Les risques de l’existence et le besoin de sécurité
1. Voici ce qu’écrivait Marcel Fontaine, un des plus éminents spécialistes du droit des assurances :
« L’existence humaine est pleine de risques. La personne de chacune est à la merci d’événements imprévus : maladies, accidents corporels, entraînant de manière inopinée des invalidités, des incapacités de travail, des décès, des préjudices matériaux et moraux qui en résultent pour la victime et ses proches.
D’autres événements inattendus frappent l’homme dans ses biens : incendies, vols, accidents provoquant des dégâts matériels et des pertes de revenus » (Marcel Fontaine, Droit des assurances, Bruxelles, Larcier, 1996, p. 7, n° 1).
Chacun d’entre nous peut être confronté, à un moment ou à un autre, à un litige dans lequel il entend faire valoir ses droits. Il peut s’agir d’une contestation de responsabilité lors d’un accident de la circulation, d’un conflit entre bailleur et locataire, d’un litige entre voisins, etc.
Aussi, souscrire une assurance, c’est pallier les soucis du lendemain et répondre à un besoin de sécurité.
L’assurance protection juridique et l’accès à la justice
2. Dans le cadre d’une assurance protection juridique, l’assureur s’engage à fournir des services et à prendre en charge les frais liés à la défense des droits de son assuré, qu’il soit demandeur ou défendeur, soit dans une procédure judiciaire, administrative ou autre, soit en dehors de toute procédure (loi du 4 avril 2014 ‘relative aux assurances’, article 154).
Ainsi, l’assurance protection juridique protège l’assuré contre les atteintes au patrimoine dans son ensemble, que constituent les frais à engager en cas de litige. Ces frais sont constitués par les frais de justice (huissiers, frais d’appel, etc.), les états de frais et honoraires de l’avocat, du médiateur, des conseils techniques, des experts judiciaires, etc.
En souscrivant une assurance protection juridique, l’assuré se voit libéré, dans les conditions du contrat, du poids des dépenses engendrées pour la défense de ses intérêts.
Le libre choix de l’avocat, une garantie nécessitée par les intérêts divergents de l’assureur et l’assuré
3. Tout contrat d’assurance de la protection juridique doit explicitement préciser que l’assuré a le libre choix de son avocat (loi du 4 avril 2014 ‘relative aux assurances’, article 156).
Lorsque l’assuré doit faire appel à la garantie protection juridique qu’il a souscrite, le sinistre de l’assureur « protection juridique » diffère totalement de celui de l’assuré tant dans sa nature que dans son étendue.
Ainsi, le sinistre de l’assuré consiste dans la contestation de ses droits.
Prenons l’exemple l’accident de la circulation. Les circonstances de survenue de l’accident et, partant, les responsabilités sont contestées entre conducteurs des véhicules impliqués. Un juge pourrait, après examen du dossier, retenir un délit de fuite et prononcer un retrait de permis.
Lorsque ce conducteur fait appel à son assureur protection juridique, le sinistre de celui-ci correspond aux sommes nécessaires pour payer ses frais de défense. Il ne prend en charge ni les éventuelles condamnations ni les amendes ni les transactions pénales. Il ne subit pas davantage les conséquences d’un retrait de permis.
4. Dans un tel contexte, l’entreprise d’assurance, qui est un agent économique, a tendance à réduire ses dépenses et, dès lors, à rechercher ou proposer des avocats, des conseils techniques, … acceptant de travailler à des tarifs réduits.
Le jugement du 11 mars 2020
5. Dans un jugement prononcé le 11 mars 2020, le Tribunal de l’Entreprise francophone de Bruxelles a examiné le comportement d’une compagnie d’assurance de protection juridique proposant à ses assurés de bénéficier d’avantages financiers supplémentaires s’ils faisaient appel à un avocat labellisé ou partenaire.
Ce processus d’aliénation économique de l’assuré violait le principe légal du libre choix de l’avocat et tendait à inciter l’assuré à faire choix d’un avocat préalablement déterminé par son assureur dans le cadre d’une entente entre cet assureur et « ses » avocats sur le coût de leur intervention (limitée au barème fixé par l’arrêté royal du 28 juin 2019).
Sous l’effet d’une telle pratique commerciale, le choix de l’avocat par l’assuré n’était plus libre, mais orienté et dévié puisqu’en accordant des avantages financiers non négligeables aux seuls clients qui choisissent un avocat appliquant ledit barème, la compagnie d’assurance orientait incontestablement le choix de ses assurés, sans qu’une telle orientation ne soit motivée par la recherche de services juridiques de qualité.
Le Tribunal de l’Entreprise francophone de Bruxelles a considéré ces pratiques commerciales et publicitaires illégales et en a ordonné la cessation.
6. La compagnie d’assurance a cependant interjeté appel de cette décision.
Par un arrêt du 1er mars 2021, la Cour d’appel de Bruxelles a confirmé le premier jugement. Tout en s’appropriant la motivation du Tribunal de l’entreprise, elle s’est également référée à la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne. Par un arrêt du 14 mai 2020 (C-667/18), cette Cour a rappelé la portée générale et la valeur obligatoire qui sont reconnues au droit de choisir librement son avocat.
Votre point de vue
Skoby Le 3 octobre 2020 à 15:39
Le fait de pouvoir faire le choix de son avocat est en tous les cas une excellente
nouvelle pour les assurés, et j’espère que l’appel interjeté ne sera pas productif.
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