Même si elle est exceptionnelle, la réquisition de travailleurs grévistes est envisagée comme mesure ultime par une loi du 19 août 1948 ‘sur les prestations d’intérêt public en temps de paix’.
L’objectif de cette loi n’est pas de garantir le fonctionnement normal de l’entreprise pendant la grève mais d’assurer les mesures qui doivent être prises pour « faire face à certains besoins vitaux ».
Pour éviter que cette loi ne serve à paralyser l’exercice du droit de grève, un rôle important est réservé aux partenaires sociaux.
Les partenaires sociaux sont tout d’abord associés à la définition (limitative) des « besoins vitaux » qui doivent être rencontrés et des tâches urgentes qui doivent être assurées en cas de grève.
C’est ainsi qu’en principe la loi ne s’applique que si les employeurs et les organisations syndicales du secteur d’activités dont relève l’entreprise se sont accordés sur les « mesures, prestations ou services à assurer » en cas de grève.
Il est toutefois prévu qu’en cas d’inertie ou de désaccords persistants entre les partenaires sociaux, ces mesures peuvent être fixées par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres.
Les partenaires sociaux sont aussi directement associés au choix, lorsque survient une grève, des travailleurs qui seront affectés aux tâches urgentes.
Si les partenaires sociaux (de l’entreprise ou du secteur) ne parviennent pas à s’entendre, c’est au Ministre de l’emploi ou à son délégué qu’il incombe de procéder à la réquisition des travailleurs nécessaires.
En l’espèce, les organisations syndicales estimaient que les tâches de maintenance et de surveillance du site pouvaient être assurées par les employés et les cadres qui n’étaient pas en grève et qu’il ne fallait donc pas désigner de personnel ouvrier supplémentaire.
Faute d’accord, la Ministre de l’emploi a été sollicitée par l’entreprise et a délégué ses pouvoirs au Gouverneur de la province du Hainaut qui, le 14 octobre, a établi et fait notifier des ordres de réquisition.
Plusieurs travailleurs concernés ont introduit, en extrême urgence, un recours au Conseil d’Etat.
Conformément aux lois coordonnées sur le Conseil d’Etat, un tel recours est subordonné à une double condition.
Il faut, tout d’abord, que la légalité de la décision puisse être sérieusement contestée. Il faut, en outre, démontrer que l’exécution de cette décision est susceptible de causer un préjudice grave difficilement réparable.
Dans la présente affaire, le Conseil d’Etat a constaté que l’ordre du Gouverneur n’était pas adéquatement motivé car il n’indiquait pas en quoi la présence de chacun des travailleurs concernés par la réquisition « était indispensable ». Le Conseil d’Etat a ainsi décidé qu’un des moyens qui lui étaient présentés était sérieux.
Sur le plan du risque de préjudice grave, le Conseil d’Etat a aussi donné raison aux travailleurs. Il a estimé que face à un ordre de réquisition manquant de justification, les travailleurs devaient être considérés comme subissant une restriction irrégulière à l’exercice du droit de grève.
Les ordres de réquisition ont donc été suspendus par un arrêt prononcé le 18 octobre 2011.
L’affaire a connu un épilogue positive puisque, le 21 octobre, on apprenait que tout était rentré dans l’ordre, que les négociations avaient repris, qu’un accord avait été trouvé à propos de la nouvelle convention collective et que la grève avait été levée…