La Commission européenne condamne AB Inbev (bière Jupiler) pour violation des règles de la concurrence

par Norman Neyrinck - 24 juillet 2019

La Commission européenne a infligé en mai 2019 une amende record de 200 millions d’euros à AB Inbev, le producteur de la bière Jupiler. Le motif ? Diverses pratiques illégales mises en œuvre par cette firme, destinées à maintenir le prix de la Jupiler à un prix artificiellement haut sur le marché belge.

Norman Neyrinck, assistant de recherches au Liege Competition & Innovation Institute (LCII) de l’Université de Liège, avocat en droit de la concurrence et de la propriété intellectuelle, fait le point sur cette affaire et sur les règles du droit européen de la concurrence.

AB Inbev (Jupiler) a abusé de sa position dominante

1. AB Inbev est le plus grand brasseur au monde. Sa marque de bière la plus populaire en Belgique est la Jupiler.
La Commission européenne est la gardienne des règles de concurrence dans l’Union européenne.
Elle a jugé le 13 mai 2019 qu’AB Inbev détenait une position dominante sur le marché de belge de la vente en gros de bière .
Après enquête, la Commission européenne a jugé qu’AB Inbev a commis un abus de sa position dominante en appliquant une stratégie délibérée visant à limiter les importations de bière Jupiler depuis les Pays-Bas vers la Belgique.
Or, la Jupiler est vendue moins chère aux Pays-Bas.
L’objectif général était de maintenir des prix plus élevés en Belgique en limitant la possibilité pour les supermarchés belges d’acheter de la bière Jupiler à des prix moins élevés aux Pays-Bas et de la revendre en Belgique.
Cette stratégie de limitation des importations s’est principalement déployée à travers deux pratiques :
 AB Inbev a modifié l’emballage des bières vendues aux Pays-Bas afin de rendre ces produits plus difficiles à vendre en Belgique, notamment en supprimant la version française des informations obligatoires de l’étiquette ;
 AB Inbev a limité les volumes de bière Jupiler fournis à un grossiste aux Pays-Bas, afin de limiter les importations de ces produits vers la Belgique.
Selon les mots de la Commission européenne , la stratégie d’AB Inbev « a privé les consommateurs belges d’un des principaux avantages du marché unique européen, à savoir la possibilité d’avoir plus de choix et de bénéficier d’un meilleur prix lorsqu’ils font leurs achats ».
En conséquence, AB Inbev se voit imposer une amende de 200 millions d’euros.
Un recours contre cette décision est ouvert à l’entreprise condamnée devant le Tribunal de l’Union européenne. Le droit de la concurrence

2. On le voit, l’intervention de la Commission européenne protège le consommateur et permet de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles.
De quoi s’agit-il ? Les lignes qui suivent résument succinctement les règles de droit de la concurrence.
Le droit « antitrust » de la concurrence est composé de deux infractions principales : les ententes entre entreprises et l’abus de position dominante.
Les cartels (« ententes ») entre entreprises

3. Le droit de la concurrence interdit à des entreprises concurrentes de se mettre d’accord sur les conditions de vente de leurs produits.
Il est formellement interdit à des entreprises concurrentes de se mettre d’accord par exemple pour :
 augmenter les prix (ex. : augmentation de 15 % du prix de l’essence) ;
 diminuer les quantités vendues (ex. : réduire de 500 millions de litres la production de lait en Belgique) ;
 boycotter l’entrée d’un concurrent qui casse les prix sur le marché ;
 se concerter pour remettre des offres dans le cadre d’un marché public.
Ces pratiques constituent des infractions graves. Lorsque des entreprises concurrentes concluent un tel cartel, le client n’a plus la possibilité de faire ses achats ailleurs et doit payer plus cher sans raison.

L’abus de position dominante

4. L’abus de position dominante implique qu’une entreprise soit « dominante » sur le marché. Il faut qu’elle y détienne au moins 40 % de parts de marché.
Dans ce cas, l’entreprise dominante peut être sanctionnée si elle « abuse » de sa position dominante et porte préjudice à ses clients ou à ses plus petits concurrents. C’est notamment le cas si :
 elle empêche les importations entre les États de l’Union européenne (comme AB Inbev) ;
 elle impose des « prix excessifs » ou, au contraire, pratique la « vente à perte » ;
 elle « refuse de commercer » alors que ses produits sont indispensables à d’autres entreprises ;
 réalise des « ventes liées » : elle ne vend un produit que si le client en achète un deuxième.
L’amende imposée reflète l’importance du préjudice infligé aux consommateurs.
Droit européen ou droit belge de la concurrence
5. La Commission européenne sanctionne les pratiques anticoncurrentielles qui affectent le marché européen.
Dans l’affaire AB Inbev, c’était bien le cas puisque ce sont des pratiques mises en œuvre aux Pays-Bas qui affectaient le marché belge.
Lorsque l’affaire ne présente pas d’aspect international, c’est l’Autorité belge de la concurrence qui est compétente pour enquêter et sanctionner.

* *

Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur le sujet, plus d’explications sur le droit de la concurrence sont disponibles sur le blog de l’auteur.

Votre point de vue

  • skoby
    skoby Le 24 juillet 2019 à 12:58

    Voilà une loi qui me paraît particulièrement juste ! La conduite d’AB/INBEV dans
    l’exemple hollando-belge me paraît scandaleuse et mérite une condamnation.

    Répondre à ce message

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Norman Neyrinck


Auteur

Avocat au barreau de Liège-Huy, inscrit au barreau de Bruxelles, et maître de conférence à l’Université de Liège

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