1. Il est 20 heures, vous circulez tranquillement à pied sur une artère bruxelloise quand vous tombez nez à nez avec un voleur à l’œuvre : muni d’un brise-vitre, il vient de fracturer la fenêtre latérale d’une voiture et se glisse dans l’habitacle pour en dérober le contenu.
Pouvez-vous intervenir ? Si oui, dans quelles conditions ?
2. Ce cas de figure relève de la notion d’« arrestation judiciaire », réglée par les articles 1er et 2 de la loi du 20 juillet 1990 ‘relative à la détention préventive’.
L’arrestation judiciaire vise la recherche, la poursuite et la répression des infractions. Il ne fait pas la confondre avec l’« arrestation administrative », qui vise le maintien de l’ordre, de la sécurité et de la tranquillité publique.
Il ne sera question ci-dessous que de l’arrestation judiciaire.
3. En principe, la privation de liberté judiciaire d’une personne n’est possible que sur ordre du procureur du Roi (ou de l’un de ses substituts) ou du juge d’instruction et à condition qu’il existe, à l’encontre de cette personne, des indices sérieux de culpabilité relatifs à un crime ou un délit (article 2 de la loi sur la détention préventive).
Les services de police peuvent également, à certaines conditions, priver une personne de sa liberté dans le cadre d’une arrestation judiciaire ; ils doivent immédiatement en avertir un magistrat du ministère public, lequel est seul habilité à prolonger, s’il y a lieu, l’arrestation dans le respect de la loi (ce pouvoir est lui-même limité puisqu’au-delà de 48 heures, seul un juge d’instruction peut priver préventivement une personne de sa liberté en lui délivrant un mandat d’arrêt).4. Ce qui vient d’être énoncé, s’agissant des pouvoirs réservés aux magistrats et, le cas échéant, à la police, connaît toutefois une exception : en cas de flagrant délit ou flagrant crime, toute personne peut retenir l’auteur du délit ou du crime pour l’empêcher de prendre la fuite (art. 1er de la loi sur la détention préventive).
Dès lors, le particulier confronté à un voleur à l’œuvre peut intervenir pour l’empêcher de prendre la fuite en attendant que les services de police le prennent en charge.
5. Une telle intervention est soumise à plusieurs conditions :
a) Le particulier qui intervient en cas de flagrance doit être confronté à un crime ou un délit .
Il ne peut intervenir pour maintenir sur place une personne qui commet une contravention, c’est-à-dire une infraction de moindre importance . Ainsi par exemple, il n’est pas permis de maintenir sur place un piéton qui aurait traversé une rue alors que le feu de signalisation destiné aux piétons était en phase rouge.
b) Il faut qu’il s’agisse d’un flagrant délit ou d’un flagrant crime.
L’article 41 du Code d’instruction criminelle définit le flagrant délit comme un « délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre ». Cette définition s’applique également au flagrant crime.
Ni la loi ni la Constitution ne définissent explicitement ce qu’il faut entendre par délit ou crime « qui vient de se commettre ».
Le juge qui devra statuer sur la validité de l’arrestation intervenue en cas de flagrant délit ou flagrant crime appréciera cette notion au cas par cas, en fonction des éléments concrets qui lui seront soumis.
À titre d’exemple, il n’est pas permis à un particulier de maintenir sur place une personne qu’il reconnaît comme étant un voleur qu’il a vu à l’œuvre une semaine plus tôt, le délit n’étant plus « flagrant ».
c) Le particulier qui maintient une personne sur place pour l’empêcher de fuir doit de surcroît dénoncer les faits immédiatement à un agent de la force publique (article 1er, 3°, de la loi sur la détention préventive).
Il faut donc qu’il appelle ou fasse appeler immédiatement – et cette notion est entendue de manière stricte –, les services de police pour que ceux-ci viennent prendre en charge l’auteur du crime ou du délit.
Il n’est donc pas question, par exemple, de séquestrer le voleur pris en flagrant délit puis d’aller tranquillement au commissariat de police pour dénoncer les faits.
d) Enfin, il est bien question de « retenir » l’auteur de l’infraction, pas de le rouer de coups.
Un certain usage de la force peut être mis en œuvre (par exemple en tenant l’auteur par le bras) mais celui-ci doit être strictement nécessaire (il n’est pas permis de « ceinturer » l’auteur de l’infraction si celui-ci n’oppose aucune résistance et accepte d’attendre les services de police).
Si le ministère public venait à considérer que le particulier qui est intervenu a fait un usage disproportionné de la force, des poursuites pourraient être engagées à son encontre du chef de coups et blessures.
6. Le particulier qui sera intervenu en respectant ces quatre conditions aura valablement privé de liberté l’auteur d’un flagrant délit ou crime, qui pourra, le cas échéant, être placé sous mandat d’arrêt dans les 48 heures de l’intervention.
Votre point de vue
skoby Le 23 février 2020 à 12:33
Tout cela me semble très normal. Pas d’autres remarques
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