Eupen : on risque de fermer !
Si cela continue comme cela, on ferme la boutique : c’est bien ce que disent les magistrats d’Eupen qui travaillent plus que leurs heures avec leurs greffiers et le personnel administratif, serrés dans des pièces tellement étroites que l’on voit huit à dix têtes surnageant de piles de documents entassés un peu partout faute de place, par manque d’armoires. Le procureur du Roi partage son bureau avec un substitut (bonjour la discrétion et la confidentialité). Il n’y a aucune possibilité d’accès aux étages pour les personnes à mobilité réduite. Magistrats et personnel doivent donc descendre pour les rencontrer. La salle du conseil est surréaliste, sombre, étroite et… bruyante de descentes d’eau intempestives. Les référés ont lieu dans la bibliothèque commune aux juridictions. On réalise des acrobaties de calendrier pour que les audiences divorce, jeunesse, justice de paix se déroulent dans deux salles seulement. Le juge du commerce se trouve dans un autre bâtiment, le tribunal de police encore ailleurs et les archives plus loin. On imagine les navettes du personnel et la catastrophe de la limitation du nombre d’huissiers d’audience qui assuraient la guidance des justiciables d’un bâtiment à l’autre, préparaient les salles, transportaient les dossiers. Sans eux, c’est ingérable, soupire un magistrat. Et, bien entendu, rien n’est prévu pour assurer la sécurité du personnel.
En fait, de nouveaux bâtiments étaient prévus… depuis 15 ans ! Quant à la gestion du personnel, c’est pire encore : dans dix à douze ans, il faudra remplacer une dizaine de magistrats et des greffiers de langue germanophone.
Ajoutons à ce portrait catastrophique l’absence de codes en allemand (les magistrats doivent traduire eux-mêmes les lois belges, seules certaines d’entre elles étant toutefois traduites et ainsi publiées par le Moniteur belge), le manque d’équipement informatique en allemand et même de logiciel permettant d’élaborer les statistiques du fonctionnement de l’arrondissement. Celles-ci sont faites à la main, envoyées au SPF Justice qui ne prend pas la peine de les encoder et voilà pourquoi l’arrondissement n’existe pas dans les statistiques de la Justice. « Comme si nous ne faisions rien et pourtant nous travaillons tellement que nous n’avons pas d’arriéré judiciaire. Mais cela ne pourra pas continuer ainsi », s’offusque un magistrat.
Verviers attend son annexe
Verviers a attendu pendant un an le remplacement de quatre greffiers sur les neuf permettant au tribunal de commerce de fonctionner normalement. Le tribunal du travail s’est vu attribuer, comme les autres dans le pays, la charge du règlement collectif des dettes mais, dans un arrondissement pauvre, il y a une grave augmentation de ces affaires, de trente à quarante cas par mois et le personnel n’a pas été nommé pour assurer cela.
Verviers attend toujours d’annexer un bâtiment jouxtant le palais de Justice afin de disposer enfin de place supplémentaire : deux ans de dossiers, d’expertises, de plans, l’accord des Finances à qui appartient ce bâtiment et de la régie des Bâtiments pour effectuer les travaux… et tout est bloqué au SPF Justice, au risque de perdre cette opportunité peu coûteuse et idéalement située. Sans étonnement on apprend que l’informatique est désuète et que, miracle, il n’y a pas d’arriéré significatif. Tout le monde travaille comme des fous au péril de la santé, les juges sont épuisés et certains magistrats et greffiers souffrent de maladies très graves et ne sont pas remplacés. « Il nous est impossible de faire face à une affaire grave au point de vue judiciaire », assurent les magistrats.
Musée liégeois
Liège, qui dispose d’un Palais de Justice magnifiquement ancien, véritable musée de grande beauté (le Palais des Princes-Evêques), attend depuis vingt ans ses nouveaux locaux où seront rassemblés les divers tribunaux, les dossiers, les archives et même les pièces à convictions, qui sont baladées d’un bâtiment à l’autre sans la moindre sécurité. On a tout de même confié les armes à la garde de la police judiciaire, la drogue dans un coffre fort et dans les coffres d’une banque les comptes et titres. Des dossiers sont perdus ou errent on ne sait où et le problème s’aggrave avec le manque d’huissiers d’audience qui effectuaient ces tâches et guidaient les gens dans ce dédale de bâtiments. Des locaux sont insalubres, des fragments de plafonds s’écroulent, le président n’est pas mis au courant du timing de déménagement des locaux, il ne sait même pas si les meubles commandés existent encore sur le catalogue de la firme pressentie il y a des années déjà.
Dinant : chutes de pierres
Le Palais de Justice de Dinant, imposant et lourd, est, depuis 1879, adossé à la falaise qui s’effrite à chaque hiver ou lors de pluies trop importantes et qui menace aussi la Maison des Avocats d’un côté, le poste de police de l’autre et à l’arrière des places de parking condamnées depuis des années par une simple barrière métallique. De gros blocs de pierre parsèment cet espace, preuves du danger permanent qui règne là. De plus, le palais est complètement inadapté au fonctionnement judiciaire. Pour peu que l’on soit handicapé, il est impossible d’y pénétrer : les pompiers sont appelés pour transporter les gens jusqu’au rez-de-chaussée et les magistrats, greffiers et autres membres du personnel doivent descendre pour les écouter car l’ascenseur est défectueux ! D’autres membres du personnel travaillent en caissons de chantier à l’intérieur de la grande salle des pas perdus du palais : la justice en boîte mais au chaud quand même ! Ce sont les services du greffe et du parquet, un peu serrés tout de même avec l’espace de rangement que l’on devine… Et, autour de cela, des installations électriques douteuses, pas de détecteur de fumée.
D’ailleurs, il y a eu un incendie ¬ criminel ¬ il y a deux ans de là et la concierge n’a eu la vie sauve que parce qu’elle avait installé un détecteur de fumée à ses frais…
Pour héberger le parquet de police, le parquet de la jeunesse et quelques magistrats, une ancienne école datant du début du XXe siècle a été achetée il y a une vingtaine d’année. Là, il y a un ascenseur qui fonctionne. Tout de même !
La faute à qui ?
Malgré tout cela, la Justice fonctionne, vaille que vaille. Reste le problème fondamental : pourquoi n’y a-t-il pas de cohérence entre le fonctionnement de la Régie des Bâtiments, celui du SPF Justice et les demandes des présidents des arrondissements judiciaires ? Le problème est non seulement administratif mais aussi politique, et aucun ministre depuis des décennies n’a pu ou voulu le résoudre. La faute à personne ? Qui fera justice aux palais de Justice en Wallonie ?