Ainsi que le relève Thierry Marchandise, président de l’association syndicale des magistrats, le jugement du 8 décembre 2009 n’enterre pas le débat sur la loyauté des preuves, ni dans la présente affaire, ni de manière générale.
Il n’entre pas dans nos intentions de prendre position sur jugement prononcé, ni même d’en présenter un commentaire neutre. Par contre, cet événement, comme d’autres par le passé, est source d’une réaction d’incompréhension de la majorité des citoyens. Comment peut-on admettre, sur le plan moral, que des personnes, éventuellement coupables, puissent échapper à la sanction de la justice pour des raisons de procédure ? C’est à cette question-ci, et uniquement à celle-ci, qu’il nous m’appartient de nous atteler.
Il n’est, avant tout, pas question, non plus, de prévoir des limites absurdes à la recherche de la vérité. Les limites imposées au souci de rechercher la vérité doivent être utiles. Il n’est pas légitime qu’une personne poursuivie échappe à l’action publique en raison d’arguties juridiques, dont le respect n’a pas de légitimité. Autrement dit, le système pénal n’a de légitimité que s’il est fondé sur une hiérarchie de valeurs. Le travail du juge, comme celui du législateur, est de trouver la juste hiérarchie. Comme en toute chose, tout est donc question d’équilibre et de raison.
Cela étant dit, la recherche de la sacro-sainte vérité dans le cadre d’une enquête pénale n’est pas une nécessité absolue. La vérité a ses limites que la justice doit parfois reconnaître. Pour prendre un exemple indiscutable, il serait amoral et d’ailleurs illégal, de mettre toute une famille sous écoute téléphonique pour rechercher l’auteur d’un vol du portefeuille.
Trop souvent ces dernières années, la manière dont les médias répercutent les informations judiciaires entraîne une confusion entre les notions de vérité et de justice. Le système répressif n’a pas pour seule vertu la révélation publique d’une vérité, la promulgation des valeurs sociales essentielles, voire la régulation de la vie en société. Il implique également, dans un Etat de droit, la nécessaire garantie des droits individuels. Le juge pénal est le garant de ces droits.
En ce sens, le prononcé d’une sanction, si importante soit son principe et sa finalité, n’a pas le caractère sacré qu’on tend malheureusement à lui attribuer de nos jours.
Lorsque le souci de poursuivre les auteurs d’une infraction se heurte à une autre norme, la « juste » démarche intellectuelle consiste à rechercher la valeur prédominante. L’ensemble du système de la régularité de la preuve est, pour tous, fondé sur cette doctrine. Il repose sur l’acceptation que, de manière générale, la vérité judiciaire puisse se limiter au constat d’une erreur de procédure et que, dans certains cas, des personnes responsables d’une infraction ne soient pas sanctionnées.
Les conséquences d’une telle situation sont-elles à ce point inacceptables pour la communauté que l’on devrait précisément mettre en péril les droits et libertés des individus qui la composent ? La réponse à cette question est négative dans un Etat de droit.
Si, par exemple, des enquêteurs en viennent à commettre des infractions sous prétexte de rechercher la vérité à propos d’une autre infraction, peut-on encore considérer qu’il est « juste » d’avaliser cette procédure ou, au contraire, n’appartient-il pas au juge de dire que, précisément, les services de police sont là pour faire respecter la loi et non pour l’enfreindre ? Si, autre exemple, les autorités qui mènent l’enquête en viennent à commettre, non pas des infractions, mais des actes qui choquent la morale et l’éthique, n’est-il pas, en définitive, « juste », de sanctionner la manière dont ils ont travaillé ? C’est un peu cela la notion de loyauté dans la recherche des preuves.
Le lecteur le comprendra, à la lecture de ces quelques lignes : dire que le procès n’est pas équitable lorsque cela est le cas, c’est rendre la justice dans son sens le plus noble qui soit. C’est aussi rendre une justice efficace, qui ne permet pas aux autorités de dépasser les limites des pouvoirs qui leur sont conférés dans l’intérêt des citoyens, et non à leur détriment.
Garantir le respect des droits de tout individu, susceptible d’être un jour confronté à l’action judiciaire, nécessite une telle démarche intellectuelle. Le respect scrupuleux de celle-ci constitue pourtant une tâche particulièrement complexe pour un magistrat lorsqu’il constate une cause d’irrecevabilité des poursuites. En effet, malgré la sensibilité des parties, il doit pouvoir refuser de se prononcer sur le fond du dossier, dans un sens comme dans l’autre, en se fondant sur un intérêt général. C’est bien là le fond du débat qu’a été amené à trancher la 49ème chambre du tribunal correctionnel dans l’affaire KB-Lux. Quelle que soit la position des uns et des autres sur cette question, et qu’il ait en définitive décidé de la recevabilité des poursuites ou non, cette réflexion-là est respectable.
Votre point de vue
Emanuele Le B Le 1er février 2010 à 13:16
Même si sur le fond il est en effet concevable d’aborder cette décision sous l’angle que vous proposez, je ne puis que m’interroger - en tant que citoyen lambda - sur les conséquences qu’elle aura.Car outre la fonction régulatrice de la vie en société que la justice revêt à mes yeux,je reste naïvement convaincu qu’elle pourrait jouer un rôle de catalyseur pour les générations futures...Car s’il est question dans votre analyse de hiérarchisation des valeurs, que penser dès lors du message qui sera EFFECTIVEMENT perçu par les citoyens(?).Bien que je ne sois pas naïf quant au sensationnalisme croissant dont sont friands les médias, force est de constater néanmoins que le ’JT’ reste le premier medium en terme d’écoute. A ce titre, vulgairement résumé, le prononcé dans cette affaire a fait/fera dire à bon nombre -à commencer par les enfants- qu’il est finalement peu préjudiciable de profiter oisivement de sommes colossales abritées du fisc. En d’autres termes, qu’il est chose aisée de vivre à l’abri du besoin, dans un système étatique particulièrement redistributeur, sans pour autant y contribuer dans une juste mesure. Et cela même lorsque les prévenus eux-mêmes sont en aveux.
Que penser dès lors du rôle de précurseur de la justice ?Une justice qui se voudrait réformatrice ou en tout cas initiatrice de changement plutôt qu’une justice ultra conservatrice de valeurs hierarchisées dont la société elle même à perdu le fil.A quand une justice moins technique,tournée vers l’avenir ?
Répondre à ce message
demeuse danielle Le 22 janvier 2010 à 17:38
on parle de justice.........on devrait aussi parler de toutes les erreurs judiciaires....
qui mettent souvent des detenus en danger
en depression
et qui detruise des familles
a t on droit a la parole dans ce cas
tres bel article que le votre
Répondre à ce message