En quoi consiste la libération conditionnelle ?
1. En Belgique, la libération conditionnelle est régie par la loi du 17 mai 2006 ‘relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine’.
Cette mesure est un mode d’exécution d’une peine privative de liberté par lequel le tribunal de l’application des peines (TAP) accorde à un condamné de subir sa peine en dehors de la prison moyennant le respect des conditions durant un délai déterminé.
2. Concrètement, lorsque le condamné à une peine de prison de plus de trois ans se trouve dans les conditions de temps prévues par la loi, il peut faire la demande d’une libération conditionnelle au greffe de la prison où il est incarcéré.
Le directeur de prison et le ministère public devront ensuite rédiger un avis sur cette demande. Après la réception de ceux-ci, et en vue de prendre une décision, le tribunal de l’application des peines compétent fixe une audience au cours de laquelle il entend le condamné et son avocat, le ministère public et le directeur de prison. La victime peut également être entendue sur des conditions particulières à poser dans son intérêt.
3. Si le tribunal octroie la libération conditionnelle, il précise dans le jugement les conditions générales et particulières auxquelles le condamné sera soumis.
Les conditions doivent permettre la réalisation du plan de réinsertion sociale du condamné mais doivent également pouvoir répondre aux contre-indications légales (l’absence de perspective de réinsertion sociale, le risque de perpétration de nouvelles infractions graves, le risque que le condamné importune les victimes, l’attitude du condamné à l’égard des victimes et les efforts consentis par le condamné pour indemniser la partie civile, compte tenu de la situation patrimoniale du condamné telle qu’elle a évolué par son fait depuis la perpétration des faits pour lesquels il a été condamné).
Le rôle des Maisons de Justice dans la libération conditionnelle
4. En libération conditionnelle, les maisons de justice interviennent à plusieurs stades de la procédure.
Le rôle des Maisons de Justice avant la décision du tribunal de l’application des peines par le biais d’enquêtes sociales externes : l’enquête sociale
5. Pour rédiger son avis, le directeur de prison analyse la situation personnelle du condamné. Pour ce faire, il se base sur différents documents tels que le rapport du service psychosocial de la prison, le plan de réinsertion du condamné et l’enquête sociale.
Afin de bénéficier d’une l’enquête sociale, il mandate les Maisons de Justice où un assistant de justice sera désigné pour rencontrer, lors d’une visite à domicile, le milieu d’accueil proposé par le condamné.
Au cours de cet entretien, l’assistant de justice va recueillir toutes les informations nécessaires pour éclairer au mieux le directeur de prison sur la composition du milieu d’accueil, les relations entretenues avec le condamné et la qualité de celles-ci, le parcours de vie du condamné, sa vision du parcours délinquants, la connaissance des faits et l’attitude du condamné par rapport à ceux-ci, la façon dont le milieu d’accueil les comprend, la prise en compte des victimes et de leur indemnisation, etc.
L’enquête sociale exprime également les possibilités d’accueil et l’engagement du milieu d’accueil à l’égard du condamné ainsi que les attentes et les propositions qui pourraient être définies dans le cadre de la libération conditionnelle.
Les informations sont transmises via un rapport d’enquête sociale dont le condamné pourra prendre connaissance auprès du service psycho-social de la prison.
Le rôle des Maisons de Justice après la décision du tribunal de l’application des peines : la guidance sociale
6. Lorsqu’une libération conditionnelle est octroyée à un justiciable, le tribunal de l’application des peines mandate la Maison de Justice compétente afin qu’un assistant de justice soit désigné pour assurer l’accompagnement de celui-ci.
Dans ce cadre, la mission de l’assistant de justice est d’assurer une guidance à l’égard du justiciable dans le but d’éviter la récidive, de limiter les dommages provoqués par l’intervention du système pénal et de travailler dans l’optique d’une justice réparatrice.
Cet accompagnement judiciaire s’effectue dans le cadre d’une approche émancipatrice poursuivant le développement des compétences du justiciable pour qu’il soit de plus en plus à même de prendre position de manière autonome et responsable non seulement dans le cadre de l’intervention judiciaire et du respect des conditions imposées, mais également après l’intervention judiciaire.
7. L’assistant de justice travaille au départ de la situation du justiciable et des conditions imposées par le tribunal de l’application des peines à ce dernier. Un libéré conditionnel a plusieurs types de conditions à respecter :
– les conditions générales que la loi prévoit, c’est-à-dire ne pas commettre d’infractions, avoir une adresse fixe et, en cas de changement, communiquer sans délai l’adresse de sa nouvelle résidence au ministère public et à l’assistant de justice, et donner suite aux convocations de l’assistant de justice et du ministère public ;
– les conditions particulières individualisées, telles que rechercher un emploi ou une formation, entamer ou poursuivre un suivi psychologique ou social, collaborer loyalement à la guidance, donner suite aux convocations de la police, fournir la preuve des revenus, entamer une médiation de dettes, indemniser les parties civiles, etc. (cette liste est non-exhaustive) ;
– les interdictions telles que l’interdiction de fréquenter les détenus et anciens détenus, l’interdiction de fréquenter les débits de boissons, les milieux toxicophiles ou certaines communes, l’interdiction de consommer de l’alcool et des produits stupéfiants, l’interdiction de détenir une arme, l’interdiction de conduire sans être titulaire des documents nécessaires, etc. (cette liste est non-exhaustive).
