Théâtre au Palais de Justice de Bruxelles : « Le Dieu du carnage », de Yasmina Reza, jouée par la Compagnie du Palais de justice

Interview du metteur en scène

par Thérèse Jeunejean - 21 novembre 2023

La Compagnie du Palais de justice jouera bientôt « Le Dieu du carnage », une pièce de théâtre bien connue de Yasmina Reza. Rencontre de deux couples, remplis de bonnes intentions, à propos des bêtises d’enfants. Le ton est vif, allègre, les répliques rebondissent et sonnent terriblement justes. L’histoire commence bien, finit mal et pourtant les rires fusent en permanence !
Nous avons posé quelques questions à Maître Bernard Mouffe, avocat, à l’origine de cette originale Compagnie et metteur en scène de cette pièce.

Questions-Justice (Q.J.) : Certaines personnes font parfois un parallèle entre justice et théâtre. Faut-il y voir un lien avec l’existence de la « Compagnie du Palais de justice » ?
Bernard Mouffe (B.M.)  : J’ai suivi une formation qui m’a un peu poussé à faire du théâtre avant d’aborder le droit. Et quand je suis entré au Palais de justice de Bruxelles, je me suis rendu compte que c’était un lieu théâtral extraordinaire et j’ai proposé d’y faire du théâtre. Cela m’a immédiatement été refusé, sous prétexte que la justice n’était pas du théâtre !
Il a fallu lutter pour atteindre cet objectif parce que certaines autorités ont véritablement considéré que c’était chose inadmissible. Nous avons eu des résistances au niveau des parquets de la Cour d’appel et de la Cour de cassation, qui n’ont pas apprécié cette initiative ! Les Flamands continuent d’ailleurs de considérer qu’il est inconcevable que les francophones puissent faire du théâtre au Palais de justice parce que, justement, la justice n’est pas un spectacle !

Q.J. : Aujourd’hui, votre objectif est atteint ?
B.M. : Je suis entré au barreau en 1991. En 92-93, nous avons lancé notre premier projet. Il a fallu certainement un an et demi pour arriver à le faire accepter. Mais il n’était cependant pas encore question de jouer de réelles pièces de théâtre à l’intérieur du Palais. Nous avons commencé par des reconstitutions de procès historiques, le lieu Palais de justice était alors conforme à ce genre de projet, étant entendu qu’il ne s’agissait pas d’un spectacle !
Notre objectif était aussi d’ouvrir le Palais à de plus en plus de gens et cela, parce qu’en réalité, soit vous êtes un justiciable et vous ne trouvez évidemment pas l’endroit extraordinaire, soit vous n’avez pas besoin d’être confronté à la justice et vous n’avez pas l’occasion d’entrer au Palais.
Au tout début, c’est un peu paradoxal, quand nous avons pu faire des reconstitutions de procès historiques dans le palais, on nous a gentiment dit que nous étions priés de faire en sorte que n’importe qui ne vienne pas nous voir, de mettre un prix dissuasif !
Et toute publicité nous était interdite : nos projets devaient être confidentiels, pas question d’affiches ! C’était et cela devait rester une activité liée au barreau, aux magistrats… Cela ne concernait pas le grand public !
Avec le temps, heureusement, il y a eu une plus grande ouverture. Et maintenant, avec les réseaux sociaux, internet…, ce problème de publicité n’existe plus.

Q.J. : Quels étaient, quels sont vos objectifs ?
B.M. : Depuis le début, nous avons eu deux logiques : la première, c’est de rassembler, dans un même projet, sans distinction, toutes les personnes qui travaillent dans le Palais et, en général, ne se parlent pas : des gens du parquet, des magistrats, des greffiers, des huissiers, des avocats, toutes personnes gravitant autour de la justice.
On voulait se rencontrer dans le cadre du Palais et c’est la raison pour laquelle on a joué dans tous les coins du palais. On a eu l’occasion, dans les premiers spectacles, de jouer vraiment partout, dans le grand escalier, la salle de délibération de la cour d’assises... On a eu un spectacle itinérant, le public étant amené à suivre tout un parcours à l’intérieur du Palais.
Notre deuxième logique, c’est de choisir des spectacles en phase avec la justice : « Crime et châtiment » ou « Le procès » de Kafka par exemple.

Q.J. : Vous ne jouez plus à l’intérieur du Palais ?
B.M. : Non, on pourrait encore le faire mais seulement dans deux salles. Tout le reste est devenu inaccessible. Nous sommes les premiers étonnés que le Palais ne nous accueille plus tellement. En même temps, il y a une logique : les affaires pénales restant jugées au Palais, une série de mesures de sécurité sont prises pour le sécuriser. Nos projets, qui permettaient de passer un peu partout et dans tous les couloirs, ne correspondent pas à cette logique sécuritaire.

Q.J. : Pourquoi avoir choisi « Le Dieu du carnage » ?
B.M. : Yasmina Reza est une très bonne dramaturge, « Le Dieu du carnage » est un classique. Et puis, il est temps de faire jouer des auteures féminines !
Ensuite, nous avons une double logique. Notre troupe réunit vingt à vingt-cinq comédiens et il est difficile de trouver un spectacle réunissant autant de monde. Alors chaque année, généralement, nous avons une grande pièce avec une vingtaine de comédiens et une petite pièce avec quatre ou cinq personnes. Cette petite pièce est destinée à ce qu’on appelle du « théâtre de salon », c’est-à-dire une pièce qui peut être jouée dans n’importe quel lieu, sur invitation, pour une fête, un anniversaire… Yasmina Reza écrit essentiellement des pièces de ce style et donc « Le Dieu du carnage » nous convient très bien.
Disons encore que la distribution est parfaite par rapport à nos objectifs : elle réunit un notaire, un membre du parquet, un vieil avocat et une jeune avocate !

Q.J. : Quel est votre public ?
B.M. : Incontestablement, cela reste essentiellement des gens liés au milieu de la justice. Nous sommes la troupe du Palais de justice et ceux qui ont vu les précédents spectacles y restent sans doute attachés…

Q.J. : Vous êtes le metteur en scène, vous ne jouez pas. C’est un choix ?
B.M. : Oui, je n’ai aucune mémoire, je serais incapable d’apprendre un texte !

La pièce sera jouée par Julie Feld, Anne-Charlotte Betton, Hervé Behaegel et Dominique Gérard, dans une mise en scène de Bernard Mouffe.

Les représentations auront lieu les 30 novembre, 1er, 2, 6, 7, 8 et 9 décembre 2023 à 20.15 heures au Château de la Solitude (54, avenue Charles Schaller – 1160 - Auderghem). Le prix du spectacle est fixé à 20 euros pour le tarif standard et à15 euros pour les -26 ans, artistes et autres tarifs réduits. Les vendredis et samedis, nous offrons également la possibilité de réserver un buffet spectacle pour 35 € TTC.

Pour réserver vos places, veuillez envoyer un courriel à compagniedupalais@gmail.com ou remplir le formulaire en ligne.

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