En adoptant, le décret du 12 avril 2001 ‘relatif à l’organisation du marché régional de l’électricité, le législateur wallon a encouragé les personnes détentrices de panneaux photovoltaïques à injecter leur énergie verte sur le réseau électrique. Qualifiées de « prosumers », ces personnes ont pu pendant plusieurs années déduire du montant de leur facture d’électricité prélevée sur le réseau la quantité d’électricité verte qu’ils injectaient sur le même réseau.
Ce mécanisme de compensation leur permettait d’éviter de devoir payer le tarif plein d’utilisation du réseau. Concrètement, un possesseur de panneaux photovoltaïques qui prélevait 4.000 KWh sur le réseau et qui réinjectait 2.000 KWh d’électricité verte ne devait payer les frais d’utilisation du réseau que sur la différence entre l’énergie prélevée et celle injectée, soit 2.000 KWh, alors que le montant initialement prélevé était de 4.000.
Autorité régulatrice chargée par le législateur wallon d’établir les tarifs, la Commission wallonne pour l’énergie (CWaPE), adopta le 14 août 2014 une décision visant à modifier la méthodologie tarifaire initiale dans le but de faire contribuer les possesseurs de panneaux photovoltaïques à l’intégralité des coûts d’utilisation du réseau électrique, soit à concurrence des quantités d’électricité qu’ils prélevaient. Par conséquent, cette nouvelle méthodologie ne leur permettait plus de déduire des coûts liés à l’utilisation du réseau la quantité d’électricité verte qu’ils injectaient. En d’autres mots, la compensation découlant du tarif modulé de la CWaPE était devenu partielle puisqu’il ne couvrait désormais que la composante électricité et non plus l’ensemble des coûts d’utilisation.
L’asbl « Touche pas à mes certificats verts » ainsi que onze particuliers contestèrent devant la Cour d’appel de Liège – compétente pour statuer en tant que juridiction administrative avec un pouvoir d’annulation – la légalité de la décision de la CWaPE.
Dans son arrêt du 30 juin dernier, la Cour d’appel annula la décision querellée au motif qu’il n’appartenait pas à la CWaPE de mettre en cause les mécanismes réglementaires de compensation intégrale dont bénéficiaient les prosumers.
On observera que la Cour d’appel a reconnu l’intérêt à agir de l’asbl requérante au motif que son pouvoir « ne relève pas de la question de l’existence d’un droit subjectif mais relève d’un recours objectif ». En effet, elle est compétente en vertu du droit régional wallon pour prononcer la nullité de décisions de la CWaPE en cas d’illégalité, alors que les juridictions de l’ordre judiciaire ne sont en principe pas habilitées à prononcer la nullité d’une décision administrative. Ces dernières ne peuvent, en cas d’illégalité constatée, qu’écarter l’application des dispositions réglementaires illicites dans les causes dont elles sont saisies.
En date du 5 octobre, le comité de direction de la CWaPE a décidé de se pourvoir en cassation contre l’arrêt annoté.
Votre point de vue
Amandine Le 28 octobre 2015 à 22:07
Quatre remarques :
– l’intérêt à agir de l’ASBL – dans le cadre de ce qu’on appelle "class action", si j’ai bien compris – a été reconnu parce que, pour la Cour, il s’agissait d’un "recours objectif" ; la Cour ne s’engage donc pas en ce qui concerne la reconnaissance d’un intérêt à agir si elle avait à se prononcer sur l’existence d’un droit subjectif.
– il semble que c’était au législateur wallon de modifier le mécanisme de compensation institué par son décret, dès lors qu’il s’avérait dispendieux, et non pas à son Autorité régulatrice, la Commission Wallonne pour l’Energie. Pour quelles raisons le législateur wallon n’a-t-il pas remis sa législation sur le métier, et a-t-il décidé de déléguer ce problème à son Autorité Régulatrice, courant le risque que la décision administrative de celle-ci soit déclarée nulle par la Cour ?
– Il semble donc que si les "prosumers" verront le système initial plus avantageux maintenu, c’est du fait de la nullité de cette décision administrative. Mais qu’en serait-il si le législateur wallon venait à transcrire sous la forme d’un décret le nouveau mécanisme compensateur, moins avantageux, qu’a tenté d’imposer l’Autorité Régulatrice ?
– le mécanisme de compensation originaire est quelque peu surprenant : en principe, les frais d’utilisation du réseau sont occasionnés - et facturés - en fonction du nombre de KW livrés par le réseau. Je comprends qu’on rembourse au prosumer les 2.000 KW qu’il réinjecte sur le réseau, je peux comprendre qu’on ne lui demande pas de frais d’utilisation du réseau pour la réinjection de ces 2.000 KW (encore que …) mais pourquoi diable ne paierait-il pas, comme vous et moi, les frais d’utilisation occasionnés par les 4.000 KW qu’il a prélevés ? Les sommes que les prosumers sont dispensés de payer, tomberont à charge d’autres personnes, consommateurs ou contribuables.
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Gisèle Tordoir Le 27 octobre 2015 à 14:18
Apprendre que "les juges peuvent être les gardiens des espérances légitimes des citoyens." (sic) est rassurant mais n’est, finalement, que justice et équité. Ce jugement est donc une bonne nouvelle pour les personnes qui ont investi, suite aux divers encouragements et motivations de la région wallonne, dans le photovoltaïque...Ravie pour eux.
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skoby Le 27 octobre 2015 à 12:42
Cela me paraît être un excellent jugement, venant sanctionner les décisions
scandaleuses prises au détriment de ceux qui ont investi dans le photovoltaïque.
Ces clowns d’Ecolos n’avaient qu’à mieux faire leurs calculs avant de faire des
promesses, qu’ils sont incapables de tenir
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