8. Sur cette base, le travail de l’assistant de justice est double : il aide le justiciable à respecter ses conditions et il en vérifier le respect.
Au travers d’entretiens réguliers et de visites à domicile qu’il effectue avec le libéré conditionnel (et son milieu d’accueil), l’assistant de justice tente d’approcher au plus près la réalité de vie du justiciable afin de pouvoir d’une part, lui apporter toutes les informations nécessaires à la mise en place des conditions et d’autre part, lui apporter le soutien nécessaire dans l’accomplissement des différentes démarches à effectuer en ce sens.
Par ailleurs, l’assistant de justice va mettre en place toute une série de moyens pour vérifier le respect de ces conditions notamment par la remise d’attestations de manière régulière, par des contacts avec les professionnels intervenant dans la situation, par des contacts avec la police (notamment par rapport au respect des interdictions), etc.
9. Toutes ces démarches permettent à l’assistant de justice de recueillir des informations pertinentes en lien avec le mandat qu’il a reçu du tribunal de l’application des peines afin de pouvoir les analyser et les transmettre à l’autorité mandante.
Tout au long de la guidance, l’assistant de justice envoie, au minimum tous les six mois, des rapports sur le déroulement de la libération conditionnelle au tribunal de l’application des peines avec copie au ministère public.
10. Si, au cours de la guidance, le ministère public estime qu’un non-respect de conditions s’est produit, il peut saisir le tribunal de l’application des peines.
Celui-ci devra alors statuer sur la situation et prendre les décisions ou sanctions utiles : suspension, révision ou révocation de la mesure. En cas de révocation, le justiciable est réincarcéré.
La fin de la libération conditionnelle
11. Si, au cours de son délai d’épreuve, aucune révocation n’est intervenue, le justiciable est définitivement remis en liberté.
Témoignages d’assistants de Justice
12. L’expérience concrète d’assistants de Justice en matière de libération conditionnelle est relatée dans deux articles à consulter sur Questions-Justice : « Quelle aide pour un ex-détenu en libération conditionnelle ? » et « Quel contrôle pour la libération conditionnelle ? » . Il y est renvoyé.
Votre point de vue
Justice-en-ligne Le 14 décembre 2021 à 20:02
Il faut d’emblée préciser que cela concerne la probation et les peines de substitution au sens large : la libération conditionnelle en fait partie.
Le principe est le suivant : si une personne est condamnée en Belgique mais vit à l’étranger ou souhaite aller vivre à l’étranger, elle peut demander que sa peine soit exécutée dans cet autre pays lorsque certaines conditions sont remplies. L’objectif est de favoriser la réinsertion sociale de la personne.
L’État belge peut en prendre lui-même l’initiative, si la personne condamnée est déjà repartie dans son pays par exemple. En application de la décision-cadre, la loi belge précise la procédure à suivre pour demander à l’État étranger concerné la reconnaissance du jugement ou de la décision d’octroi d’une libération conditionnelle. Et, si cet État reconnait cette décision, l’exécution de la peine ou de la libération se fait dans cet État.
Il faut ajouter que la réciproque est vraie également : quelqu’un qui est condamné à l’étranger mais vit en Belgique ou souhaite venir vivre en Belgique, peut demander la reconnaissance du jugement étranger par l’État belge et, en cas de reconnaissance, il vient exécuter sa peine en Belgique .
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Justice-en-ligne Le 14 décembre 2021 à 20:01
Une internaute visiteuse de Justice-en-ligne nous a posé la question suivante après avoir pris connaissance de l’article de Delphine Gorissen : « Une libération conditionnelle peut-elle être exécutée hors de Belgique ? ».
L’auteure nous a fourni les éléments suivants :
« La réponse est oui. C’est la décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil de l’Union européenne du 27 novembre 2008 ‘concernant l’application du principe de reconnaissance aux jugements et aux décisions de probation aux fins de surveillance des mesures de probation et des peines de substitution’ qui crée cette possibilité entre les États de l’Union.
Pour pouvoir appliquer cette décision-cadre, l’État qui a prononcé la décision judiciaire (appelé État d’émission ) et celui à qui il est demandé d’exécuter la décision (appelé État d’exécution) doivent l’avoir transposé dans leur droit interne. En droit belge, il s’agit de la loi du 21 mai 2013 ‘relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution prononcées dans un État membre de l’Union européenne’.
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skoby Le 2 mars 2020 à 11:44
Tous les principes énumérés ci-plus haut me semble tout-à-fait valables et justifiés.
Par contre l’application n’en reste pas moins difficile :
Ne va-t-il pas retomber dans la criminalité immédiatement ?
Quelles sont ses ressources pour vivre décemment ?
L’assistant de justice a-t-il réellement le temps de faire soigneusement son job,
car comme la Justice est très nettement surchargée, il faut voir si ce n’est pas aussi
le cas des assistants judiciaires. Il faut assister et surveiller ! Ce n’est pas évident
s’il s’agit de plusieurs libérés conditionnels en même temps !
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