Le jugement du 8 décembre 2009 n’enterre pas l’affaire dite KB-Lux ni le débat sur la loyauté des preuves. En effet, comme il fallait s’y attendre, le parquet a fait appel de cette décision, estimant que le tribunal n’a pas répondu à son argumentation écrite. Les juridictions d’instruction avaient d’ailleurs déjà statué dans un autre sens.
La Cour d’appel sera donc amenée à trancher cette question de la recherche loyale des preuves.
Il n’est cependant pas étonnant que, devant ce jugement mettant fin aux poursuites, les réactions des citoyens soient teintées d’incompréhension quand nous savons tous, ce que rappelle le tribunal, que la grande fraude fiscale est un frein considérable au fonctionnement de l’État, lequel assume le paiement des enseignants, des pompiers, l’entretien des routes et toute la sécurité à commencer par la sécurité sociale...
Nous convenons tous que la loyauté du parquet dans la recherche des infractions est essentielle mais nous convenons tout autant que la recherche des grandes fraudes ne peut se faire pour le parquet, en attendant patiemment dans son bureau, la dénonciation des fraudeurs eux-mêmes.
Cette loyauté est cependant appréciée différemment aujourd’hui de l’époque où les infractions sont nées à la KB-Lux.
Il y a une quinzaine d’années, les services de polices s’investissaient peu dans les enquêtes financières, pour lesquelles ils étaient d’ailleurs mal formés. Leur responsable politique, en l’occurrence le ministre de l’Intérieur, faisait d’autres choix en matière de sécurité. Les méthodes du travail policier n’étaient pas balisées comme actuellement par les règles des méthodes particulières de recherches qui autorisent, sous un contrôle strict des magistrats, l’infiltration, l’observation et même la commission par les enquêteurs de certaines infractions.
C’est donc un épilogue d’une histoire judiciaire dépassée à laquelle nous assistons, et ce d’autant qu’entre-temps, la Cour de cassation a admis qu’il était possible de jauger les fautes de procédure à la lumière d’un examen de la proportionnalité entre les irrégularités commises et la gravité des infractions, pour autant qu’il n’ait pas été porté atteinte à la fiabilité de la preuve déposée sur la table du tribunal. Et c’est bien cette question qui sera au cœur des débats devant la cour d’appel.
Par ailleurs, cette affaire conforte les travaux réalisés par la récente commission parlementaire sur la fraude fiscale qui devrait déboucher, si la volonté politique est avérée, sur d’autres changements pour une plus grande efficacité de la répression de cette fraude.
La fin ne justifie jamais les moyens mais, à force de refuser de compromettre les fins de l’action par des moyens « impurs », il y a un risque de ne sauver que la pureté de la doctrine dans l’indifférence des hommes et du monde. Et quand des moyens sont jugés inacceptables, la solution est-elle nécessairement de blanchir totalement les prévenus ? Dans un état de droit moderne, ne devrait-on pas réfléchir à d’autres formes de compensation qu’une réponse aussi radicale que celle donnée par le tribunal correctionnel de Bruxelles ?