Pour répondre à la surpopulation pénitentiaire en Belgique, le Gouvernement belge a conclu avec les Pays-Bas une convention par laquelle ce dernier pays mettait à la disposition du nôtre une prison située à Tilburg, à quelques kilomètres de la frontière séparant les deux pays. Cette situation suscite de nombreuses questions, notamment celles que soulève ci-après Me Juliette Moreau, avocat au barreau de Bruxelles.

La convention entre la Belgique et les Pays-Bas du 31 octobre 2009 consacre le transfert d’au moins 500 détenus dans les prisons belges vers la prison de Tilburg aux Pays-Bas.

Une cérémonie de transfert des clés a, en grande pompe, précédé les premiers transferts de détenus. On nous a montré une belle prison, toute propre et certains responsables politiques ont affirmé que seuls les détenus parlant le flamand et volontaires seraient transférés…

Malheureusement, ces conditions n’existent pas dans la législation et des détenus francophones et d’établissements francophones ont déjà été transférés à Tilburg.

De même, de nombreux détenus de Louvain, Forest, Saint-Gilles, Andenne,… ont été transférés vers Tilburg sans leur consentement.
Des détenus se sont même barricadés dans leur cellule pour éviter leur transfert. Ils ont été emmenés de force par la police. D’autres n’osent pas se rebeller de peur de ce qui pourra être alors indiqué dans leur dossier…

Certains détenus ne parlent pas un mot de néerlandais ; d’autres affirment avoir de la famille, dont des enfants, à Bruxelles ; nombreux sont ceux qui perdent leur emploi ou doivent abandonner leur formation dans leur prison actuelle…

On quitte la promiscuité pour en retrouver une autre… mais loin de sa famille, de son pays d’attache, de son travail ou de sa formation…
Il y a des retards dans les courriers qui passent par la prison de Wortel, à laquelle celle de Tilburg est administrativement rattachée, la cantine est plus chère, etc.

Au niveau de l’aide psycho-sociale, indispensable pour la réinsertion des détenus, rien n’est organisé à ce jour. La Communauté flamande, compétente en la matière, n’avait pas été consultée dans les préparatifs de la mise en place de la convention. On estimait que ces détenus étaient de ceux qui n’avaient pas ou peu besoin d’aide !

Aujourd’hui, la Communauté flamande est en discussion avec le ministre de la Justice sur la mise en place de structures permettant d’offrir une aide aux détenus transférés à Tilburg… C’est un peu tard, sachant qu’il faudra encore créer des associations, recruter du personnel, libérer des fonds, trouver des solutions aux nombreux problèmes juridiques qui ne manquent pas de se poser vu la situation ! Cela prendra beaucoup trop de temps.

Concernant le service psycho-social de la prison même, il existe bel et bien mais ne présenterait un effectif que de quatre personnes alors que les besoins sont grands : les détenus sont en effet coupés de leur famille et ressentent une grande solitude !

Les détenus ne seront jamais mis en liberté sur le territoire des Pays-Bas. Lors d’une libération, d’une permission de sortie, d’un congé pénitentiaire, les détenus sont transférés à Wortel (35 km et 40 minutes plus loin). Là, les formalités sont faites et ensuite le détenu peut « prendre congé ». Il se trouve alors dans « the middle of ‘nowhere’ ».

A 1,5 km passe une fois par heure un bus qui emmène le détenu à Turnhout en 20 minutes. De là à on peut prendre un train par exemple vers Anvers (45 minutes) ou vers Bruxelles (1 h 15), sans compter le temps d’attente (40 minutes pour Bruxelles). Une fois arrivé, il est en quelque sorte déjà temps de rentrer à Wortel puis à Tilburg pour ne pas dépasser l’heure de rentrée imposée. Un aller-retour en train et en bus de la gare du Midi de Bruxelles à la prison de Tilburg prendra environ 7 heures et coûtera 33 euros. Un aller-retour de la gare du Midi à Wortel prend 5 h 30… Un aller-retour gare de Courtrai à la prison de Tilburg prend au moins 9 heures et coûte 43,62 euros…

Selon la loi Dupont du 12 janvier 2005, l’exécution de la peine privative de liberté est axée sur la réparation du tort causé aux victimes par l’infraction, sur la réhabilitation du condamné et sur la préparation, de manière personnalisée de sa réinsertion dans la société libre…

Avec Tilburg, force est de constater que la prison n’a plus d’autre objectif que de contenir et de « parquer » les personnes incarcérées en attendant la fin de leur peine ou leur libération conditionnelle. Dans quel état d’esprit peut-on espérer les trouver sortant de prison, n’ayant pratiquement pas reçu d’aide à la réinsertion ou psychologique, qui ont la « haine » contre la justice et sont rarement réconciliés avec eux-mêmes ?

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