En cette période de campagne électorale, les partis politiques souhaitent présenter leurs idées politiques au plus grand nombre dans le but de séduire l’électorat le plus large possible. Alors qu’internet est devenu pour beaucoup de candidats un support inévitable, les médias de masse, que sont la télévision et la radio, demeurent incontournables. Leur impact auprès des électeurs est tel que tous les partis souhaitent pouvoir y défendre leurs opinions. L’accès à la tribune médiatique représente par conséquent un enjeu fondamental pour l’ensemble des formations politiques, et sans doute davantage encore pour les partis disposant de peu d’élus.
C’est précisément dans ce contexte que le juge des référés du tribunal de première instance de Bruxelles a rendu le 24 septembre 2012 une ordonnance condamnant le radiodiffuseur public de la Communauté française, la RTBF, pour non respect de son obligation de pluralisme. Le litige fait suite à une plainte déposée par le Parti Populaire (ci-après le PP) présidé par Mischaël Modrikamen, qui reproche à la RTBF de ne pas l’avoir suffisamment invité dans ses diverses émissions politiques, tant en radio qu’en télévision, alors que des représentants des autres partis étaient systématiquement présents. Le juge a suivi le raisonnement du PP. Il constate qu’entre octobre 2010 et juin 2012 le PP n’a eu que trois possibilités de débattre sur les plateaux de la RTBF, ce qui de prime abord contrevient à l’une des missions du service public, le respect du pluralisme.
La condamnation de la RTBF sonne toutefois plus comme un avertissement que comme une réelle sanction. En effet, aucune mesure n’a été prise à son encontre. Le juge a simplement enjoint la RTBF à respecter pour l’avenir ce principe de pluralisme en conviant plus régulièrement des représentants du PP. Il a estimé que prononcer des mesures précises contreviendrait à la liberté d’organisation dont jouit la RTBF.
Le pluralisme est établi à l’article 3 du décret du 14 juillet 1997 ‘portant statut de la Radio-Télévision belge de la Communauté française’. Cette disposition précise que les programmes de la RTBF doivent permettre de « rassembler des publics les plus larges possibles » en veillant à « refléter les différents courants d’idées de la société, sans discrimination, notamment culturelle, raciale, sexuelle, idéologique, philosophique ou religieuse […] ».
Faut-il comprendre cet article comme créant une obligation pour la RTBF de concéder du temps d’antenne à tous les partis ? En d’autres termes, l’article 3 peut-il être perçu comme conférant un réel droit pour les partis à accéder aux médias publics ?
Avant de répondre à cette question, il faut souligner le contexte général de l’article 3. La disposition n’est en effet pas propre au corpus de règles particulières applicables en période électorale. L’accès à la tribune médiatique par les partis politiques fait en effet l’objet de dispositions différentes selon que l’on est en période électorale ou hors d’une telle période. Tenant compte de cette précision, la question posée ci-avant doit à mon sens recevoir une réponse négative. Un jugement du 9 mai 2006 du tribunal de première instance de Bruxelles a d’ailleurs précisé que l’article 3 ne crée pour les partis politiques qu’« un droit subjectif à ce que leurs idées soient traitées sans discrimination par les programmes des médias publics ».
Toutefois, en période électorale, des tribunes politiques sont concédées par la RTBF. Elles sont réglementées par un dispositif électoral élaboré par la RTBF avant chaque scrutin (pour les élections communales et provinciales du 14 octobre 2012, le dispositif est disponible ici). Des règles spécifiques concernent notamment les « listes démocratiques francophones non représentées en groupes politiques reconnus au parlement de la Communauté française ». Entrant dans cette catégorie, le PP dispose par ce biais de tribune électorale en radio, en télévision et sur internet, selon des modalités précises.
Au regard de ce dispositif, la RTBF estime que le principe de pluralisme est tout à fait respecté, ce que conteste le PP. En outre, elle ne partage pas l’analyse faite par le juge et a décidé d’interjeter appel. Face à l’inertie de la RTBF et sa volonté de ne pas modifier son dispositif électoral, le PP a mis en demeure le radiodiffuseur public et menace de nouvelles actions judiciaires. Affaire à suivre…
Votre point de vue
Gisèle Tordoir Le 11 octobre 2012 à 13:19
Quel que soit le parti, tous doivent avoir droit au même temps de paroles, d’écoute, d’audiences. Ce n’est certainement pas à une chaîne télé de décider qui passe ou pas, combien de fois, combien de temps. La RTBF est, plus clair que cela tu meurs, de gauche. C’est totalement anti-démocratique que de prendre telle ou telle autre position dans l’audimat. Raison de plus lorsque l’on est radiodiffuseur public, payé avec les deniers de toutes et tous, pour respecter l’obligation de pluralisme. On voudrait nous faire croire qu’en Belgique il n’y a que quatre partis francophones et autant (à un près) du côté néerlandophone que l’on ne s’y prendrait pas mieux. Il faut arrêter de nous prendre pour des imbéciles. A bas la politisation des organes vitaux de la communication...Nos dirigeants installent notre pays dans un propagandisme MR-PS (en France l’UMPS). Il est grand temps de changer les choses...A l’allure actuelle, nous allons droit dans le mur dans plein de domaines dont l"’injustice". Cette réprimande judiciaire tient plus "de piteuse musculation" juste pour que l’on ne reproche pas son indifférence à la magistrature. Du grand guignol, quoi...Dommage qu’un parti comme le PP n’ait pas pu être capable d’éviter le ridicule de leur "gué-guerre des chefs". Son programme tient vraiment la route et voilà que de par la faute de ses dirigeants (et oui, une fois de plus ce sont les dirigeants qui fautent) nous passons à côté d’une formidable occasion d’avancer et/ou de nous sortir du bourbier dans lequel nos dirigeants actuels nous enfoncent. Les oeillères,ils savent ce que c’est...Ä tel point que cela les empêche d’ouvrir les yeux. Quel gâchis alors que nous avons cette chance de vivre en "démocratie"...
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skoby Le 9 octobre 2012 à 14:34
En principe, je trouve que Me Modrikamen a raison.
Mais dans la réalité des faits, il faudrait voir ce que représente encore son parti,
sachant qu’il s’est brouillé avec plusieurs de ses compagnons de parti.
Que représente-t-il encore sur le plan belge ?
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