Opération « calice » : la chambre des mises en accusation confirme qu’une perquisition n’est pas une partie de pêche

par Amandine Philippart de Foy - 8 décembre 2011

Cela fait bientôt un an qu’Amandine Philippart de Foy, aujourd’hui avocate au barreau de Bruxelles, écrivait pour Justice-en-ligne un précédent article au sujet de l’opération dite « calice », à savoir les perquisitions menées dans le cadre des affaires de pédophilie qui ont secoué récemment l’Eglise belge (cliquez ici).

Après plusieurs arrêts de la Cour de cassation, la chambre des mises en accusation de Bruxelles vient, le 29 novembre 2011 , de déclarer certaines de ces perquisitions illégales.

Amandine Philippart de Foy nous réexplique tout cela, en nous rappelant, pour commencer, le calendrier des rebondissements qu’a connus cette affaire.

Souvenez-vous : dans le cadre de l’enquête sur les abus sexuels commis au sein de l’Eglise, le juge d’instruction chargé de l’enquête, Wim De Troy, avait ordonné des perquisitions dans au palais archiépiscopal de Malines, au domicile du Cardinal Danneels, à la cathédrale Saint-Rombaud à Malines, aux Archives du Royaume et à la Commission Adriaenssens (chargée du traitement, au sein de l’Eglise, des plaintes pour abus sexuels dans une relation pastorale). De nombreux documents et du matériel informatiques avaient été saisis (dont, notamment, 475 dossiers saisis à la Commission Adriaenssens). Ces perquisitions et saisies avaient suscité de vives controverses. A maintes reprises, la justice a dû se pencher sur la régularité de ces opérations.

L’enjeu est important puisque de la régularité des perquisitions dépend celle des saisies y afférentes. Si les perquisitions sont régulières, tout ce qui a été saisi reste entre les mains de la justice et peut alimenter l’enquête. Au contraire, l’irrégularité des perquisitions entraînerait celle des saisies. Par conséquent, tout ce qui a été saisi devrait être restitué à son propriétaire, sans qu’il puisse en être tenu compte dans l’enquête judiciaire.

Les 13 août et 29 septembre 2010, la chambre des mises en accusation de Bruxelles déclare illégales les perquisitions effectuées à la Commission Adriaenssens, à la cathédrale Saint-Rombaud, au palais archiépiscopal et chez le Cardinal Danneels.

Le 12 octobre 2010, ces deux décisions sont cassées par la Cour de cassation pour vice de procédure (les parties civiles n’avaient pas été entendues).

Le 22 décembre 2010, la chambre des mises en accusation de Bruxelles autrement composée déclare les perquisitions régulières, à l’exception de celles réalisées à la Commission Adriaenssens.

Le 5 avril 2011, la Cour de cassation casse l’arrêt de la chambre des mises en accusation en ce qu’il est entaché d’un vice de procédure : la chambre des mises en accusation n’a pas vérifié si le juge d’instruction disposait d’indices sérieux qui lui avaient permis de penser que les lieux perquisitionnés abritaient des objets ou documents utiles à la manifestation de la vérité des faits dont il était saisi. La Cour a constaté l’existence de tels indices en ce qui concerne les perquisitions réalisées dans la cathédrale Saint-Rombaud et aux Archives du Royaume.

Le 29 novembre dernier, la chambre des mises en accusation de Bruxelles différemment composée s’est, pour la troisième fois, prononcée sur la régularité des perquisitions réalisées au domicile du Cardinal Danneels et au palais archiépiscopal. En effet, les perquisitions à la cathédrale Saint-Rombaud et aux Archives du Royaume ont été déclarées légales par l’arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2011 et celles qui ont donné lieu aux saisies à la Commission Adriaenssens ont été définitivement déclarées irrégulières par la chambre des mises en accusation, le 22 décembre 2010.
Les thèses défendues devant la chambre des mises en accusation étaient les suivantes.

La défense du Cardinal soutenait que les perquisitions avaient été ordonnées sur la base de déclarations de l’ancienne présidente de la Commission des abus sexuels (Madame G. Halsberghe). Celle-ci avait affirmé que des documents compromettants avaient été cachés dans la cathédrale Saint-Rombaud. Ces déclarations ne pouvaient dès lors en rien justifier que des perquisitions soient menées au domicile du Cardinal Danneels ou dans d’autres locaux de l’Archevêché.

Le parquet fédéral (en charge de l’instruction de cette affaire depuis le mois de mars 2011) demandait, quant à lui, de déclarer les perquisitions légales.
La chambre des mises en accusation a tranché en faveur de la première thèse : les perquisitions réalisées au domicile du Cardinal Danneels et dans les locaux de l’Archevêché étaient illégales et, partant, tout ce qui y a été saisi doit être rendu à ses propriétaires.

Cette décision a le mérite de rappeler qu’en droit, la fin ne justifie pas les moyens et que, quelle que soit la gravité des faits que l’on tente d’éclaircir, les enquêtes judiciaires doivent toujours être légalement alimentées. La situation des parties civiles s’en trouve indubitablement affectée puisque désormais l’enquête ne peut se nourrir que des documents saisis à la cathédrale Saint-Rombaud à Malines et aux Archives de l’Etat.

L’affaire risque encore de rebondir puisque Mes C. Mussche et W. Van Steenbrugge (avocats de plusieurs victimes) envisageraient de se pourvoir en cassation contre ce dernier arrêt de la chambre des mises en accusation.

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Amandine Philippart de Foy


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Avocate au barreau de Bruxelles

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