1. La prévention de l’insolvabilité fait en effet partie des missions de base des tribunaux de l’entreprise.
Pour exercer cette mission souvent méconnue, il existe au sein de chaque tribunal de l’entreprise une chambre des entreprises en difficulté. Cette chambre est présidée par un magistrat de carrière, assisté d’une équipe administrative et de juges consulaires.
Ces derniers sont des entrepreneurs issus de la vie économique ; ils apportent au tribunal de l’entreprise leur expérience du terrain et leur expertise financière. Certains juges consulaires exercent en outre la fonction de juge rapporteur. Les juges rapporteurs invitent et reçoivent les entrepreneurs en grande difficulté au tribunal. À cette occasion, ils évaluent avec l’entrepreneur (et éventuellement son avocat et/ou son comptable) sa situation et les solutions qu’il envisage d’y apporter.
2. Pour aider davantage encore les entreprises en difficultés, le Tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles a en outre développé, en partenariat avec les autorités publiques et avec les acteurs du monde économique, des outils spécifiques permettant aux entrepreneurs de trouver une solution adaptée à leur situation. Certes, les juges ne donnent pas de consultations, mais la conversation qu’ils ont avec l’entrepreneur est l’occasion de les aiguiller vers les multiples solutions qui existent et de les renvoyer vers des institutions et de partenaires qui peuvent, quant à eux, les aider et les conseiller concrètement.
3. Pour résumer, disons que le tribunal intervient, avec ses partenaires extérieurs, sur trois plans et à trois moments distincts. En premier lieu, le tribunal met à la disposition des entreprises des remèdes permettant de prévenir la faillite. Il offre ensuite des solutions permettant d’accompagner le chef d’entreprise après le dépôt de bilan. Il propose enfin, un accompagnement psychologique pour les entrepreneurs en grande souffrance sur ce terrain.
4. Pour commencer et afin d’éviter la cessation de paiements des indépendants et des PME, le tribunal peut désigner un médiateur d’entreprise.
Il s’agit d’un professionnel (avocat, comptable, consultant, …) désigné par le président du tribunal ou par le président de la chambre des entreprises en difficulté, qui a pour mission de négocier au nom et pour compte de l’entreprise, avec les créanciers de cette dernière. Le but poursuivi est de permettre d’arriver à un étalement raisonnable ou à une remise de toute où partie de ses dettes.
L’avantage de cette solution est qu’elle permet aux entrepreneurs de continuer à gérer leurs affaires tout en confiant la négociation à des professionnels chevronnés en toute discrétion (puisqu’il s’agit d’une procédure confidentielle).
En outre, pour éviter que des entreprises déjà lourdement endettées ne doivent supporter le coût supplémentaire des honoraires du médiateur, le Tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles a négocié avec le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et avec BECI, l’union des entreprises de Bruxelles, un budget, via un subside européen, qui permet de financer à hauteur de 75 % les honoraires des médiateurs. Il en va de même pour les honoraires des mandataires de justice et des avocats intervenant dans le cadre de la procédure de réorganisation judiciaire (PRJ).
5. D’ailleurs la procédure de réorganisation judiciaire peut également constituer une solution pour les entreprises en difficultés confrontées à de nombreux créanciers.
Elle permet en effet aux entreprises de négocier avec leurs créanciers, sous la protection du tribunal de l’entreprise. Concrètement, une fois la procédure de réorganisation judiciaire ouverte, le tribunal accorde une période de sursis pendant laquelle les créanciers ne peuvent pas lancer de procédure d’exécution contre leur débiteur, ni le citer en faillite. Cela permet donc de négocier et de conclure des accords et, en cas de succès, de sauver l’entreprise.
6. Le Tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles a également conclu des partenariats avec des organismes publics et privés, qui œuvrent dans l’intérêt public, telles des fondations d’intérêt public, afin de permettre aux dirigeants d’entreprises, qui ont dû faire l’aveu de faillite, de rebondir et de se lancer dans un nouveau projet. Ces partenaires leur offrent un coaching personnalisé. C’est tout bénéfice pour l’entrepreneur et sa famille, mais également pour la société dans son ensemble qui voit ainsi préservée de l’activité économique.
D’autre partenariats existent également avec des organismes spécialisés dans l’accompagnement, le financement et la restructuration des entreprises en difficultés.
7. Enfin, le tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles est particulièrement attentif au bien-être psychologique des entrepreneurs qui ont été particulièrement éprouvés par les crises.
Concrètement, l’ASBL « Un pass dans l’impasse » offre des séances de soutien psychologiques gratuites spécialement dédiées aux dirigeants d’entreprises.
Ces personnes sont souvent pudiques et peinent à évoquer les souffrances causées par une faillite ou par les difficultés financières qu’elles traversent. C’est la raison pour laquelle plusieurs juges du Tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles ont été formés à être des « sentinelles » et à détecter, chez les entrepreneurs qu’ils rencontrent, le risque de passage à l’acte suicidaire.
8. La création de ce réseau, autour du Tribunal de l’entreprise, illustre parfaitement son rôle de service public, à l’écoute du justiciable.
Le Tribunal de l’entreprise, qui est le passage obligé des entreprises en difficulté, est ainsi devenu un point de contact permettant de renvoyer des gens souvent débordés par les tempêtes qu’ils traversent, vers les bonnes personnes proposant des solutions adéquates. Ce rôle est incontestablement appelé à se développer.
Au vu du succès qu’il rencontre, il est heureux de constater qu’il renforce également la confiance du citoyen dans son système judiciaire, confiance sans laquelle il ne peut y avoir d’État de droit efficace.