1. Vendredi 13 mars (fallait-il y voir un signe ?), lorsqu’a commencé l’actuelle période de confinement, un peu sonnés, nous, médiateurs de conflits entre personnes, avons dû envisager autrement notre manière de travailler : à la rencontre « physique », emplie d’échanges humains et empathiques, nous avons été contraints de nous mettre en ligne, téléphonique ou virtuelle.
Nos ouvrages de tricotage et de crochetage des relations ont dû être repensés, réinventés, innovés ou, parfois, par la force des choses, suspendus.
Nos salles de médiation sont vides. Nous avons dû prendre des gants – au sens propre et figuré – pour nous mettre en retrait des soucis de notre public tout en étant imaginatifs et continuer à titiller les repères, bouger le curseur des perceptions et éclairer différemment les tensions et mésententes vécues.
2. Notre métier est, en effet, par essence, de tisser des liens, de faciliter la communication et d’être des passeurs de compréhension. Accompagner les troubles de voisinage, les désaccords parentaux ou ruptures familiales, les dissensions entre collègues ou entre locataires et propriétaires est notre ADN professionnel.
3. Les conflits font partie de la vie.
L’impérieuse crise que nous traversons n’échappe pas à ce principe.
Toutefois, elle est tellement profonde qu’elle épouse et épuise tous les qualificatifs – sanitaire, sociale, économique, financière, historique, voire sociétale. Elle présente aussi une particularité de taille : elle touche tous nos rituels les plus traditionnels. Se saluer, se séduire ou se marier, donner naissance, enterrer nos défunts… La plupart de nos us et coutumes sont bouleversés.
4. Certes, jamais une crise ne nous aura autant appris à relativiser nos malheurs et nos drames, nos essences et priorités.
Elle est une porte d’entrée aux changements, redoutés pour les uns, voulus, inattendus, bienvenus pour d’autres qui la conçoivent comme une opportunité. Des anciennes valeurs, oubliées, sont dépoussiérées, tout comme certains jeux de sociétés. D’autres, inédites, sont façonnées et font naître de nouvelles manières de faire ensemble, vivre ou… survivre – ne tombons pas dans un optimisme béat.
Le futur est à composer, radicalement différent en bien des égards avec le passé et le présent.
5. Et surtout, nous avons pris le même élan, difficile mais essentiel, pour nous unir dans un confinement. Presque tous ensemble, nous chouchoutons notre immunité et apportons notre pièce au puzzle de la préservation de la santé de tous.
Pour prendre soin de nous, de nos parents, de nos plus fragiles et plus vulnérables, nous avons été capables de mobiliser notre énergie et toutes les lettres de l’alphabet pour faire se confondre solitaire et solidaire.
Un grand bond !.. mais surtout un grand pont face à un même adversaire, invisible, insaisissable et sans pitié. Chacun a pensé collectif pour que nous en ressortions tous gagnants.
6. Ce pont que nous construisons, dans ce pays comme ailleurs, répond au respect de règles inhabituelles, étranges, presque paradoxales : « Soyons solidaires, gardons nos distances ». Nous sommes intimés de rester éloignés pour nous entraider. Nous préservons les territoires de l’autre tout en étant confinés dans le nôtre.
Or, ces espaces - vides – entre nous n’ont jamais activé, stimulé autant nos liens sociaux. La preuve en est cette multitude d’actes de solidarité allant de l’entraide entre voisins, la confection de masques aux applaudissements synchrones à 20 heures. Des liens se créent ou se recréent au sein du voisinage et des familles. Nos créativités et nos capacités d’adaptation ont été sollicitées et de nombreux défis sont relevés haut la main.
7. Pour certains toutefois, le confinement, loin d’être un moment de convivialité et de soin pour soi et autrui, est synonyme du renforcement des désaccords vécus sous un même toit.
Compressés, figés, repliés dans un même chez-soi qui n’est plus souhaité, où le plafond est l’envers du décor des pas de l’autre, ils sont obligés de se sentir, voire se ressentir, davantage, contre leur gré. La possibilité du « sans toi(t) », pourtant tellement oxygénante, n’est plus.
8. Nous, médiateurs, restons à votre service pour accueillir, toujours confidentiellement et sans jugement, ces difficultés. Vos paroles, vos inquiétudes, vos sacs de nœuds ou de cailloux sont toujours les bienvenus, conscients que nos demain à tous se déploieront, qui plus est, dans un futur qui ne sera plus jamais comme avant, auquel il faudra aussi s’adapter.
En toute bienveillance, sans pouvoir panser les blessures – nous ne sommes pas des urgentistes, nous sommes à votre disposition, par téléphone ou par mail, pour penser le conflit et accompagner chacune de ses parties vers un soulagement où il n’y a ni vainqueur ni vaincu. Nous sommes plus que jamais convaincus que, si vous avez pu faire le grand pont, vous avez aussi les ressources et les compétences pour construire, rénover ou transformer les petits ponts utiles à l’apaisement de vos conflits visibles, presque prévisibles et tellement humains.
Votre point de vue
skoby Le 16 avril 2020 à 16:13
Toutes ces actions décrites pour apaiser différentes situations difficiles et pénibles
me paraissent très positives. Par contre, je ne sais pas si l’information de ces
possibilités de médiation sont suffisamment connues du grand public.
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