En réalité, la question ne porte pas sur la prescription de l’action publique, c’est-à-dire le délai dans lequel la personne soupçonnée d’avoir commis une infraction doit être définitivement jugée. Elle porte sur la prescription de la peine, c’est-à-dire le délai dans lequel les peines doivent êtres exécutées ; au delà du délai, elles ne peuvent plus être exécutées.
La loi classe les infractions en trois catégories (crimes, délits et contraventions), en fonction de l’importance de la peine (respectivement : peines criminelles, peines correctionnelles et peines de police). Ainsi, les peines les plus lourdes sanctionnent les infractions les plus graves, dénommées les crimes, les peines les plus douces sont prévues pour les infractions les plus légères, appelées les contraventions, et, entre les deux, il y a les délits. Par cette hiérarchisation des infractions et des peines, le législateur établit la gravité intrinsèque des infractions et, en quelque sorte, l’échelle des valeurs de la société.
De la même manière qu’il prend en considération la gravité intrinsèque des infractions pour les délais de prescription de l’action publique, le législateur tient compte de la lourdeur de la peine finalement infligée par le juge, pour « prédéterminer » les délais de prescription de la peine :
– peines criminelles infligées du chef de crimes de droit international humanitaire (article 91, ab initio, du Code pénal) : imprescriptibles ;
– autres peines criminelles (article 91 du Code pénal) : 20 ans ;
– peines correctionnelles dépassant trois ans d’emprisonnement (article 92, alinéa 2, du Code pénal) : 10 ans ;
– peines correctionnelles ne dépassant pas trois ans d’emprisonnement : article 92, alinéa 1er, du Code pénal) : 5 ans ;
– peines de police (article 93 du Code pénal) : 1 an.
Pour justifier le mécanisme de la prescription de la peine, deux arguments sont traditionnellement avancées : premièrement, « l’inutilité de faire subir une peine à une époque où l’infraction qui en a motivé l’application est tombé dans l’oubli » ; deuxièmement, « l’inopportunité d’appliquer une sanction à un individu qui s’est imposé, pendant de longues années, des souffrances, des privations et souvent l’exil pour échapper aux poursuites et qui a indirectement donné la preuve de son amendement en ne provoquant plus pendant longtemps l’intervention de la justice de son pays ». C’est ainsi que s’exprime un spécialiste de ces questions, le professeur Jean Constant dans son Précis de droit pénal (Liège, Ed. Province de Liège, 1975, p. 693, n° 732).
Pour les peines criminelles, le délai de 20 ans commence à courir à compter du prononcé de la décision. Pour les autres peines, les délais se prescrivent à compter de la date de l’arrêt ou du jugement rendu en dernier ressort, ou à compter du jour où le jugement rendu en première instance ne pourra plus être attaqué par la voie de l’appel (articles 91 à 93 du Code pénal). Toutefois, si le condamné subissant sa peine s’évade, la prescription débute le jour de l’évasion et le temps pendant lequel le condamné a subi sa peine au-delà de cinq ans, si c’est une peine criminelle temporaire, ou au-delà de deux ans, si c’est une peine correctionnelle, est imputé sur la durée de la prescription (article 95 du Code pénal).
Il existe des causes d’interruption (arrestation du condamné, exécution de la peine) et de suspension (délai d’épreuve en cas de sursis à l’exécution de la peine, libération conditionnelle, surveillance électronique, etc.) du délai de prescription de la peine.
La prescription de la peine laisse subsister la condamnation, qui reste donc inscrite au casier judiciaire et continue à produire des effets (récidive, suspension, sursis, etc.).
Votre point de vue
Michel Le 18 novembre 2020 à 11:01
Que signifie la prescription d’une peine en matiere de condanation pour ivresse au volant d’une voiture ?
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Philippe Le 13 mai 2011 à 13:25
inopportunité d’appliquer une sanction à un individu qui s’est imposé, pendant de longues années, des souffrances, des privations et souvent l’exil pour échapper aux poursuites.
J’aime cette phrase...incroyable. Et la victime ? ne souffre t-elle pas ? Sa vie est parfois complètement changée.
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chris Le 11 mars 2011 à 08:42
Clair et limpide, comme tous les articles de Monsieur Raneri ! Merci encore pour ce site qui est une véritable mine d’or d’informations à la portée de (presque) tous !
J’en profite d’ailleurs pour saluer tous les rédacteurs de cette revue en ligne, et en particulier les pénalistes dont je lis quotidiennement les articles, Messieurs Vandermeersch, Masset, Kennes, Kuty, de Beco, Holzapfel et tous les autres, un grand merci d’éclairer notre lanterne quand le droit pénal se fait obscur !
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