L’instruction est secrète ; il en va donc ainsi devant la chambre du conseil

par Caroline Poiré - 21 janvier 2019

Un internaute visiteur de Questions-Justice nous a posé la question suivante :

« Les audiences de la chambre du conseil qui statuent sur le règlement de la procédure suite à une plainte avec constitution de partie civile sont-elles publiques ? ».

Caroline Poiré, avocat au barreau de Bruxelles, répond à la question à l’intention des lecteurs de Justice-en-ligne.

Le règlement de la procédure à la clôture de l’instruction

1. Avant d’aborder la question, il nous semble utile de comprendre en quoi consiste le « règlement de la procédure » devant la chambre du conseil et quelle est son utilité.

2. Lorsque le juge d’instruction, en charge d’une enquête pénale, estime que celle-ci est complète et terminée, il transmet son dossier au procureur du Roi. Le procureur du Roi est un magistrat qui dirige le Parquet au niveau du tribunal de première instance et qui représente les intérêts de la société devant la Justice.

Il appartient, alors, au procureur du Roi d’évaluer les résultats de l’enquête menée par le juge d’instruction :
 soit il estime que l’enquête n’est pas complète et va requérir (c’est-à-dire « demander ») des devoirs d’enquête complémentaires au juge d’instruction ; à titre d’exemple, le procureur du Roi pourrait solliciter une expertise complémentaire, une audition de témoins ou une perquisition ;
 soit il estime l’instruction complète et prend des réquisitions en vue du règlement de la procédure devant la chambre du conseil pour que celle-ci indique quelles devraient être les suites du dossier.

3. Le réquisitoire du procureur du Roi a une double fonction :
 il permet de constater que l’instruction est complète et terminée ;
 il indique l’orientation qui, selon lui, doit être donnée au dossier.

Par le biais de son réquisitoire, le procureur du Roi peut requérir de la Chambre du conseil plusieurs choses.

À titre d’exemple, il peut demander :
 le non-lieu (décision de ne pas poursuivre une personne devant un tribunal) ;
 le renvoi devant le tribunal compétent (le plus souvent le tribunal correctionnel) ;
 l’internement (c’est-à-dire une mesure de protection de l’intéressé et de la société lorsque l’inculpé, en raison de son état de santé, ne peut être considéré comme étant capable d’assumer la responsabilité de ses actes et doit donc être soigné).

Lorsque le procureur du Roi a établi son réquisitoire en vue du règlement de la procédure, la chambre du conseil fixe une date d’audience.

La procédure devant la chambre du conseil

5. La chambre du conseil est, pour rappel, une chambre du tribunal de première instance, composée d’un juge unique.

Concrètement, l’audience se déroule de la manière suivante : le juge d’instruction fait un rapport oral de son enquête, la partie civile et/ou son avocat plaident, le procureur du Roi développe son réquisitoire écrit et enfin l’inculpé et/ou son avocat avancent leurs arguments de défense.

6. La chambre du conseil rend, ensuite, une ordonnance motivée qui déterminera le sort à réserver à l’inculpé : sauf si elle ordonne des devoirs complémentaires, elle peut soit prononcer un non-lieu, soit renvoyer l’inculpé devant le tribunal correctionnel.

Dans ces trois cas, l’ordonnance de la chambre du conseil clôt l’instruction et a pour effet de dessaisir le juge d’instruction.

Exceptionnellement, la chambre du conseil peut rendre une ordonnance en tant que juridiction de jugement. Elle a, alors, le pouvoir de statuer sur le fond de l’affaire et sur la culpabilité de l’inculpé : elle peut ainsi ordonner l’internement de l’inculpé ou la suspension du prononcé de la condamnation .

La procédure à huis clos

7. L’audience de la chambre du conseil se tient à huis clos et la décision de
la chambre du conseil n’est, sauf exceptions, pas prononcée en audience publique.

Ceci résulte du principe de base selon lequel l’instruction est secrète, principe qui est énoncé à l’article 57, § 1er, du Code d’instruction criminelle, qui régit les règles de procédure pénale.

Le secret de l’instruction a pour raison d’être le respect de la présomption d’innocence, de la vie privée et de la dignité des personnes.

Dès lors, les audiences de la chambre du conseil qui statuent sur le règlement de la procédure en fin d’instruction, que ce soit à la suite d’une constitution de partie civile ou à la suite d’une autre saisine du juge d’instruction (par exemple par le parquet), ne sont pas publiques car il est nécessaire de garantir et protéger, vis-à-vis des tiers et de l’opinion publique, la vie privée et la présomption d’innocence de la personne accusée par une partie civile.

Exceptions au huis-clos de la chambre du conseil

8. Par contre, lorsque la chambre du conseil statue en tant que juridiction de jugement, les débats sont à huis clos mais les décisions d’internement ou de suspension du prononcé sont prononcées en audience publique.

La suspension du prononcé ne pourra être accordée que si notamment l’inculpé rapporte la preuve que la publicité des débats devant le tribunal pourrait provoquer son déclassement socio-professionnel par exemple.

Conclusion

8. Selon l’article 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».

Le principe du secret de l’instruction, qui s’illustre notamment avec la règle selon laquelle les règlements de procédure initiées par une constitution de partie civile, est l’une des applications du prescrit de l’article 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme : tout homme est présumé innocent, jusqu’à ce que le contraire soit prouvé. L’instruction et la décision de renvoyer ou de ne pas renvoyer une personne devant un tribunal sont donc secrètes.

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