Le droit de grève est essentiel dans toute société démocratique. Il est d’ailleurs garanti par plusieurs textes internationaux.
Toutefois, si celui-ci doit être préservé au maximum, il ne peut être absolu. Que deviendrait une population qui serait privée ne fût-ce qu’une journée de tout son personnel soignant, des forces de l’ordre, etc. ?
On comprend aisément que la règle en la matière doit être l’équilibre entre les droits des uns et des autres (droit de grève/droit à la santé par exemple).
Il devrait en être ainsi en prison, où les besoins vitaux des détenus sont assurés par les agents pénitentiaires. Une fois encore, l’état de droit montre ses limites lorsqu’il s’agit de passer les murs de nos établissements pénitentiaires.
Les grèves du personnel pénitentiaire ont des conséquences considérables sur les conditions de détention, déjà quotidiennement désastreuses, des personnes incarcérées.
Ainsi, les visites des familles sont empêchées, ou fortement perturbées. Les contacts téléphoniques sont sporadiques, les sorties journalières au préau sont supprimées, les douches sont inaccessibles, les seaux d’urine non vidés, les transferts vers les hôpitaux suspendus, les centres médicaux au sein des prisons inactifs, les repas distribués irrégulièrement, etc.
Les droits de la défense pâtissent également lourdement de cet état de fait : les visites des avocats sont sabotées (attente de plus de deux heures pour voir son client) ou interdites, les transferts au palais n’ont plus lieu. 40 % de la population carcérale est en détention préventive, ce qui signifie qu’une enquête est en cours et que ces personnes doivent être jugées. La paralysie des tribunaux et des auditions de police ne fait donc que retarder les procédures, et augmenter la surpopulation, souvent cause de la grève…
Lorsque les fonctionnaires de police remplacent les agents pénitentiaires, on peut connaître de graves dérapages, comme les incidents survenus en septembre et octobre 2009 à la prison de Forest, où des policiers ont torturé et frappé des détenus. Outre leur insuffisance numérique, leur totale méconnaissance du milieu carcéral peut entraîner des drames.
Il n’est pas rare que des décès surviennent en période de grèves : les suicides sont plus fréquents tant le climat est lourd et les contacts sociaux inexistants, les médicaments sont mal distribués, les appels à l’aide non entendus ou non écoutés…
Le Comité de prévention contre la torture et les traitements inhumains et dégradants du Conseil de l’Europe (CPT) a visité en 2005 la prison d’Andenne, alors en grève. Ses recommandations ont été très dures pour la Belgique. Après avoir constaté qu’un semblant de vie décente n’avait pu être assuré aux détenus, le CPT a estimé qu’il était impératif d’instaurer un service minimum en prison.
Quatre ans plus tard ce service minimum n’existe toujours pas, et laisse la Belgique, aux côtés de l’Albanie, seul pays du Conseil de l’Europe a être démuni de ce service minimum.
Votre point de vue
François Jourde Le 30 mai 2016 à 23:05
Bonjour Madame,
Merci pour votre billet très clair. Je me permets de vous signaler un billet rédigé par une élève du secondaire (dans le cadre d’un cours de philosophie) sur le même sujet. Peut-être voudriez-vous bien le consulter et, pourquoi pas, le commenter ? Ce serait une excellente stimulation intellectuelle pour les élèves blogueurs.
Merci à vous,
François Jourde
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