Les constats d’infraction par l’Inspection sociale et la preuve des infractions

par Charles-Éric Clesse - 30 mars 2018

Le dossier consacré à l’Inspection sociale contient déjà trois articles de Charles-Éric Clesse, auditeur du travail du Hainaut, chargé de cours à l’Université libre de Bruxelles : le premier la présente de manière générale ; le deuxième a porté sur les liens entre l’Inspection et l’auditorat du travail ; le troisième a évoqué quelques-uns des importants pouvoirs de l’Inspection.

En voici un quatrième, toujours du même auteur, qui explique comment sont opérés les constats de l’Inspection, ce qui est fort important pour le régime des preuves devant les juridictions qui pourraient être ensuite saisies.

1. Lors d’un contrôle, les services d’inspection ont pour objectif de vérifier si
la législation sociale est correctement respectée.

Pour ce faire, ils disposent de larges pouvoirs, présentés dans l’article précédent.

2. Les inspecteurs peuvent entendre toutes personnes qu’ils jugent utile dans le cadre de leur enquête. Cela peut être les travailleurs, des clients, des livreurs, des responsables de firmes extérieurs, etc. Ces auditions peuvent, selon la décision de l’inspecteur, se faire en présence ou non de l’employeur concerné par le contrôle.

Si l’employeur refuse de quitter le lieu de l’audition alors qu’on l’y invite, il s’expose à une sanction pénale de niveau 4 pour obstacle au contrôle (soit de 4.800 à 48.000 euros d’amendes, en ce compris les décimes additionnels, c’est-à-dire les mécanismes légaux qui périodiquement augmentent le niveau des amendes, et/ ou six mois à trois ans de prison).

3. Les droits de la personne entendue dépendent du statut dans lequel elle l’est.

Comme simple témoin (par exemple, un travailleur déclaré qui ne commet pas d’infraction), elle ne peut pas refuser de parler et ne peut pas prendre contact avec un avocat.

En revanche, si elle est suspectée d’une infraction (par exemple, un travailleur qui est chômeur et n’a pas biffé sa carte de chômage), elle peut prendre contact préalablement avec un avocat et bénéficie d’un droit au silence (sur le droit au silence, voir l’article d’Olivier Klees, « Du droit au silence à celui de mentir » ). Enfin, si elle est arrêtée pour audition, elle peut bénéficier de la présence d’un avocat au cours de son audition conformément à la loi dite « Salduz » (il est renvoyé sur ce point au mot-clé « Salduz » dans le moteur de recherchede Justice-en-ligne et plus spécialement à l’article de Jean-Claude Matgen, « La Chambre a adopté le projet de loi ‘Salduz’, ce 20 juillet 2011 » ).
En pratique, si la personne suspectée d’une infraction n’est pas arrêtée et souhaite les conseils d’un avocat, les services d’inspection la convoqueront ultérieurement pour audition, le temps qu’elle fasse les démarches utiles.

Son avocat ne peut pas assister à l’audition.

L’audition de l’employeur est importante. Elle lui permet de s’expliquer sur les manquements constatés et, éventuellement, justifier ceux-ci.

4. Les inspecteurs sociaux résument le plus fidèlement les termes de l’audition dans le procès-verbal d’audition. Si elle le souhaite, la personne entendue peut demander que son audition soit actée mot à mot.

À la fin de l’audition, l’inspecteur relit celle-ci ou la donne pour lecture à la personne entendue. Cette audition lui sera remise soit directement (s’il est possible d’en faire une photocopie sur place) soit envoyée par la poste si la personne entendue le demande.

C’est sur la base de leurs constats et des auditions que les inspecteurs du travail décideront si les règles sociales sont correctement respectées au sein de l’établissement qu’ils visitent.

5. Face à une infraction, les inspecteurs sociaux ne sont pas obligés de dresser procès-verbal (ils ne dressent un tel acte que dans environ 20 % des cas).

Ils peuvent donner un simple avertissement ou inviter l’employeur à régulariser la situation problématique dans un certain délai ou adresser un rapport pénal à l’auditorat du travail.

Ils sont libres de ces choix, sauf s’ils agissent dans le cadre d’un dossier judiciaire, auquel cas le ministère public peut leur imposer la voie à suivre.

6. S’il dresse procès-verbal, l’inspecteur doit le notifier dans les quatorze jours du constat d’infraction.
Le début du délai n’est pas la date du contrôle mais celle à laquelle l’inspecteur a recueilli toutes les informations utiles pour considérer qu’il existe une infraction. Dans des dossiers importants, ce délai peut donc commencer plusieurs semaines, voire plusieurs mois après le contrôle.

7. S’il est notifié dans le délai imparti, le procès-verbal a une force probante particulière, à savoir qu’il vaut jusqu’à preuve du contraire. Cela signifie qu’il appartient au contrevenant de rapporter la preuve contraire des éléments contenus dans le procès-verbal de constat d’infraction.

Rapporter la preuve contraire n’est pas facile car la plupart des infractions de droit pénal social sont dites « réglementaires ». Le simple irrespect de la loi suffit pour qu’il y ait sanction sans que se pose la question de la volonté du délinquant d’enfreindre la loi. C’est le même mécanisme qu’en matière de circulation routière : si vous brûlez un feu rouge, peu importe vos bonnes raisons, vous serez en principe condamné.

Cette force probante n’existe pas pour les rapports pénaux. Les éléments contenus dans ceux-ci doivent être prouvés par les inspecteurs et par le ministère public, qui se fonde dessus pour sanctionner ou pour poursuivre l’auteur des faits infractionnels.

8. Le procès-verbal est envoyé à l’employeur, à la personne qui a commis l’infraction, à l’auditorat du travail et au service des amendes administratives.
Vient alors la phase de la répression proprement dite, c’est-à-dire de la décision d’infliger ou non une sanction, qui peut être pénale ou administrative ; cela fait l’objet des deux prochains articles de ce dossier consacré à l’inspection sociale sur Justice-en-ligne.

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Charles-Éric Clesse


Auteur

Auditeur du travail du Hainaut, Chargé de cours à l’Université libre de Bruxelles

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