Les procédures de réparation collective : où en sont les projets belges et européens ?

par Éric Balate - 26 mars 2012

Après l’article d’Amanda Dezallai présentant les actions collectives (ou class actions) à l’américaine, Eric Balate, avocat aux barreaux de Bruxelles et de Mons, chargé de cours à l’Université de Mons, spécialisé en droit de la consommation, évoque ci-après les avantages que procurerait pour le grand public l’introduction dans notre arsenal juridique d’une procédure de ce type. Il évoque aussi les projets envisagés aux niveaux belge et européen, malheureusement au point mort actuellement.

L’idée revient régulièrement. Elle est tantôt soutenue par des initiatives nationales, tantôt par des initiatives européennes.
Le principe en est simple : l’existence de préjudice de masse impose de s’affranchir d’une justice individuelle, où chaque personne préjudiciée réclame son préjudice, au profit d’une justice à caractère collectif.

Ainsi, lorsque des préjudices individuels, ayant une origine, commune sont subis par un grand nombre de personnes physiques ou morales, il y a matière à action de groupe ou action de réparation collective.

L’idée de départ est très généreuse. Elle procède d’une vision économique simple tendant à vouloir réduire les coûts d’accès à la justice et, finalement, a pour ambition d’assurer, dans un domaine particulier, l’une des vertus principielles de l’Etat contemporain, à savoir l’égalité de traitement.
Il est surprenant de constater qu’une idée aussi simple rencontre encore aujourd’hui des résistances majeures pour être mise en œuvre. La situation de près de 50.000 foyers privés d’électricité dans le Tournaisis ce lundi 5 mars 2012 témoigne de la nécessité de remèdes collectifs : une cause unique et des dommages forts similaires doivent être traités par une seule et unique instance.

En 2007, le Centre d’études pour le Droit de la consommation de l’Université de Leuven terminait une étude qui lui avait été demandée par la Commission européenne afin de comparer la situation du droit des différents Etats membres. La disparité existant entre les différents systèmes et le caractère encore atrophié de ces procédures dans certains d’entre eux justifiaient sans doute une approche uniforme par le droit européen.
Nous sommes en 2012 et nous attendons.

Dans une communication toujours d’actualité, le Bureau européen de l’Union des consommateurs (BEUC) rappelait que nonobstant l’existence dans certains Etats d’un système semblable, les traditions européennes en matière de règles de procédure faisaient, dans nombreux cas encore, opposition au développement de semblables procédures.

Or, il paraissait incontestable qu’aujourd’hui, une économie liée à la consommation de 493.000.000 de citoyens européens imposait sans doute de revoir les mécanismes d’accès à la justice de manière fondamentale.
Bien plus, les recours collectifs s’avéraient nécessaires dès lors que la production et la consommation de masse augmentaient de manière constante.

Les grandes entreprises savent quelles sont les conséquences de cette carence.
Elles ne manquent pas de souligner les risques qui sont liés à de telles actions.

La crainte répétée à l’envi de voir les entreprises être menacées, quant à leur existence même, par de telles actions est réitérée. Bien plus, la comparaison avec le modèle américain est souvent utilisée à tort.
En effet, nous ne connaissons pas en Europe un mécanisme semblable venant augmenter de manière exponentielle les dommages et intérêts.
Il faut donc garder raison.

La précédent Gouvernement belge avait mis sur la table un avant-projet de loi relatif aux aspects judiciaires des procédures de réparation collectives.

Plus fondamentalement, il avait également établi une loi relative aux procédures de réparation collectives.

L’idée en était simple : elle tendait à permettre la dérogation aux articles 17 et 18 du Code judiciaire et d’ainsi organiser une procédure de réparation collective lorsqu’elle a pour objet la réparation d’un préjudice de masse, tel que définit par la loi, et lorsque la demande est introduite par un représentant qui réunit certaines conditions prévues par la loi, à savoir être une association de fait ou de droit ou une société à finalité sociale dont le but ou l’objet social ou statutaire est en rapport avec la réparation d’un ou de plusieurs préjudices de masse.

Dans un tel cas, le système se mettait assez aisément en route.
Il pouvait être complété par l’homologation d’un accord de réparation collective mais, surtout, limitait l’acte introductif d’instance à la description du préjudice de masse et à une description du groupe pour lequel le représentant tend à agir, avec l’indication du nombre approximatif de membres du groupe.

Le groupe est l’ensemble de personnes physiques et morales lésées par le préjudice de masse et représentées dans la procédure.
Si aucune solution n’aboutissait, il convenait alors d’organiser une phase d’autorisation.

A cet égard, il faut souligner le souci, dans ces systèmes, de créer des mécanismes qui permettent tantôt d’inclure, tantôt d’exclure les membres. Ainsi, toute personne a alors la possibilité de manifester sa volonté de faire partie du groupe s’il s’agit d’un système d’option ou d’inclusion ou de ne pas faire partie du groupe dans un système d’option d’exclusion, pour reprendre les termes de l’avant-projet de loi relative aux procédures de réparation collective.

Dans ce même avant-projet, la décision qui faisait droit à l’action en réparation collective définissait les modalités et le contenu de la réparation. Ainsi, le représentant du groupe était chargé de répartir l’indemnité entre tous les membres du groupe.

La conséquence de cette procédure était liée au caractère spécifique de la décision qu’il y ait tous les membres du groupe.

Toutefois, une publicité était organisée et des voies de recours spécifiques étaient précisées.

De manière exceptionnelle, il était prévu que, comme dans de nombreux systèmes juridiques, si le montant dû à chaque membre entraînait des frais de répartition trop élevés, il était possible de prévoir que les sommes resteraient affectées à une finalité déterminée par un acte règlementaire ultérieur.

Comme on le voit, le projet avait réussi à simplifier, de manière remarquable, les nouvelles contraintes propres à cette ambitieuse réforme.
Sur le plan européen, il faut rappeler que les juristes spécialisés ne manquent pas pour démontrer que le Conseil des ministres (appelé à présent le « Conseil ») et le Parlement ont une compétence leur permettant d’agir en cette matière.

Alors, au moment où, de manière récurrente, certaines situations économiques font apparaître ces préjudices de masse, n’est-il pas opportun et urgent que nos gouvernements et que les instances européennes entament ce travail ou le poursuivent ?

Les situations récentes ont montré les limites de la réparation individuelle.
Néanmoins, il faut regretter que dans ce domaine, de manière constante, le lobbying de l’industrie fait front pour s’opposer à toute initiative.

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