1. Cet avis ne revêt pas le caractère obligatoire des arrêts que la Cour rend lorsqu’elle se trouve saisie d’un différend entre États. Ses avis consultatifs sont toutefois généralement perçus comme des interprétations particulièrement autorisées du droit international et sont, dans la pratique, mobilisés au même titre que ses arrêts.
Les États et les organisations internationales y sont attentifs et n’hésitent pas d’ailleurs à présenter des observations au sujet des questions posées à la Cour durant une procédure consultative, comme le droit international les y autorise.
2. Cette fois-ci, plus d’une cinquantaine d’États et d’organisations internationales ont transmis à la Cour des exposés écrits à cette fin. D’autres États ont présenté des observations orales, comme ce fut le cas par exemple de la Belgique.
Cette participation, assez inédite de par son ampleur, signale certainement la conviction que cet avis est susceptible d’avoir des impacts à l’égard de tous les acteurs internationaux.
Qu’affirme la Cour au sujet du comportement d’Israël en territoire palestinien ?
3. La Cour analyse les politiques et les pratiques mises en place depuis 1967 en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza, qui sont identifiés comme les composantes d’un territoire palestinien.
La demande d’avis lui ayant été adressé en janvier 2023, la Cour n’a pas inclus dans son analyse les opérations menées en réaction aux attaques du Hamas du 7 octobre 2023.
4. Dans son avis, la Cour rappelle qu’Israël, en tant que Puissance occupante, ne peut exercer que des pouvoirs limités d’administration et doit garantir l’intérêt de la population occupée, ce qui lui interdit d’adopter des mesures qui viseraient à s’emparer du territoire palestinien ou à l’exploiter.
Or, pour la Cour, Israël exerce ses pouvoirs en violation de ces règles en soutenant l’établissement de sa population civile en territoire palestinien, en confisquant les terres des palestiniens, en y exploitant l’eau et les minéraux et en y appliquant les lois israéliennes.
La Cour observe que cette politique de colonisation a contraint la population palestinienne à se déplacer et s’est accompagnée d’actes de violence par les forces de sécurité israélienne ou par les colons sans que leurs actes ne soient réprimés. Pour la Cour, ces politiques et ces pratiques équivalent d’ailleurs, non à une simple administration du territoire, mais à son annexion pourtant formellement interdite en droit international.
5. En outre, la Cour souligne que les politiques d’octroi de permis de résidence à l’égard des seuls Palestiniens à Jérusalem-Est, les restrictions à leur liberté de circulation à travers les postes de contrôle en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et les fermetures imposées des lieux de culte situés notamment à Jérusalem-Est constituent des mesures discriminatoires qui ne sauraient être justifiées par les motifs légitimes limitativement admis en droit international.
La Cour parvient à la même conclusion en ce qui concerne les démolitions de biens palestiniens. Cette discrimination systémique entraîne, aux yeux de la Cour, une ségrégation physique et juridique au détriment de la population palestinienne qui emporte la violation par Israël de l’interdiction de la ségrégation raciale et de l’apartheid.
Enfin, la Cour considère qu’Israël viole, par ses politiques et ses pratiques, le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même dont la Cour précise qu’il inclut un droit à l’intégrité du peuple palestinien et du territoire palestinien, y compris de ses ressources naturelles. Cette violation, qui dure depuis des décennies, compromet l’exercice de ce droit à l’avenir.
Pour la Cour, l’occupation du territoire palestinien ne peut devenir permanente et ne peut en aucun cas offrir à Israël un titre juridique sur ce territoire, même en raison d’impératifs de sécurité.
6. Dès lors que la présence d’Israël dans le territoire palestinien occupé est jugée illicite, Israël se doit d’y mettre fin « dans les plus brefs délais », de cesser toute nouvelle activité de colonisation et d’évacuer le territoire palestinien occupé, et doit enfin réparer les préjudices causés à toutes les personnes concernées.
Qu’affirme la Cour au sujet des conséquences juridiques de cette occupation pour les autres Etats ?
7. Moins connues, la Cour rappelle également dans son avis les conséquences juridiques qui découlent pour tous les autres États des violations par Israël des principes cardinaux du droit international que sont le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’interdiction d’acquérir des territoires par la force ainsi que les règles fondamentales des droits humains et du droit international humanitaire.
Les États ont en effet l’obligation de ne pas reconnaître comme licite l’occupation par Israël du territoire palestinien et de ne prêter aucune aide ou assistance à la poursuite de cette occupation. Ils doivent même, comme le rappelle l’avis, coopérer pour mettre fin à la présence illicite d’Israël dans le territoire palestinien occupé et garantir le droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
8. En ce qui concerne les relations que les États peuvent tisser avec Israël, l’avis apporte des éclaircissements importants.
La Cour y rappelle que les États doivent distinguer, dans leurs échanges avec Israël, entre le territoire propre de cet État et le territoire palestinien occupé, de sorte à ne pas entretenir de relations avec Israël dans tous les cas où il prétendrait agir au nom de ce territoire.
La Cour précise en outre que les États doivent prendre des mesures pour empêcher les échanges commerciaux et les investissements qui aident au maintien de la situation illicite créée par Israël dans le territoire palestinien occupé.
9. Si la mention de telles obligations dans le chef des États tiers avait déjà été faite par la Cour dans l’avis consultatif qu’elle avait rendu en 2004 au sujet de l’édification du mur en territoire palestinien, ces obligations sont rappelées aujourd’hui et quelque peu précisées.
Il appartient à présent aux États de s’en acquitter, de manière individuelle et de manière collective au sein des organisations dont ils sont membres.