Du foot à la télévision : la Justice européenne garantit la diffusion gratuite des matchs de la Coupe du Monde et de l’Euro en Belgique et au Royaume-Uni

par Edouard Cruysmans - 21 août 2013

Le 18 juillet 2013, la Cour de justice de l’Union européenne a sifflé la fin d’un match.

L’équipe composée de l’UEFA et de la FIFA faisait face à l’équipe constituée de la Belgique et du Royaume-Uni. L’enjeu du litige est important : savoir si tous les matchs de la phase finale de la Coupe du monde et de l’Euro doivent être considérés comme des événements d’importance majeure, et dès lors être diffusés sur des chaînes de télévision gratuites.

Le « match aller », disputé le 17 février 2011, fut arbitré par le Tribunal de première instance de l’Union européenne. Il fut remporté par la Belgique et le Royaume-Uni. Le « match retour », arbitré par la Cour de justice, a abouti au même résultat.

Commentaire de ce « match retour » par Edouard Cruysmans, assistant à l’Université catholique de Louvain et à l’Université Saint-Louis Bruxelles.

Par trois arrêts rendus le 18 juillet 2013, la Cour de justice de l’Union européenne vient de siffler la fin du match qui opposait la FIFA (« Fédération internationale de football association ») et l’UEFA (« Union des associations européennes de football ») à la Belgique et au Royaume-Uni. Il était reproché à ces deux Etats d’avoir inscrit sur la liste des événements jugés d’importance majeure pour la société l’ensemble des matchs de la phase finale de la Coupe du monde et de l’Euro.

La directive européenne « Télévision sans frontières » (qui organise notamment la libre circulation des émissions télévisuelles dans l’Union européenne) précise en son article 3bis (devenu l’article 14 de la directive « Services de médias audiovisuels ») que chaque Etat membre de l’Union européenne doit établir une liste des événements qu’il juge d’importance majeure pour la société. L’objectif de cette règlementation est de renforcer le droit à l’information en s’assurant que des événements tels que les jeux olympiques, la coupe du monde ou le championnat d’Europe de football (l’Euro) soient diffusés par des chaînes de télévision en accès libre et non exclusivement par des chaînes payantes.

L’UEFA et la FIFA se sont opposées à ce que tous les matchs des phases finales de ces compétitions de football puissent être considérés comme de tels événements. En effet, depuis longtemps, elles admettent que font partie des événements d’importance majeure les finales, demi-finales, matchs d’ouverture et, pour chaque Etat, les matchs de sa sélection nationale mais elles considèrent que tous les autres matchs peuvent dès lors faire l’objet de négociations avec les chaînes payantes, permettant notamment à l’UEFA et à la FIFA de faire monter les enchères et de s’assurer des recettes importantes. Les droits de retransmission télévisuelle de ces phases finales constituent en effet leur principale source de revenus.

Tout en soulignant l’impossibilité d’une harmonisation européenne compte tenu des divergences sociales et culturelles importantes entre les Etats membres, la Cour rappelle dans un premier temps que chaque Etat est libre d’établir sa propre liste d’événements. Les Etats doivent s’appuyer sur des critères proposés par la directive : (1) les événements d’importance majeure sont des événements extraordinaires, (2) présentant un intérêt pour le grand public dans l’Union européenne, dans un Etat membre ou dans une partie importante d’un Etat membre et (3) organisés à l’avance par un organisateur d’événements qui a légalement le droit de vendre les droits relatifs à cet événement. Cette liste doit ensuite être soumise à la Commission européenne, qui dispose d’un pouvoir de contrôle. En l’espèce, la Commission avait admis pour le Royaume-Uni et pour la Belgique l’insertion dans leur liste de tous les matchs des phases finales de la Coupe du monde et de l’Euro.

Bien que la Cour estime que la règlementation européenne constitue une entrave à la libre prestation de services (la retransmission d’un match par un organisme télévisuel étant considérée comme une prestation de service), elle la justifie par son objectif visant à protéger le droit à l’information. Elle confirme qu’au regard de la perception concrète du public du Royaume-Uni et de la Belgique, tous les matchs de la phase finale des deux tournois concernés suscitent effectivement un intérêt suffisant pour pouvoir être considérés comme événement d’importance majeure.

L’enseignement de cet arrêt est clair : la Coupe du monde et l’Euro demeureront gratuits à la télévision belge et anglaise, les deux Etats pouvant interdire la diffusion des matchs exclusivement sur des chaînes payantes.

Reste à voir si cela donnera des idées aux autres Etats européens, qui pourraient rapidement insérer l’ensemble de matchs de ces compétitions sportives dans leur liste d’événements d’importance majeure.

L’arrêt permet aussi de réattribuer aux chaînes gratuites ces matchs qu’elles ne pouvaient plus diffuser depuis quelques années, faute de moyens suffisants. Toujours est-il que cela risque de ne pas faire les affaires de la FIFA et de l’UEFA, qui pourraient perdre une partie importante de leur gain…

Votre point de vue

Votre message

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Votre message

Les messages sont limités à 1500 caractères (espaces compris).

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document

Avec le soutien de la Caisse de prévoyance des avocats, des huissiers de justice et des autres indépendants
Pour placer ici votre logo, contactez-nous