1. Récemment, sur le site Questions-Justice, un internaute a posé la question de savoir quels peuvent être les effets sur le placement d’un mineur en institution publique de protection de la jeunesse (IPPJ) de son attitude correcte et de sa prise de conscience des actes qui l’ont conduit à être soumis à cette mesure.
2. Cette question est l’occasion d’aborder la thématique de l’évaluation des mesures prises à l’égard des mineurs délinquants mais aussi, de manière plus générale, la façon dont le régime de protection de la jeunesse se distingue du droit pénal des adultes.
3. À l’origine, le Code pénal belge de 1867 prévoyait un traitement assez similaire entre les majeurs et les mineurs, pour autant que ces derniers aient agi avec discernement.
Concrètement, tout comme les majeurs, les mineurs étaient passibles de peines. La majorité pénale était, à cette époque, fixée à seize ans. La loi du 15 mai 1912 ‘relative à la protection de l’enfance’ et, plus tard, celle du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, ont toutefois choisi de s’écarter de cette logique d’assimilation en dépénalisant la justice des mineurs.
4. Concrètement, avec ces différentes lois, le législateur décide de soustraire le mineur au droit pénal en adoptant un modèle de justice spécifique appelé « protectionnel » avec l’objectif d’apporter une réponse plus appropriée à la délinquance juvénile.
La loi du 15 mai 1912 évacue la question de l’existence d’un discernement chez le mineur et considère son passage à l’acte comme le symptôme d’un trouble moral, le résultat de difficultés au sein du milieu social et constituant surtout un risque pour l’ordre social.
La prise en compte de ces considérations conduit à la création d’un traitement spécifique pour les mineurs. Désormais, le jeune délinquant aura affaire à un juge tutélaire spécialisé. Ce juge ne lui imposera plus une peine mais une mesure de garde, de préservation et d’éducation. La mesure ainsi prise par le juge des enfants devra être ajustée à la situation du mineur et non pas à la gravité de l’acte commis.
Exit donc l’idée d’infliger une peine aux mineurs délinquants puisque le mineur est considéré de façon irréfragable comme irresponsable pénalement. Il convient de noter que l’âge actuel de la majorité pénale, fixé à dix-huit ans, était auparavant établi à seize ans jusqu’en 1965.
6. Depuis 1965, une série d’autres textes légaux ont été adoptés concernant la délinquance juvénile et cette matière a été communautarisée à la suite de la sixième réforme de l’État en 2012.
Le décret du 18 janvier 2018 ‘portant le Code de la prévention, de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse est le texte qui régit actuellement la question de la délinquance juvénile en Communauté française.
7. Face à un mineur délinquant, le tribunal de la jeunesse dispose d’une palette d’offres et de mesures qu’il peut ordonner. En Communauté française, le juge peut, à titre d’exemple, proposer au jeune une offre restauratrice, lui imposer d’effectuer une prestation d’intérêt général, le soumettre à un accompagnement, le placer en institution publique de protection de la jeunesse (IPPJ), etc.
Le Code de la prévention, de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse rappelle que le placement en IPPJ doit être envisagé de façon subsidiaire et que d’autres mesures doivent être privilégiées.
Dans le cas où un placement en IPPJ est toutefois jugé nécessaire, le tribunal est tenu d’en définir la durée. Cette mesure de placement peut éventuellement faire l’objet d’une révision ou d’un renouvellement.
Il résulte de ce qui précède que la durée du séjour en IPPJ peut éventuellement être modifiée en fonction de l’attitude de l’intéressé pendant la durée de son placement.
Votre point de vue
Jacques Fierens Le 30 mai à 11:09
Merci, Mme Gambi-Arnold, pour cette synthèse très claire. Il convient quand même d’ajouter que depuis 1965, (et quelle que soit la Communauté depuis que la matière a été "communautarisée" par la 6e réforme de l’Etat), le juge de la jeunesse peut "se dessaisir" s’il estime inadéquate une mesure de protection. Dans ce cas, le dossier est renvoyé au ministère public qui saisit presqu’automatiquement une "chambre spécifique" appliquant le droit pénal des adultes, ou provoque l’accusation devant une cour d’assises. Il en résulte que des enfants, pour des faits commis entre 16 et 18 ans, se voient condamnés parfois à des dizaines d’années de prison, ce qui a pour première conséquence d’accroître le risque de récidive le jour où ils sont libérés. Depuis une trentaine d’année, le Comité des droits de l’enfant répète que cette possibilité de dessaisissement viole l’article 40 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. L’éternelle illusion de l’efficacité de la prison, entretenue de façon démagogique, empêche les législateurs de respecter la norme internationale.
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