Collectif Désistance : pour sortir de la délinquance

par Thérèse Jeunejean - 29 avril 2024

Avez-vous déjà entendu parler du « Collectif Désistance » ? Désistance, un mot inconnu… De quoi s’agit-il ? Pour le savoir et découvrir ce que recouvre ce Collectif, nous avons rencontré Tahar Elhamdaoui, coordinateur pédagogique et membre fondateur du Collectif en question.

« La désistance, explique-t-il, c’est se débarrasser de l’engagement dans lequel on était. Ici, c’est l’arrêt de l’activité délinquante ». Dit de manière plus savante, il s’agit « de transformer le temps d’incarcération en un temps de réamorçage d’un projet de vie, en invitant la personne à se reconnecter à ses ressources et à devenir actrice de son propre changement ». Autrement dit encore : c’est le contraire de la récidive !

Le but : la réinsertion

Travaillant à la réinsertion des détenus depuis trente ans, Tahar Elhamdaoui est contacté lors de l’ouverture de la maison de détention de Forest, en juillet 2023, pour faire partie du comité de pilotage. Avec d’autres personnes, il crée alors le « Collectif Désistance » qui va soutenir, renforcer le travail de réinsertion tel que l’envisage la maison de détention.
Brièvement, disons que la maison de détention est une prison différente. Son fonctionnement est particulier, davantage ouvert sur l’extérieur, davantage communautaire aussi. Elle est de petite taille et les détenus y bénéficient d’un régime plus souple. S’y retrouvent des condamnés pour moins de trois ans.
À Forest, les occupants ont généralement un faible niveau de qualification. Ils ont souvent connu le décrochage scolaire qui les a entrainés dans la délinquance. Ce ne sont pas n’importe quels délinquants, ils n’ont pas été condamnés pour des faits de mœurs, de violence grave ou de radicalisation.

Vers un projet de vie

Parler d’arrêter une activité délinquante, c’est bien, dit Tahar Elhamdoui, mais « croire qu’on va arrêter de délinquer parce que quelqu’un vous dit d’arrêter de faire des bêtises, non ! Il faut proposer des alternatives ! ».
Concrètement, pendant huit semaines, les membres du Collectif amènent des partenaires de formation (Bruxelles Formation par exemple) et des opérateurs d’emploi à la maison de détention. De multiples formations sont proposées aux résidents (on ne parle plus de détenus mais de résidents). Et ces résidents peuvent se positionner en fonction de leurs intérêts, de leurs compétences : « La menuiserie m’intéresse… ». L’objectif est d’arriver, à l’issue de ces huit semaines, à ce que chacun puisse élaborer un projet personnel et, lié à celui-ci, mettre en place un programme d’insertion, de réinsertion sociale.
À l’issue des huit semaines, les résidents sont donc censés commencer une formation à l’extérieur. Différence importante avec la prison donc, les hommes sortent de la maison et se forment à l’extérieur, pendant leur détention.

Ce n’est pas tout, éducatif

« J’ouvre des portes », explique aussi Tahar. Des activités éducatives permettent de consolider le projet professionnel et favorisent la progression de la désistance.
Par exemple, trois résidents vont faire de l’hippothérapie. « On met la personne sur un cheval et ce cheval est un médiateur. Celui qui le monte est obligé de changer son comportement parce que le cheval est une espèce de paratonnerre qui absorbe tous les comportements. Donc le cavalier est obligé d’activer des comportements nouveaux dont il n’a pas l’habitude. Comme parler calmement, ne pas s’énerver, être en empathie plutôt qu’en révolte… ». D’autres activités éducatives sont aussi mises en place, par exemple du théâtre, de la voile, des visites d’expos. Toutes ces activités permettent aussi de travailler le rapport à la loi, aux règles ou encore la responsabilité de chacun vis-à-vis des autres et du groupe. Elles aident l’intéressé à retrouver une estime de soi, une image positive…
Ces activités sont aussi proposées aux travailleurs sociaux. Leur participation permet de recréer du lien, une relation de confiance entre jeunes et travailleurs sociaux mais aussi entre le jeune et la société. « Le fait de vivre des choses ensemble, on n’est plus le travailleur social qu’on voit une heure par semaine ou tous les quinze jours ».

Toujours présents

Des membres du Collectif sont présents en permanence dans la maison, à côté des accompagnateurs (nouvelle appellation des ex-gardiens) et des résidents. Ils partagent donc la vie quotidienne des résidents, une vie communautaire elle aussi très différente de la vie en prison (chambres ouvertes, repas communautaires, circulation libre dans la maison, etc.). Et Tahar Elhamdoui précise : « Quand on vit constamment ensemble, il y a un lien, un attachement, des communications et cela fait que la personne sent, voit qu’on croit en elle. En participant à un projet théâtre par exemple, on vit quelque chose ensemble et il y a du respect parce que le travailleur social met aussi la main à la pâte. Il n’est pas un surveillant mais quelqu’un qui va faire une activité avec lui. Chacun a sa place mais on vit ensemble quelque chose de fort et d’intense ».
Les membres du collectif sont donc quotidiennement accessibles. Ils offrent donc à la fois un lieu de parole mais aussi un accompagnement pour toutes les démarches en vue de la réinsertion à la sortie de la maison. Si le résident le souhaite, le Collectif peut l’accompagner dans ses démarches administratives, juridiques ou autres, et d’abord dans celles qui lui permettront de percevoir des allocations de départ : CPAS ou chômage… puis mise en ordre de mutuelle, recherche de logement, inscription à la commune, règlement de dette, etc.

Grand projet, petits moyens

Actuellement, le Collectif rémunère un unique mi-temps (Tahar Elhamdaoui) mais travaille avec quatre personnes non rémunérées qui ont fondé avec lui ce Collectif. Quatre autres « coachs » volontaires les ont rejoints.
Ce projet pilote reçoit l’aide financière de Bruxelles Formation, complétée par un subside de la Fondation Bernheim. En attendant, en espérant d’autres financements…

Votre message

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Votre message

Les messages sont limités à 1500 caractères (espaces compris).

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document

Thérèse Jeunejean


Auteur

Diplômée en psycho-pédagogie et journaliste, elle a été la première plume en Belgique francophone à mettre l’actualité socio-économico-politique à la portée d’un jeune public. Sur Questions-Justice, elle décode aujourd’hui le fonctionnement de la justice.

Partager en ligne

Articles dans le même dossier

Avec le soutien de la Caisse de prévoyance des avocats, des huissiers de justice et des autres indépendants
Pour placer ici votre logo, contactez-nous