de l’appareil judiciaire.